Mobilité et transport collectif: «Le Québec manque de vision à long terme»

Publié le 01/10/2023 à 00:00

Mobilité et transport collectif: «Le Québec manque de vision à long terme»

Publié le 01/10/2023 à 00:00

Par Claudine Hébert

Depuis trois ans, le dévoilement annuel du Plan québécois des infrastructures (PQI) sur les dix prochaines années prévoit d’importants investissements en matière de mobilité et de transport collectif. (Photo: 123RF)

Une stratégie solide en matière d’infrastructures de transports implique de prendre en compte les enjeux actuels, mais aussi futurs, à commencer par les changements climatiques et les besoins de mobilité. Où en est-on au Québec, alors que le gouvernement prévoit d’injecter plusieurs milliards de dollars dans ce secteur les dix prochaines années?

Depuis trois ans, le dévoilement annuel du Plan québécois des infrastructures (PQI) sur les dix prochaines années prévoit d’importants investissements en matière de mobilité et de transport collectif. Près de 14 milliards de dollars (G$) devraient ainsi être injectés d’ici 2033 dans ce secteur. Mais est-ce suffisant? Plusieurs observateurs en doutent.

Depuis un an, l’Alliance Transit, qui regroupe une soixantaine d’organismes, tels qu’Équiterre, Trajectoire Québec et Vivre en ville, déplore justement le sous-financement du transport collectif au Québec. «Le PQI 2023-2033 prévoit des investissements en transport collectif à hauteur de 13,8G$. Or, les investissements dans le réseau routier atteindront, eux, 31,5G$, soit 70% de l’enveloppe totale contrairement à 30% pour le transport collectif», soulève Samuel Pagé-Plouffe, coordonnateur de l’Alliance.

Non seulement le gouvernement québécois compte investir près de trois fois plus d’argent dans le réseau routier, près du quart des sommes prévues à cet effet (23%) sera destiné à la bonification de la capacité routière, dénonce-t-il. «Si nous étions cohérents vis-à-vis l’urgence d’agir quant aux changements climatiques, ces investissements prioriseraient davantage le maintien des actifs et le virage vers la mobilité durable», plaide le gestionnaire de l’Alliance Transit. De plus, il cite la province voisine, l’Ontario, qui, elle, consacre 71% du budget de son plan d’immobilisation au transport collectif.

 

Manque de vision à long terme

«Le Québec manque de vision à long terme pour transformer fondamentalement le transport au sein de son territoire», renchérit Pierre-Olivier Pineau, professeur au Département de sciences de la décision à HEC Montréal et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie. L’enseignant a justement claqué la porte du Comité consultatif sur les changements climatiques du gouvernement Legault, en août dernier. Un manque de vision et de transparence, des programmes inefficaces ainsi que l’absence de remise en question sur la façon dont les Québécois consomment l’énergie sont les diverses raisons qui ont motivé sa démission.

«Actuellement, trop peu d’argent et d’énergie sont investis afin de réduire nos distances de déplacement et faciliter le transfert de nos modes actuels de transport vers des solutions moins énergivores. Ce qui aiderait à réduire nos émissions de gaz à effet de serre», dit-il. Selon cet expert, on mise davantage sur l’électrification des véhicules. «Certes, cela peut aider à diminuer notre consommation de pétrole, mais ça ne règle pas les problèmes de congestion.» La CAQ avait promis qu’elle présenterait une stratégie ferroviaire, une promesse qui était d’ailleurs applaudie par les municipalités. Or, nous attendons toujours les plans de cette stratégie deux ans après la réélection du parti. C’est malheureux, mais c’est la réalité. Le lobby de la voiture aux énergies fossiles est encore très présent et très difficile à déloger», regrette-t-il.

 

Avant de savoir comment, pourquoi le faire?

Florence Junca-Adenot, professeure associée au Département d’études urbaines et touristiques de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM), soutient, elle aussi, que l’on fait peu de choses pour améliorer la mobilité. «La principale question qu’il faut se poser en matière de mobilité n’est pas de savoir comment on peut améliorer nos infrastructures, mais pourquoi il est devenu impératif de le faire», soutient l’enseignante.

«Pourquoi est-ce important ? Parce que nous n’avons plus le choix», insiste-t-elle. Le transport routier (véhicules et camions) continue de représenter plus de 40% des gaz à effet de serre que l’on produit au Québec. «Si nous souhaitons sérieusement réduire ces gaz, il faut revoir la place qu’occupe l’automobile dans nos déplacements. Il faut revoir l’aménagement du territoire», avertit-elle. La professeure demeure convaincue que le réaménagement des villes fait partie des grands chantiers qu’il faut considérer en priorité pour repenser le transport. À ses yeux, le modèle déployé dans le comté d’Arlington, en banlieue de Washington DC (là où se trouvent le Pentagone et plusieurs autres sièges sociaux), est un bel exemple. Depuis une cinquantaine d’années, le transport en commun y est privilégié davantage que la construction de larges autoroutes. Encore aujourd’hui, Arlington se distingue aux États-Unis pour le nombre de foyers sans voiture. Tout récemment, moins de 13% des ménages n’avaient pas de véhicule, comparativement à moins de 10% à l’échelle nationale.

Florence Junca-Adenot surveille justement de très près le projet de développement autour des terrains de l’ancien hippodrome de Montréal. «Il s’agit d’un secteur ultracongestionné où il y a très peu de transport collectif. J’ai hâte de voir si la Ville de Montréal en fera un quartier modèle en matière de mobilité.»

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