Philanthropie: l'affaire Chagnon nécessite un peu de contexte!

Publié le 16/03/2016 à 10:54

Philanthropie: l'affaire Chagnon nécessite un peu de contexte!

Publié le 16/03/2016 à 10:54

Par Diane Bérard

André Chagnon. (Photo: Les Affaires)

La Fondation Lucie et André Chagnon cesse de financer l’organisme «Québec en forme». Une décision prise d’un commun accord au terme d'un partenariat de 10 ans. «Québec en forme» estime avoir rempli sa mission, soit favoriser l’activité physique et une saine alimentation chez les Québécois.

Quant à la Fondation Chagnon, son vp stratégie et partenariats a confié à Radio-Canada que ce partenariat a donné lieu à quelques bons coups. Mais la fondation estime que ce n’est pas nécessairement «la meilleure manière de se rendre à l’objectif».

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Cette nouvelle ouvre une sacrée boîte de Pandore! Elle fait surgir des débats qui déchirent le monde philanthropique depuis toujours. Il serait temps de les actualiser. Le monde change.

1- Fondations et frais d’administration

On a toujours estimé que les fondations aux frais d’administration les plus faibles étaient les mieux gérées. Qu’elles en donnaient plus aux donateurs et à la communauté pour leur argent. Cette présomption est contestée. Au cours des dernières années, j’ai participé à de nombreux événements liés à l’économie sociale. On évoque la nécessité de professionnaliser les organismes de cet écosystème. De développer des systèmes informatiques plus sophistiqués pour faciliter le don en ligne. D'affiner la stratégie de cueillette de dons. D’explorer l’investissement d’impact. De devenir plus stratégiques. De développer des revenus autonomes. Bref, de passer à un autre niveau pour pérenniser ces organisations. On a compris qu’à force de tout investir dans les programmes et presque rien en elles-mêmes, les fondations et autres organismes de l’écosystème se mettent en danger. Ils vivotent d’une année à l’autre et s’enlisent dans le cercle vicieux de la précarité et de la dépendance.

Cela ne sert ni les clients, ni les donateurs, ni les employés.

Évidemment, mon commentaire tient compte du gros bon sens: comme toute organisation, une fondation et un organisme communautaire doivent gérer leur budget de façon optimale et allouer les sommes là où elles rapportent le plus en fonction de leur mission.

2- Partenariats publics-privés ou la peur d’avoir peur

Il a suffi que la Fondation Chagnon cesse de subventionner Québec en Forme pour raviver les vieilles peurs concernant la place du secteur privé dans le secteur social. Tout y est passé. Le secteur privé ne connaît rien aux enjeux sociaux. Le secteur privé débarque avec ses gros sabots et dicte ses priorités au secteur social. Le secteur privé devrait se contenter de donner de l’argent sans se mêler de son utilisation. Le secteur privé réclame trop de comptes, tout devient bureaucratique. Tout est trop long. Etc.

Soyons réalistes, en 2016, on ne peut pas demander à une fondation ou une entreprise de faire un don aveugle. Ce n’est plus ainsi que l’on fait les choses. La situation financière des entreprises a changé, la gestion de leurs dons aussi. Elle devient plus stratégique. Ce n’est pas un jugement, c’est une observation.

Il est vrai que les donateurs réclament plus de comptes. On parle de mesures d’impact. C’est plus exigeant, j’en conviens. Mais plusieurs dg de ces organisations m’ont avoué apprécier ce virage pour deux raisons. Ces mesures d’impact sont utiles pour allouer leurs fonds aux programmes les plus efficaces. Et puis, ces mesures rendent les donateurs plus compétents. Certains dg aiment peut-être traiter avec des donateurs qui se contentent de faire des dons. Mais d’autres - dont Claudine Labelle de Fillactives et Jean-François Archambault de La Tablée des chefs - préfèrent traiter avec des donateurs partenaires qui comprennent plus finement leur réalité et qui apportent de l’expertise, en plus de l’argent. J’ajouterai que Lili-Anna Peresa, la pdg de Centraide, présente désormais son organisme comme un «investisseur social» et non un organisme de dons.

Comme le dit si justement Maya Finkelstein, dg de la fondation américaine Open Road Alliance, «Money can buy things. But it actually does very little. (…) At Open Road Alliance we are learning to think about money not as the solution to problems but as a fungible resource that can be shaped into tools and used to help solve problems.»

Tous les paternariats publics-privés ne sont pas heureux, certes. Mais je ne crois pas que nous pouvons retourner à l’époque des silos, avec ceux qui donnent d’un côté et ceux qui reçoivent de l’autre. Ce n’est pas possible ni souhaitable. Les acteurs sociaux sont sans contredit les experts de leur secteur. Mais ils n’ont pas le monopole de la compassion ni de l’empathie. Ni celui de la créativité et des compétences.

En fait, le véritable effet pernicieux de ce rapprochement du monde corporatif vers le monde communautaire et social est qu’il ouvre la porte au désengagement de l’État. Dans le contexte actuel, l’État québécois cherche toutes les occasions de se retirer de la sphère sociale. Ce n’est pas le rôle des entreprises de remplacer l’État.

 

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