Fonds communs et fonds négociés en Bourse : un combat musclé !

Publié le 04/08/2010 à 08:00, mis à jour le 04/08/2010 à 10:04

Fonds communs et fonds négociés en Bourse : un combat musclé !

Publié le 04/08/2010 à 08:00, mis à jour le 04/08/2010 à 10:04

Par Marie-Claude Morin

Photo : Bloomberg

Les fonds négociés en Bourse (FNB) croissent de façon fulgurante. Trente-trois FNB ont été créés depuis le début de 2010, soit autant que pendant toute l'année 2009, pour un total de 142 fonds disponibles au Canada.

L'actif de ces instruments équivaut maintenant à 5 % de celui des fonds communs. La popularité des FNB menace-t-elle les fonds communs ? Comment les investisseurs devraient-ils jongler avec les deux types de fonds ?

Lors de sa conférence annuelle de juin, à laquelle 350 conseillers financiers ont assisté, Morningstar Canada a réuni cinq experts : des dirigeants de sociétés de fonds communs, de FNB, ou des deux. Sur la scène comme dans l'assistance, les débats étaient enflammés. Tom Bradley, président de Steadyhand Investment Funds, a défendu la pertinence des fonds communs, tandis que Som Seif, pdg de Claymore Investments, et Heather Pelant, responsable de la famille iShares chez BlackRock Asset Management Canada, n'en avaient que pour les FNB.

Comme le monde de l'investissement est rarement tout noir ou tout blanc, deux " hybrides " participaient au débat : Ken McCord, président d'AlphaPro Management, un fournisseur de FNB gérés activement, et Peter Intraligi, président d'Invesco Trimark, qui vend des fonds communs traditionnels ainsi que les fonds PowerShares, composés de FNB.

Le combat entre la gestion active et les outils de placement passif n'est pas terminé. Les protagonistes s'affrontent sur quatre fronts.

Round 1 : Le rendement

Difficile de battre un indice lorsqu'on le reproduit, comme c'est le cas des FNB. Mais les fonds communs font-ils mieux ? Selon Tom Bradley, de Steadyhand Investment Funds, ils permettent au moins d'essayer de battre l'indice, en plus de " lisser " les rendements, un avantage lorsque les marchés sont très volatils. " Les fonds communs permettent de se distancer de l'indice, ce qui est un avantage en raison de la distorsion du TSX ", dit-il, faisant référence au poids des financières et des ressources naturelles à la Bourse de Toronto.

Toutefois, peu de fonds communs brillent : plus de 80 % d'entre eux affichent un rendement inférieur à leur indice de référence. " C'est très difficile de battre l'indice et cela devient impossible dans certaines catégories d'actif, comme les revenus fixes, lorsque les frais et les impôts sont ajoutés ", dit Heather Pelant, de BlackRock.

D'où l'importance de bien choisir son gestionnaire de portefeuilles, dit M. Bradley. " Environ 10 à 15 % des gestionnaires ajoutent régulièrement de la valeur au rendement. "

En raison de la rareté de ces gestionnaires exceptionnels, les investisseurs ne devraient recourir à la gestion active que s'ils jugent un marché inefficace, et qu'un bon gestionnaire pourrait en tirer profit, et s'ils ont pleine confiance dans les capacités de leur gestionnaire, argue Mme Pelant.

Cela ne signifie pas qu'un portefeuille composé uniquement de FNB procurera un rendement semblable à celui de l'indice. Tout dépend de l'opportunisme des épargnants; malheureusement, les investisseurs tendent à acheter et à vendre leurs parts au mauvais moment, ce qui handicape les rendements, déplorait récemment John C. Bogle, fondateur de Vanguard, un pionnier des fonds indiciels.

Round 2 : Les frais

Dans la bataille des frais, les FNB ont une longueur d'avance. Un fonds commun d'actions canadiennes exige en moyenne des frais annuels de 2,2 %, par rapport à 0,5 % pour un FNB qui reproduit l'indice S&P/TSX , selon Morningstar. Mais la comparaison n'est pas simple, puisque les frais des fonds communs comprennent les commissions versées aux conseillers qui fournissent des services aux clients, comme la planification financière.

Les fournisseurs de FNB plaident pour une séparation des frais de transaction et des frais de conseil. C'est la clé de leur croissance, reconnaît Ken McCord, d'AlphaPro. " Nous commençons à assister à cette séparation en Australie et au Royaume-Uni, et elle se produira éventuellement au Canada. Déjà, des gestionnaires de portefeuilles importants migrent vers les honoraires de conseil ", dit-il.

