Les transactions les plus réussies permettront aux entreprises de progresser rapidement. (Photo: 123RF)
F&A. Après une année record en 2021, le marché canadien des fusions et acquisitions (F&A) a marqué le pas en 2022 et au début de 2023. Dans un contexte plus incertain, la prudence est maintenant redevenue une vertu.
En 2021, il y a eu 4543 F&A annoncées au Canada, pour une valeur totale de près de 507 milliards de dollars (G$), selon l’Institute for Mergers, Acquisitions & Alliances (IMAA). L’année suivante, l’IMAA en dénombrait 3523 (-22,5%), pour un montant total de près de 283 G$ (-44,2%).
«Ces résultats demeurent dans les normales historiques ; ce sont plutôt les chiffres de 2021 qui sortaient de l’ordinaire», souligne Miriam Pozza, associée du groupe Transactions de PwC Canada et dirigeante de l’équipe ESG Transactions au Canada et dans le monde. Les données de l’IMAA indiquent effectivement que les résultats de 2022 restent supérieurs à ceux de toutes les années avant 2017 et très semblables à ceux de 2017 et de 2020.
Une récente étude de Mergermarket montre que les secteurs les plus actifs au Canada, en 2022, dans ce marché, ont été ceux des technologies/télécommunications/médias (TMT) et de l’énergie/mines/services publics.
L’acquisition de l’américaine First Horizon National par la Banque TD pour 13,5 G$ US représentait la plus grosse transaction de 2022 dans le secteur financier nord-américain. Banque TD a cependant fait marche arrière en mai 2023, citant des incertitudes réglementaires. L’achat de Banque HSBC Canada par la Banque Royale constitue la troisième plus grande opération dans ce secteur en 2022.
Une année parsemée d’embûches
Miriam Pozza qualifie de « tempête parfaite » la conjugaison de facteurs économiques et géopolitiques qui ont refroidi les ardeurs sur le marché des F&A. La remontée des taux d’intérêt a augmenté le coût du financement et parfois réduit la valorisation de certaines cibles. Idem pour l’inflation qui, en haussant les coûts d’activité de certaines entreprises, a pu en diminuer la valeur aux yeux des acheteurs. S’ajoutent à cela la crainte d’une récession économique, les sanctions commerciales et bien sûr l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Cette nouvelle donne a modifié certains aspects de la mécanique des transactions, selon Me Étienne Brassard, avocat spécialisé en droit des affaires au cabinet Lavery. Il y voit au moins trois conséquences. «Depuis quelques années, beaucoup d’acheteurs amorçaient une transaction sans avoir ficelé tout le financement, en tenant pour acquis qu’il serait au rendez-vous dans les quantités et les temps voulus, mais cette approche a connu des ratés en 2022», explique-t-il. Certaines transactions ont même échoué pour cette raison.
Le rythme des transactions aurait également ralenti. Certains acheteurs avaient pris l’habitude d’effectuer des vérifications diligentes assez courtes, convaincus que la valeur de leur cible valait la peine de composer avec quelques mauvaises surprises. La remontée des taux et un climat plus incertain les amènent à se montrer plus rigoureux.
«Les acheteurs cherchent aussi à mieux mitiger les risques, par exemple en proposant des prix d’achat ajustables en fonction de conditions futures», précise Me Brassard.
Un avenir prometteur
Le marché des F&A dans le marché intermédiaire a aussi ralenti en 2022. Selon BDO Canada, on y recensait 1971 transactions cette année-là, comparativement à 2561 l’année précédente (-23%). Cependant, la valeur totale de ces transactions dépassait celle de 2021 par plus de 17%.
Bernard Cormier, directeur général des services en fusions-acquisitions et des marchés financiers de BDO Canada, estime que plusieurs facteurs sous-jacents favorisent le marché des F&A, en particulier dans le marché intermédiaire. «Environ 75% des propriétaires de PME pensent céder [leur entreprise] d’ici dix ans, et plusieurs d’entre eux vivront des enjeux de succession et vendront à l’externe», souligne-t-il, citant un rapport de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante dévoilé en janvier dernier.
La pression d’effectuer un virage numérique pour rester compétitif amènera aussi certaines entreprises à en acquérir d’autres, qui les aideront à accélérer cette transformation.
Autre facteur majeur : la quantité de capitaux disponibles dans les fonds d’investissement, que Bernard Cormier appelle «la poudre gardée au sec». En Amérique du Nord, cette réserve atteint environ 3700 G$ US, dont une bonne partie pourrait servir à financer des F&A dans tous les marchés.
«Sans oublier que de grands gestionnaires d’actifs, comme BlackRock, ont annoncé qu’ils incluront des investissements alternatifs dans leurs portefeuilles destinés aux investisseurs de détails, ajoute Bernard Cormier. Il y aura donc encore plus d’argent dans les fonds d’investissement au cours des prochaines années.»