Pourquoi éviter les obligations du Canada


Édition du 20 Avril 2019

Pourquoi éviter les obligations du Canada


Édition du 20 Avril 2019

CHRONIQUE. – Avec le prix des actions qui ne cesse de monter depuis le début de l'année, le marché boursier vous semble inabordable ? Ce n'est rien en comparaison des obligations canadiennes de dix ans, dont la cherté est inversement proportionnelle au taux d'intérêt qu'elles offrent.

Ce taux n'arrête pas de baisser pour atteindre des profondeurs surprenantes. Il se situe à 1,67 %, donc plus bas que les prévisions d'inflation de 2 % au pays. Si ces dernières se confirment, les obligations canadiennes appauvriront les investisseurs pendant dix ans, avant même d'avoir payé l'impôt ! C'est tout aussi vrai si ce sont les obligations de 20 ans ou de 30 ans qui vous intéressent.

Le taux d'intérêt sur les obligations du Canada de dix ans se retrouve même sous le taux directeur de la Banque du Canada (un taux d'intérêt à très court terme), établi à 1,75 %. Cette situation survient habituellement quand les investisseurs obligataires anticipent une baisse du taux directeur par la Banque centrale dans un effort pour atténuer l'effet d'une récession.

Beaucoup de stratèges et d'économistes sont pourtant plus optimistes quant à la conjoncture. En effet, plusieurs estiment que la récession sera évitée cette année et qu'en 2020, on ne subira qu'un ralentissement économique. Ce qui est marquant, ici, ce n'est pas tant l'anticipation d'une récession, mais cette conviction, sur le marché obligataire, que la Banque du Canada baissera son taux directeur aussitôt que la conjoncture économique se détériorera.

Cela contraste avec l'humeur des investisseurs boursiers qui ne s'inquiètent pas trop de voir les bénéfices des entreprises affectés par une éventuelle récession.

Alors, vers où se tourner ?

Les bas taux d'intérêt sur les titres de grande qualité ne sont pas un phénomène canadien, il est mondial. L'Allemagne, l'Angleterre, la France et le Japon ont tous des taux obligataires de dix ans encore plus bas qu'au Canada. Pour les investisseurs mondiaux, le Canada fait partie des rares pays qui émettent encore des obligations de grande qualité. En janvier dernier, les investisseurs étrangers ont fait des achats nets d'obligations canadiennes de plus de 14 milliards de dollars. Le mouvement semble se poursuivre et pèse encore plus sur les taux canadiens.

Si on se limite aux obligations peu risquées, ce sont les titres du gouvernement américain qui semblent les plus attrayants. Le taux de dix ans s'élève là-bas à 2,48 %. Ces titres ont aussi l'avantage d'être les plus liquides de la planète, ce qui n'est pas à négliger quand un investisseur a besoin de liquidités pour facilement redéployer ailleurs. Les États-Unis n'ont cependant pas la cote de crédit accordée aux titres de première qualité.

Pour espérer des rendements supérieurs, il faut accepter plus de risque; c'est pourquoi les actions privilégiées des grandes entreprises canadiennes sont à considérer. Plusieurs ont un taux de dividende supérieur à 5 %.

Ce n'est pas la panacée, mais c'est tout même près de trois fois le taux des obligations du Canada. Il est presque certain que sur dix ans, ces titres dégageront des revenus stables et plus élevés que les obligations du Canada.

Avant de réduire le dividende promis sur une action privilégiée, une entreprise doit supprimer le dividende sur son action ordinaire. Il est donc très peu probable que des sociétés comme BCE et la Banque Royale (ou toute autre banque canadienne) réduisent à zéro le dividende sur son action ordinaire pour diminuer le dividende de ses actions privilégiées. Il est alors très plausible que les dividendes sur les actions privilégiées soient maintenus et demeureront par conséquent plus élevés que les taux d'intérêt sur les obligations.

Devez-vous prendre le risque de réduire le poids des obligations de votre portefeuille en 2019 ? À moins d'avoir de forts besoins de liquidités à court terme, les obligations du Canada sont à éviter. Elles offrent une perspective de rendement à long terme très peu attrayante. Si vous pouvez vous permettre une plus faible liquidité sur une portion de votre portefeuille, il serait préférable de vous tourner vers d'autres titres plus rentables.

Pour un revenu stable et plus élevé à long terme, les actions privilégiées ou les actions ordinaires à fort dividende, comme celles offertes par les banques, les compagnies d'assurance ou encore BCE, sont préférables aux obligations du Canada. Comme les revenus de dividende sont moins imposés que les revenus d'intérêt, l'avantage des actions sera encore plus évident si votre compte d'investissement ne se trouve pas à l'abri du fisc, dans un CELI ou un REER.

À propos de ce blogue

Richard Guay est professeur titulaire en finance à l’ESG UQAM et ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Richard Guay