Avocat performant et parent présent, c’est possible !
Jean-François Venne|Édition de la mi‑janvier 2019Certains cabinets n’insistent plus sur la présence continuelle au bureau. La technologie rend possible de travailler plus souvent chez soi, ce qui permet d’assumer plus aisément des responsabilités parentales [Photo:123RF]
Me Jacob Stone, sociétaire du bureau de Québec du cabinet McCarthy Tétrault, est père de trois enfants. De naissance en naissance, ses congés de paternité sont toujours plus longs. Le premier était de deux semaines, le dernier, de dix semaines. Le cabinet offre aux femmes un congé de maternité de 17 semaines à plein salaire, alors que les hommes ont droit à quatre semaines. Il est aussi possible de prolonger le tout en combinant avec des vacances.
« À Québec, tous les avocats devenus pères depuis cinq ans ont pris un congé de paternité, précise Me Stone. Beaucoup d’avocats sont parents, donc il y a énormément de compréhension et d’entraide lorsqu’un enfant est malade ou qu’un avocat doit partir en raison d’une urgence. »
Le cabinet offre une formule de travail flexible qui permet de réduire le nombre d’heures de travail en échange d’une rémunération moindre, mais celle-ci serait peu utilisée, selon Me Réna Kermasha, directrice principale, Ressources professionnelles pour la région du Québec chez McCarthy. « Parce que la flexibilité existe déjà au quotidien ici, avance-t-elle. Grâce au télétravail, les gens peuvent partir tôt, s’occuper des enfants, puis se remettre au travail. »
McCarthy offre d’autres accommodements. Par exemple, si une avocate en période d’allaitement doit voyager, le cabinet paiera un billet d’avion à une personne accompagnatrice et une chambre d’hôtel supplémentaire, si cette personne n’est pas le conjoint. « Il faut une vraie culture de souplesse et du travail d’équipe pour aider les parents, et bien planifier pour remplacer les avocats absents, tout en accompagnant ceux qui reviennent de congés parentaux », explique Me Kermasha.
Ne pas sacrifier la famille
Associé directeur de DS Avocats au Québec, Me Jean-François Welch, a deux enfants de 10 et 12 ans, alors que son collègue associé directeur, Me Richard Laramée, en a trois. « Il était hors de question pour nous de ne pas voir nos enfants, alors il fallait trouver une façon de conjuguer le travail et la famille », souligne Me Welch.
Dès 2007, le cabinet instaure des politiques pour favoriser l’équilibre travail-famille. C’est d’autant plus important, rappelle Me Welch, que les membres du cabinet sont majoritairement âgés de 23 à 35 ans. Beaucoup sont devenus parents récemment ou le seront bientôt.
La firme paie la différence entre le montant fourni par le Régime québécois d’assurance parentale et le salaire pendant le congé de maternité ou de paternité. Les avocats qui s’absentent ne perdent pas d’année d’ancienneté, assurant ainsi une progression de leur salaire au même rythme que celui de leurs collègues. DS Avocats exige par ailleurs entre 1 400 et 1 500 heures facturables par année à ses avocats, alors que la moyenne pour les cabinets se situerait plutôt aux alentours de 1700 à 1800 heures.
Le cabinet n’insiste pas non plus sur la présence continuelle au bureau. La technologie rend possible de travailler plus souvent chez soi, ce qui permet d’assumer plus aisément des responsabilités parentales sans sacrifier l’atteinte des objectifs. Idem pour les fins de semaine, réservées à la famille, à moins d’urgence absolument incontournable.
Un nouveau modèle
Mère de quatre enfants âgés de 8 à 15 ans, Me Pascale Pageau a songé à quitter la profession au retour de son premier congé de maternité. « Je voulais plus que juste concilier les deux ; je voulais exceller dans les deux et je n’étais pas sûre que c’était possible », confie-t-elle.
Cette réflexion l’a menée à fonder Delegatus en 2005.
Elle a interrogé beaucoup d’entreprises ainsi que nombre d’avocats et d’avocates, pour en venir à la conclusion qu’un nouveau modèle de pratique était possible. « Les clients n’ont pas besoin que les avocats soient toujours au bureau. Ils veulent des professionnels rigoureux qui mènent les dossiers à bien », note Me Pageau.
Chez Delegatus, la flexibilité et l’autonomie règnent en maîtres. La structure est celle d’un collectif d’avocats entrepreneurs. Il n’y a pas de course pour devenir associé (puisqu’il n’y en a pas) ni de concurrence entre les avocats. Il n’y a aucune exigence d’heures facturables, donc chaque avocat décide du nombre d’heures qu’il travaille par année. Même latitude pour le congé de parentalité. Les avocats prennent le temps qu’ils jugent nécessaire. La présence au bureau n’est pas obligatoire. Les avocats peuvent travailler à distance, économisant ainsi beaucoup de temps de transport.
« Nous laissons aux avocats l’autonomie de structurer leur temps, explique Me Pageau. Et ça fonctionne. Les avocats font plus d’argent qu’avant et nous disent qu’ils sont plus performants, plus heureux et plus équilibrés. »
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