L'industrie automobile n'échappe pas au phénomène de la mondialisation. Pour régner à l'échelle planétaire, il faut non seulement conquérir les marchés émergents, mais aussi être le numéro un dans tous les marchés. Il ne faut pas se limiter à quelques catégories de véhicules, mais être présent dans tous les segments.
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Citons l'exemple du constructeur européen Volkswagen, qui a investi il y a quatre ans un milliard de dollars dans une usine de 5,66 km² à Chattanooga, au Tennessee. La chaîne de production peut fabriquer 150 000 Passat par an. Cet aspirant au titre de plus grand constructeur du monde a eu du mal à percer chez l'oncle Sam. C'est ce qui a incité les dirigeants à s'y installer et à construire sur place des véhicules pour les États-Unis et le reste de l'Amérique.
Mieux encore, Volkswagen a décidé d'appliquer un plan de match nord-américain en introduisant plus de camionnettes pour plaire à la clientèle locale. En juin 2014, Volkswagen a investi 600 millions de dollars de plus pour la construction d'un véhicule utilitaire aux côtés de la Passat. Le Cross Blue 2016, futur utilitaire cinq places, sera lui aussi construit pour l'Amérique du Nord, en Amérique du Nord.
«Nous sommes prêts à investir 7 G$ en Amérique du Nord au cours des cinq prochaines années, a affirmé le grand patron du groupe Volkswagen, Martin Winterkorn, lors du dernier Salon de l'auto de Detroit. Nous allons renouveler les Passat et construire deux nouveaux utilitaires dans notre usine de Chattanooga.»
Autre exemple de mondialisation : une autre Allemande, Mercedes, qui n'occupait autrefois que le créneau des voitures de luxe, élargit considérablement son offre depuis quelques années. Mercedes offre désormais plus de modèles que General Motors (GM). Aux modèles haut de gamme d'hier s'ajoute une nouvelle famille de véhicules plus abordables, comme la petite berline CLA, l'utilitaire urbain GLA et les modèles de Classe B, qui se négocient sous la barre des 30 000 $.
Alliances entre constructeurs
D'autres constructeurs s'allient pour survivre à plus long terme et prendre certains marchés d'assaut. Fiat, qui n'avait aucune présence en Amérique, a racheté Chrysler.
À la suite d'une importante restructuration dans son pays d'origine au début des années 2000, qui avait entraîné la fermeture d'une douzaine de sites de production dans le monde et la suppression de plus de 10 000 emplois, l'italienne a fusionné l'an dernier avec l'américaine Chrysler pour former FCA (Fiat-Chrysler Automobiles). L'entreprise était profitable dès sa première année sur le marché, affichant une hausse de 15 % de ses ventes en Amérique du Nord.
«Les constructeurs automobiles qui se trouveront sous un seuil de ventes annuelles de 5,5 à 6 millions de voitures d'ici quelques années ne pourront pas survivre dans le marché à moyen ou long terme», avait souligné l'homme impliqué dans la fusion de Fiat et de Chrysler et pdg de la société, le Canado-Italien Sergio Marchionne.
Toyota et Volkswagen sont les seuls grands constructeurs à avoir franchi le cap des 10 millions de véhicules vendus dans le monde en 2014, avec 10,23 millions pour Toyota et 10,14 millions pour Volkswagen. General Motors, avec 9,9 millions de véhicules, se range en troisième place, tout juste sous cette barre symbolique.
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Le rôle des pays émergents
Les pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) sont reconnus comme les pays émergents les plus performants. De 2000 à 2012, les ventes de véhicules de tourisme dans les pays du BRIC ont plus que quintuplé, entraînées par l'augmentation rapide des revenus de la population. Environ 70 % de cette croissance est imputable à la Chine, et 10 % à l'Inde.
Le taux de motorisation des pays émergents est encore faible par rapport aux niveaux internationaux moyens. En 2010, on comptait environ 50 véhicules de tourisme par millier d'habitants dans les pays du BRIC, par rapport à 401 dans les pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Mais d'autres candidats apparaissent à l'horizon.
