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S’adapter pour conserver la relève

Jean-François Venne|Publié le 10 octobre 2022

S’adapter pour conserver la relève

La flexibilité pointe en tête de liste lorsque l’on interroge les dirigeants des cabinets d’avocats au sujet des attentes de leurs recrues. (Photo: 123RF)

GRANDS DU DROIT. La compétition pour les meilleurs talents force les bureaux d’avocats à redoubler d’ardeur pour conserver leurs jeunes professionnels. Pour y arriver, ils doivent cerner leurs désirs et trouver les moyens d’y répondre, tout en respectant les besoins et les objectifs de leur entreprise.

La flexibilité pointe en tête de liste lorsque l’on interroge les dirigeants des cabinets d’avocats au sujet des attentes de leurs recrues. « Ils souhaitent choisir le lieu de travail le plus pertinent pour accomplir leurs tâches, définir leur horaire, mais aussi jouir de plus de flexibilité dans leur cheminement professionnel en modulant la vitesse de leur progression ou en essayant diverses pratiques d’affaires », explique Amélie Journet, cheffe des talents et du développement professionnel chez Lavery.

Au printemps 2020, la pandémie a poussé tout le monde à se tourner vers le télétravail dans l’urgence. Aujourd’hui, les bureaux comprennent qu’ils ne pourront pas revenir en arrière, crise sanitaire ou pas. Les jeunes ont rapidement adopté cette flexibilité et plusieurs préféreront changer d’emploi plutôt que de la perdre. Les cabinets ont de leur côté constaté une augmentation de la productivité, notamment en raison de la diminution du nombre de déplacements. 

« C’est plus facile d’aller chercher les côtés positifs lorsque le télétravail n’est pas obligatoire à temps plein et qu’on peut utiliser un modèle hybride, avance Amélie Journet. Contrairement à une idée reçue, les jeunes aussi veulent passer une partie de leur temps au bureau, voir leurs collègues et créer des liens. Nous devons équilibrer tout ça. »

Cela montre bien que les cabinets doivent rester à l’écoute de leurs recrues. « Bien sûr, le salaire joue un rôle et la compétition pour les meilleurs talents impose une pression à la hausse sur ce plan, poursuit-elle. Mais ce n’est pas suffisant pour les garder. Nous devons répondre à d’autres attentes en termes de flexibilité, d’encadrement, de formation et d’ambiance de travail. »

 

Soigner l’individu

Me Jean-Francois Gagnon, chef de la direction chez Langlois Avocats, constate que tous les cabinets ont travaillé sur leurs programmes de mentorat, de progression de la carrière et d’apprentissage. « Tout compte fait, ça finit par se ressembler d’un bureau à l’autre, donc mieux vaut miser sur des stratégies “micro”, plutôt que juste “macro” pour se distinguer », croit-il. 

Par stratégies « micro », Me Gagnon entend le travail sur ce qui fait qu’un professionnel s’attache à un cabinet et souhaite y rester : l’ambiance, le respect, un rapport enrichissant avec ses collègues, etc. « Les bureaux qui connaîtront du succès seront ceux qui mettront l’accent sur les personnes et qui investiront en elles, ainsi que sur la création d’un lien sincère entre l’individu et son organisation, avance-t-il. Les autres devront s’habituer à vivre avec des taux de roulement dramatiques. »

Langlois Avocats mise notamment sur un conseil de la relève, composé de futurs associés. « C’est une caisse de résonance très importante, à la fois pour comprendre les attentes de nos jeunes professionnels et pour nous aider à prendre des décisions, par exemple au sujet de l’élaboration de nos programmes de progression de carrière, de mentorat et de développement des habiletés », admet Me Gagnon. Le cabinet rend aussi les associés imputables des liens qu’ils créent avec les talents qui leur sont confiés. C’est souvent sur ce plan très personnel que se noue ou se dénoue l’attachement d’un jeune professionnel avec une entreprise. 

 

Protéger le développement

De son côté, le cabinet Norton Rose Fulbright cherche à répondre aux attentes des jeunes sans sacrifier leur développement. La réflexion actuelle sur la redéfinition des espaces de travail leur offre l’occasion d’incorporer les demandes de flexibilité des recrues, la plupart ne souhaitant pas venir au bureau plus de deux jours par semaine.

Cependant, « le défi reste d’intégrer ces jeunes à notre structure », admet Me Luc Morin, associé directeur du bureau de Montréal. Il rappelle que devenir « bons » professionnellement ne représente que la moitié de l’équation de la réussite des recrues. L’autre moitié, tout aussi cruciale, concerne le développement d’un réseau à l’intérieur et à l’extérieur du cabinet. 

« Ça se fait dans les cinq à dix premières années de carrière, et le bureau constitue l’un des vecteurs importants de ce développement, explique l’avocat. Nous devons nous assurer qu’il pourra continuer de jouer ce rôle. »

On entend souvent dire que les nouveaux venus souhaitent contribuer significativement dès leur arrivée. Le contexte les sert bien à cet égard, selon Me Morin. « Responsabiliser les jeunes tôt dans leur carrière fait partie de la culture depuis 

longtemps chez Norton Rose Fulbright, et le volume actuel de mandats dans les cabinets ainsi que la qualité de leur travail fait que leurs responsabilités augmentent encore plus rapidement. Et ils sont capables d’en prendre ! »