Égoïstes, les Québécois?


Édition du 08 Mai 2024

Égoïstes, les Québécois?


Édition du 08 Mai 2024

Par Sophie Chartier

La culture du partage de chez nous est forte dans les campagnes ponctuelles en réaction à un événement tragique ou difficile, dit Daniel H. Lanteigne. (Photo: 123RF) (Photo: 123RF)

PHILANTHROPIE. On dit souvent que les francophones sont moins philanthropes que nos voisins anglophones. Pourtant, selon un sondage de l’Institut Mallet, 80% des Québécois disent avoir fait au moins un don dans les 12 derniers mois. Notre pingrerie philanthropique serait-elle un mythe ?

« Ce n’est pas qu’on est moins généreux au Québec, c’est simplement qu’on a arrêté de donner à l’Église, qui a historiquement incarné notre rapport à l’altruisme, dit Daniel H. Lanteigne, vice-président au talent, à la stratégie et à l’impact pour la firme de consultation BNP Performance philanthropique. Dans les autres provinces, les gens ont continué à donner à leur communauté religieuse de manière significative. Ces montants qui allaient à l’Église n’ont pas été redirigés vers les fondations et organismes. »

Le consultant nuance en ajoutant que les Québécois appartenant à une communauté religieuse autre que catholique ont des habitudes de don plus près de celles qui sont observées dans les communautés anglophones. « La Fondation communautaire juive est un très bon exemple, dit-il. C’est une communauté qui s’entraide beaucoup, les gens se soutiennent. Et avec raison ! »

La culture du partage de chez nous est forte dans les campagnes ponctuelles en réaction à un événement tragique ou difficile, dit Daniel H. Lanteigne. « On est une culture philanthropique très réactive, dit-il. S’il arrive un traumatisme collectif, un déluge, comme le déluge au Saguenay, ou une tragédie comme à Lac-Mégantic, on voit un indice de générosité extraordinaire, et on va se manifester de toutes sortes de façons : dons en biens, en temps, en argent. Tout s’active dans ces moments-là. »

 

S’impliquer pour le changement

Florence Petit-Gagnon, cofondatrice de la plateforme Nooé, qui implique directement les employés dans le processus de dons d’entreprises, dit s’être lancée à pieds joints dans l’aventure de création d’un OBNL justement dans le but de favoriser une plus grande culture du don. « La mission qu’on s’est donnée avec Nooé, c’est d’augmenter le don annuel moyen au Québec, parce qu’on a bien vu qu’il y a un retard à rattraper, dit la jeune femme. Nous, on pense que dans cette mission-là, il faut miser sur la générosité de nos entreprises. Il y a énormément d’entrepreneurs, de dirigeants de PME qui veulent aider, qui veulent faire une différence dans leurs milieux. J’y crois fermement. »

La jeune femme soutient que si personne ne met la main à la pâte pour changer les mentalités, les Québécois ne mettront jamais la philanthropie au cœur de leur vie. « On s’est dit : “est-ce qu’on reste là à faire comme tout le monde et à chialer sur le fait que ça n’a pas de bon sens que ça ne soit pas dans notre culture de redonner ?” Ou bien on se crée un outil technologique qui pourrait avoir un impact ? Nous, on a décidé qu’on le faisait ! »

 

Il n’y a pas de petits dons ?

Notre propension à donner moins que les communautés anglophones ne serait donc pas un mythe. Toutefois, concernant les résultats du sondage 2023 de l’Institut Mallet, Daniel H. Lanteigne est mitigé. « Il faut le souligner, le célébrer, quand les gens sont philanthropes, dit-il. Et l’Institut Mallet fait un beau travail pour propager la bonne nouvelle et dire que, dans le fond, à peu près tout le monde l’est. Mais on ne précise pas en quoi consistent les dons, dans cette statistique. Malheureusement, ce n’est pas en ajoutant un dollar à notre facture à la caisse à l’épicerie qu’on va changer le monde. Pour moi, être philanthrope, c’est de donner à la hauteur de ce dont on est capable. »

Peut-être faudrait-il d’abord sortir d’une certaine timidité dans la sollicitation, avance l’expert. « Nous, les francophones, on met encore beaucoup de ouate autour de la sollicitation, dit-il. Le don anglophone est beaucoup plus direct, c’est transactionnel, simple. Ils s’enfargent un peu moins dans les fleurs du tapis. On prend ton chèque et on te dit “voici où sera la plaque à ton nom”. »

Florence Petit-Gagnon, elle, croit qu’il faut sortir d’une pensée basée sur le soutien de l’État. « Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est qu’il y a de nombreux organismes qui sonnent l’alarme parce qu’ils se font couper leurs subventions ou qu’ils sont en manque de financement, donc on ne plus juste compter sur l’État. Ça n’a pas de sens, que tous les organismes qui forment notre tissu social dépendent de l’État. En tant que citoyen, on a un devoir de se mobiliser. »

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