La Thaïlande, l'Indonésie, la Malaisie, la Turquie, l'Arabie saoudite, l'Iran, le Mexique et le Nigeria commencent à avoir un poids intéressant dans l'économie automobile, bien qu'ils n'aient pas encore la même importance que ceux du BRIC. Toutefois, ces derniers commencent à montrer des signes d'essoufflement.
En Russie, en raison de l'effondrement du rouble et de l'incertitude politique, les ventes ont baissé de plus de 11 % en 2014. En décembre dernier, General Motors, Audi, Jaguar et Nissan ont d'ailleurs suspendu leurs ventes en Russie.
Le marché connaît également une très forte baisse au Brésil, un pays en pleine récession. Au premier semestre de 2014, les ventes avaient chuté de 10 %, et de 20 % pour le seul mois de juin. La baisse s'est accentuée par la suite. Ces deux marchés se trouvent donc dans une position de sous-consommation. Une situation difficile pour des constructeurs comme FCA, Volkswagen et GM, les leaders dans ce marché, qui doivent faire tourner leurs usines toutes neuves et dont l'investissement de départ n'a pas encore été amorti.
La conjoncture est la même en Inde, qui subit une crise financière et dont le marché a baissé de 4,7 % l'an dernier. Seule la Chine devrait connaître des taux de croissance intéressants - de 9 % en 2015 et 2016 -, tout en plafonnant à 4 % à partir de 2020, selon le cabinet IHS.
Stephen Keese, du bureau brésilien de la firme Roland Berger, juge que le climat social et politique est un frein important au développement en Russie et au Brésil.
«Nous sommes encore confiants à l'égard de l'Inde, qui sort lentement de sa récession. En ce qui concerne la Chine, nous constatons une saturation du marché, dit-il. Les grandes villes comme Pékin ou Shanghaï peuvent difficilement absorber plus de voitures.»
«Les constructeurs automobiles et le gouvernement visent désormais des régions moins densément peuplées du pays pour poursuivre le développement, mais le rythme de croissance que nous avons connu ne sera plus le même. Nous croyons qu'une croissance de 4 à 5 % par an est à prévoir d'ici quelques années», explique Stephen Keese.
Il faut donc trouver de nouveaux débouchés, car l'économie des pays occidentaux est relativement stable et les niveaux de vente varient peu d'une année à l'autre.
Le grand patron de Nissan, Carlos Ghosn, juge que le ralentissement actuel de certains marchés émergents est «un ajustement temporaire des volumes». Il prévoit que la croissance dans ces pays redémarrera en 2015. «Je ne crois pas que cette tendance à la baisse va durer», a-t-il déclaré lors du récent Salon de l'auto de Genève.
Croissance du marché dans les pays émergents - Prévisions 2013-2019 (unités, en centaines de milliers)
Production
Mexique + 1 484
Thaïlande + 665 000
Indonésie + 597
Iran + 558
Turquie + 268
Ventes
Iran + 570
Indonésie + 272
Turquie + 272
Mexique + 211
Colombie + 161
Source : Organisation internationale des constructeurs d'automobiles
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Viser la population sous-motorisée
Les États-Unis ont un des taux de véhicules par habitant les plus élevés du monde : 780 véhicules pour 1 000 habitants. La Principauté de Monaco affiche quant à elle un record de 842 voitures par millier d'habitants. Ces chiffres limitent les possibilités de croissance dans les pays industrialisés. Dans les huit pays les plus industrialisés d'Europe, la moyenne est de 582 véhicules pour 1 000 habitants. Au Canada, le taux est de 610 véhicules pour 1 000 habitants.
Comparons maintenant ces chiffres à ceux de quelques pays émergents. Même si la Chine connaît un essor extraordinaire et qu'elle est maintenant le premier acheteur automobile du monde, on n'y trouve que 70 véhicules pour 1 000 habitants. Le potentiel de croissance y est donc colossal. Même constat pour l'Inde, où l'on compte 28 véhicules par 1 000 habitants, le Brésil, de 180 par 1 000 habitants, et la Russie, de 300 par 1 000 habitants. La moyenne mondiale est de 168 véhicules par 1 000 habitants.
