L'Ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE), Sheri Meyerhoffer (Photo: La Presse Canadienne)
Des défenseurs des droits de la personne demandent à Ottawa de modifier profondément les pouvoirs de l’organisme de surveillance qui surveille les sociétés canadiennes opérant à l’étranger, alors que le gouvernement fédéral examine la manière dont un nouvel ombudsman devrait assumer cette fonction.
«Nous avons des communautés qui subissent des atteintes aux droits de la personne et à l’environnement en raison des activités d’entreprises canadiennes à l’extérieur du Canada», a déclaré Karen Hamilton, directrice du groupe de défense Above Ground.
Le gouvernement Trudeau a remplacé il y a cinq ans un organisme de surveillance du secteur minier par ce qu’il a appelé l’Ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE).
Au départ, les libéraux disaient que l’organisme de surveillance aurait le pouvoir d’exiger des documents et des témoignages, mais le gouvernement a laissé ces pouvoirs en dehors du mandat de l’OCRE à son lancement en 2019.
Il a également limité le travail de l’organisme aux secteurs des mines, du pétrole et des vêtements, même s’il décrit son rôle comme ayant un mandat plus large.
La première ombudsman, Sheri Meyerhoffer, a terminé son mandat de cinq ans dans les délais prévus la semaine dernière.
Dans son rapport, elle a expliqué que son incapacité à obtenir des documents et des témoignages l’empêchait de demander des comptes aux entreprises canadiennes.
Affaires mondiales Canada a annoncé qu’un de ses avocats, Masud Husain, la remplacerait par intérim. Mais le bureau de la ministre du Commerce, Mary Ng, a affirmé plus tard qu’il serait le successeur à part entière de Mme Meyerhoffer à la suite d’un ordre officiel du cabinet.
Ottawa a également annoncé une révision du poste, indiquant qu’il déciderait la semaine prochaine s’il fallait modifier sa portée. C’est une occasion d’aller au-delà des «demi-mesures» et de donner du mordant au rôle, croit Mme Hamilton.
«Si nous n’améliorons pas l’OCRE, nous dépenserons beaucoup d’argent dans un organisme qui ne fait pas grand-chose lorsqu’il en a le potentiel», estime-t-elle.
Son groupe fait partie du Réseau canadien sur la responsabilité des entreprises, qui soutient depuis des années qu’Ottawa doit donner à ce «chien de garde» la capacité d’exiger des documents et des témoignages et d’élargir son mandat au-delà des secteurs minier, pétrolier et vestimentaire. Mme Meyerhoffer elle-même a plaidé en faveur de tels pouvoirs.
«Le gouvernement peut et doit mieux équiper l’OCRE pour qu’il puisse remplir son mandat. L’ombudsman doit être en mesure de découvrir pourquoi et comment les entreprises ne s’acquittent pas de leurs responsabilités. Nous devons les entendre directement de leur bouche et partager cette information avec le public», a soutenu Mme Meyerhoffer.
L’organisme n’a lancé ses premières enquêtes que l’été dernier et n’a clos qu’un seul cas, en mars, révélant qu’une entreprise de Vancouver n’avait pas fait suffisamment pour empêcher un éventuel travail d’esclave en Chine.
«Des pouvoirs nécessaires»
Le député libéral John McKay a publiquement confronté Mme Ng en 2021 sur les raisons pour lesquelles son gouvernement avait renoncé à autoriser l’ancienne ombudsman à exiger des preuves. Il espère désormais que le gouvernement Trudeau inclura «ces pouvoirs nécessaires».
Quelques jours avant de terminer son mandat, Mme Meyerhoffer a également convaincu des militants de retirer leur plainte accusant Hugo Boss de travail forcé. Elle a écrit que l’annonce de son enquête avait conduit à une médiation informelle, au cours de laquelle l’entreprise «a fourni une réponse ou un remède satisfaisant», sans toutefois fournir plus de détails.
Elle a également annoncé un développement de son enquête contre la société minière canadienne GobiMin Inc., qui a cédé ses actifs dans la région chinoise du Xinjiang, où il y avait des allégations de travail forcé de Ouïghours «à un acheteur qui s’est engagé publiquement à respecter les droits humains internationaux».
Mme Hamilton pense cependant que le gouvernement ne peut pas compter sur les entreprises pour prendre les bonnes décisions.
«Si vous ne pouvez pas obliger les entreprises à produire des témoignages et des documents, de nombreuses compagnies ne s’engageront pas de manière significative.»