L'enjeu est délicat, émotif même. Dans l'assistance, une poignée de conseillers seulement ont recours aux frais de conseil plutôt qu'aux commissions. " Les médias et les fournisseurs de FNB mettent l'accent sur les frais, mais aucun de mes clients ne demande de payer des honoraires plutôt que des commissions ", a lancé un participant, chaudement applaudi par ses pairs. " Nos clients disent que nous méritons d'être payés [grâce aux commissions] ", affirmait un autre.

Les fonds communs devront néanmoins réduire leurs frais, admettent les panellistes. À ce chapitre, les grandes familles de fonds jouissent de l'avantage des économies d'échelle, juge Peter Intraligi, d'Invesco. Selon lui, l'intégration et la gestion commune de fonds [pooled funds] permettent d'amortir les coûts d'exploitation et de rester concurrentiel.

Quant aux conseillers financiers, leurs stratégies d'investissement futures marieront des fonds passifs et des fonds actifs, ce qui abaissera les frais du portefeuille total à 1,75 ou 1,50 %, peut-être même moins, croit Som Seif, de Claymore.

Round 3 : L'innovation

Il pleut des FNB au Canada depuis quelques mois. Si certains d'entre eux reproduisent des indices de base - un marché dominé par les fonds iShares de BlackRock -, la plupart misent sur des caractéristiques uniques. Secteur d'activité très pointu, gestion active, effet de levier ou inversé, couverture totale ou partielle du risque de change, repondération d'un indice selon certains critères : les nouveaux FNB sont parfois étonnants... et souvent complexes.

" Je crains que l'industrie n'ait innové au-delà de ce que les investisseurs comprennent réellement ", admet Heather Pelant, qui suggère aux investisseurs de s'interroger sur l'utilisation des produits dérivés et les stratégies de couverture d'un FNB avant d'acheter.

Selon Som Seif, il faut s'attendre au lancement de plusieurs nouveaux FNB au cours des prochaines années. " Il y a de bonnes idées et des idées stupides. Les mauvaises ne survivront pas, puisque les fournisseurs ne feront pas leurs frais ", nuance-t-il.

De nouveaux acteurs entrent dans l'arène. Le plus marquant est BMO, qui a lancé 30 FNB depuis un an, ce qui fait d'elle la seule banque canadienne à offrir une famille de FNB. " Tous veulent être les premiers à bouger dans le marché, comme le montre BMO ", dit M. Bradley.

Pour leur part, les fonds communs devront se redéfinir et se différencier des indices, estime M. Bradley. " Les fonds communs supposément actifs, qui sont dans les faits des fonds indiciels, n'existeront plus d'ici 10 ans. "

Round 4 : La distribution

Le camp des fonds communs compte beaucoup plus de partisans parmi les conseillers financiers que celui des FNB. Il y a donc peu de risques que les conseillers financiers ne laissent tomber les fonds communs, qu'ils connaissent bien et qui leur versent des commissions. Toutefois, ils intègreront progressivement des FNB aux stratégies présentées à leurs clients, pensent les panellistes.

" Pour prouver qu'ils sont sensibles aux coûts et qu'ils ont une vue d'ensemble du portefeuille de leurs clients, les conseillers incluront des FNB dans leur offre ", dit M. Seif, qui y voit une occasion d'affaires, puisque la plupart des clients fortunés investissent déjà dans des FNB à l'extérieur de leur compte. Un sondage réalisé en mars pour BlackRock révèle que 68 % des investisseurs canadiens qui détiennent des placements d'au moins 500 000 $ ont une opinion favorable des FNB. Toutefois, seulement 27 % d'entre eux se sont fait suggérer d'en acheter par leur conseiller.

Les fournisseurs de fonds ont pourtant convenu de la pertinence des deux produits depuis longtemps, souligne M. Intraligi. Les quatre plus importants vendeurs de FNB (BlackRock, State Street, Vanguard et Invesco) ont eux aussi des produits de gestion active. " L'offre intégrée [de FNB et de fonds actifs] est déjà courante auprès des investisseurs institutionnels et s'étend maintenant au marché des investisseurs individuels ", précise-t-il.

Afin de faciliter la transition, Claymore offre une catégorie de FNB qui versent des commissions de maintien aux conseillers financiers, un système semblable aux commissions versées par les fonds communs.

De son côté, Heather Pelant évoque la mise en place de réseaux de distribution spécialisés. " Nous pourrions voir apparaître un nouveau type de conseiller, pour qui les FNB constitueraient le principal outil pour battre le marché ", explique-t-elle.

 

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