Certains pays en forte croissance économique comme l'Indonésie et la Malaisie offrent aussi un bon potentiel pour les constructeurs automobiles. «Tout comme en Chine et en Russie avant eux, on assiste dans ces nouveaux marchés à une progression du réseau routier et à l'émergence d'une classe moyenne, deux ingrédients nécessaires à une croissance des ventes automobiles», précise Stephen Keese.
L'Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande devraient franchir le cap des 4,6 millions de ventes de voitures en 2020 (3,1 millions en 2012), et surclasser ainsi la Russie, prévoit le Boston Consulting Group. De même, le Moyen-Orient pourrait atteindre les 5,8 millions de voitures vendues en 2020 et dépasser le Brésil.
Un véhicule qui reflète la réalité culturelle
La croissance du parc automobile dans de nombreux pays émergents est limitée en raison du coût des véhicules. Il faut donc adapter le produit en conséquence.
«On vend sur le continent africain cinq fois plus de voitures d'occasion que de voitures neuves, précise Stephen Keese. Tout simplement parce que les gens n'ont pas les moyens d'acheter un véhicule neuf, même à bas prix.»
L'importance des nouveaux marchés émergents varie selon les constructeurs automobiles. «Les constructeurs japonais sont très présents en Asie du Sud-Est et visent les marchés de la Thaïlande, de l'Indonésie et de la Malaisie. Pour leur part, les constructeurs européens ont une présence très importante au Moyen-Orient. Par exemple, l'Iran pourrait connaître un bel essor si l'embargo économique était levé», selon M. Keese.
En Afrique, c'est le Nigeria qui offre le meilleur potentiel de développement, dit-il.
La Chine, le marché porteur
Selon Dietmar Ostermann, analyste de marchés chez PricewaterhouseCooper (PwC), l'industrie automobile sera encore très dépendante de la Chine au cours des cinq à sept prochaines années. «Même si le rythme a un peu ralenti, nous prévoyons encore une augmentation de 5 % des ventes par année d'ici 2020 en Chine. Peu de marchés vont connaître une telle croissance.»
Aux États-Unis, PwC anticipe une hausse des ventes annuelles de un à deux millions de véhicules avant qu'il y ait plafonnement.
Les dirigeants des grands constructeurs automobiles croient que 2015 sera une année transitoire, caractérisée par des ventes stables et des bénéfices assez faibles. Sur une période de trois à cinq ans, ils sont plus optimistes. La Chine, les États-Unis et l'Allemagne seront, dans l'ordre, les marchés qui connaîtront la plus forte croissance, selon PwC.
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Toujours plus de véhicules sur les routes du monde
Il y a 10 ans, 890 millions de véhicules roulaient dans le monde. Le milliard a été atteint deux ans plus tard. En fait, de 1955 à 2005, l'augmentation du nombre de véhicules a été environ trois fois plus rapide que la croissance de la population !
Ainsi, les économies émergentes dopent le marché de l'automobile depuis plusieurs années. En Chine, le nombre de véhicules est passé de 3,8 à 43,2 millions de 2000 à 2011, ce qui classe la Chine au troisième rang mondial derrière les États-Unis et le Japon. Au cours de la même période, le nombre de véhicules est passé de 20,4 à 365,4 millions en Russie, de 15,4 à 27,4 millions au Brésil, et de 5,2 à 14,2 millions en Inde.
Le marché a poursuivi sur cet élan en 2014. La Chine a dominé, grâce à des ventes de 18,36 millions de véhicules légers en 2014, en hausse de 6,9 % par rapport à 2013. Cependant, les experts avaient prévu une augmentation près de deux fois supérieure. Plusieurs commencent donc à montrer certains signes de ralentissement.
Les États-Unis se sont classés au deuxième rang mondial, avec 16,5 millions de véhicules vendus. C'est proche des performances d'avant la crise financière de 2008-2009.
Au Canada, il s'est vendu 1,8 million de véhicules en 2014, par rapport à 1,7 million en 2013.
À l'échelle mondiale, un record a été battu avec plus de 80 millions de véhicules neufs vendus. Le marché automobile continue donc de progresser, mais pas toujours là où on s'y attend.
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