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La coop de travailleurs, panacée de la fidélisation? 

Catherine Charron|26 juin 2024

La coop de travailleurs, panacée de la fidélisation? 

L'équipe de Mambo Mambo (Photo: courtoisie)

RHéveil-matin est une rubrique quotidienne où l’on présente aux gestionnaires et à leurs employés des solutions inspirantes pour bien commencer leur journée. En sirotant votre breuvage préféré, découvrez des astuces inédites pour rendre vos 9@5 productifs et stimulants.


RHÉVEIL-MATIN. Après plus de 10 ans passé dans une coop de travailleurs, Guillaume Beaulieu, l’un des membres fondateurs et co-directeur de création de Mambo Mambo, est convaincu que ce modèle a tout pour régler les problèmes de pénurie de main-d’œuvre, de mobilisation et de roulement du personnel. 

En plus d’avoir une grande autonomie dans leur rôle respectif, la dizaine de membres gèrent activement l’agence spécialisée dans les images de marque et participent aux décisions opérationnelles et stratégiques. Et ça, ça a des retombées directes sur la performance de l’organisation, croit son trésorier. 

«On dirait que ça nous amène à nous dépasser. On a un nanane au bout, les ristournes et les avantages générés par le modèle coop.[…] On participe pour vrai au bien-être de l’entreprise. Il y a une implication plus accrue dans l’entreprise de ces travailleurs membres, à cause du sentiment d’appartenance.» 

Lors des assemblées générales, chaque salarié – dont la voix est égale, qu’importe l’ancienneté – se prononce sur la direction que prendra l’organisation au cours des prochains mois, sur les grands chantiers organisationnels qui seront réalisés, mais aussi sur la manière que les bénéfices seront dépensés. 

S’ils sont redistribués entre les membres, la règle de la coop basée à Québec stipule qu’ils seront versés au prorata du nombre d’heures travailler. Pour éviter de nourrir une culture de la course aux «heures sup’», des garde-fous sont installés pour que tous respectent leur 9 à 5. 

«Personne ne travaille les soirs ou les week-ends. Ultimement, la variation diffère peu entre les membres, précise Guillaume Beaulieu. On ne presse pas le citron de personne. On a des horaires respectables, car on les fait ensemble.» 

Ce plus grand pouvoir aux travailleurs leur permet donc de façonner l’organisation à leur image, que ce soit en ayant un mot à dire sur l’échelle salariale ou les placements que fera l’organisation pour acheter un local. 

Cette implication alimente la fidélisation des travailleurs qui «possèdent» en quelques sortes l’entreprise. Leur résilience aussi. 

 

Trouver les bons membres 

Pour que l’organisation fonctionne rondement, tous doivent faire preuve d’une grande autonomie. En plus de son poste principal, chaque membre de la coop porte plusieurs chapeaux et participe à des comités responsables de projets spéciaux, ce qui ne plait pas nécessairement à tous à la longue, précise le codirecteur artistique.  

C’est pourquoi, par exemple, l’un de leurs anciens infographistes a quitté l’organisation après deux ans, souhaitant plutôt se consacrer à son art. Mambo Mambo fait toutefois encore aujourd’hui affaire avec lui pour certains mandats. 

«On continue quand même de collaborer avec lui. C’est le fun d’avoir des partenaires à qui on ne doit pas toujours expliquer comment ça fonctionne et qui partagent nos valeurs», dit son ancien collègue. 

La structure horizontale est une autre raison qui explique pourquoi chaque employé doit être autonome, ce qui rend parfois l’intégration de travailleurs moins expérimentés plus ardue pour la petite équipe. C’est pourquoi le choix des recrues est névralgique pour permettre à ce modèle de bien fonctionner. 

À noter que tous les employés ne sont pas nécessairement des membres de la coopérative, chaque personne ayant le choix de s’impliquer activement dans la gestion de l’organisation ou pas. Toutefois, seules les personnes qui adhèrent peuvent bénéficier des avantages sociaux, avoir un droit de vote ou encore recevoir de la ristourne, précise le codirecteur artistique. 

«Aujourd’hui, nous sommes 9 employés, mais 8 membres, car notre collègue est dans sa période de probation de trois mois. À la fin de l’été, on va lui faire cette «demande en mariage», si on veut», illustre le cofondateur de l’agence. 

Cette période de «probation» est donc cruciale pour déterminer si de part et d’autre, la charge de travail, l’implication extra curriculum et la vision concordent. Les différences de point de vue ne sont pas bannies, au contraire. Faire partie d’une coop comme Mambo Mambo demande toutefois une capacité à discuter. 

C’est peut-être parce qu’ils ont su bien s’entourer que l’agence n’a rencontré aucun point de fracture majeur jusqu’à présent, croit le trésorier. 

«On en parle, résume-t-il. Peut-être que des mains vont être levées pour poser des questions, mais jusqu’à aujourd’hui, je te dirais que les désaccords sont plutôt rares. Souvent on parvient à couper la poire en deux, ou à prendre une décision complètement différente.» 

 

Un modèle qui gagne à être connu 

Guillaume Beaulieu encourage les entreprises à s’intéresser à ce modèle de gestion. Il les invite à se tourner vers les nombreuses associations de coop des travailleurs qui existent dans la province afin d’être accompagnées dans ce processus. 

Toutefois, pour espérer une telle implication de la part des employés membres doivent pouvoir avoir un mot à dire sur la ristourne. Et ça, ce ne sont pas tous les dirigeants qui sont prêts à lâcher le morceau, observe-t-il. 

«J’ai fait la présentation du modèle à un dirigeant d’agence et son associé. Du moment que j’ai parlé du partage des profits, j’ai senti qu’ils se sont refroidis», rapporte-t-il. 

Les entreprises en processus de repreneuriat par les employés sont selon lui des candidates idéales pour entamer une telle démarche. 

«Ce n’est pas un bouclier à toute épreuve, le modèle coop, mais ça nous donne l’agilité pour réagir rapidement», conclut-il.