D'ici 15 ans, le quart des jeunes candidats sera né ici et fera partie d'une minorité visible. (Photo: 123RF)
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RHÉVEIL-MATIN. Employeurs, il est grand temps que vos méthodes de recrutement soient inclusives et exemptes de biais inconscients : d’ici 15 ans, près du quart des jeunes candidats que vous rencontrerez «seront nés ici, mais auront la peau de couleur et un nom à consonance» d’ailleurs, prévient le professeur titulaire à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, Brahim Boudarbat.
Et si rien n’est fait, une part importante de ces travailleurs connaitra le même sort que celui réservé à ce groupe aujourd’hui : un taux de chômage encore plus grand que celui des immigrants.
C’est l’un des constats que le chercheur et son ancien collègue, l’économiste au Fonds monétaire international Idossou Marius Adom, ont faits en épluchant les chiffres du Recensement canadien de 2021 et l’Enquête sur la population active de Statistique Canada.
Ça faisait déjà plusieurs années que Brahim Boudarbat caressait l’idée d’étudier l’intégration au marché de l’emploi des personnes nées au pays et issues de la diversité afin de déterminer s’ils s’en tirent mieux (ou pas) que leurs parents immigrants. Force est de constater qu’ils ont «hérités» des mêmes barrières à l’emploi, ont constaté non pas sans surprise les auteurs du rapport «Les minorités visibles nées au Canada: l’angle mort des politiques d’intégration au marché du travail».
En effet, ces Canadiens ont moins de chance d’occuper un emploi à temps plein ou qui s’échelonnera sur toute l’année. Leur salaire annuel moyen ajusté en prend aussi pour son rhume, étant 9% inférieur à celui des Québécois non issus de minorités visibles.
Et même si elles font leur scolarité ici, «les minorités visibles ont un risque de surqualification 1,5 fois plus élevé que les autres diplômés», soulève-t-on dans l’étude publiée le 4 décembre 2023 par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO).
Ces observations remettent en question l’idée qu’en naissant ici, les enfants d’immigrants se tailleront plus facilement une place sur le marché du travail que leurs parents: maitriser l’une des deux langues officielles, être diplômé d’une école canadienne et développer un réseau ici ne semblent pas leur ouvrir les mêmes portes que leurs comparses blancs.
«Les écarts qui persistent encore sur le marché du travail en défaveur des immigrants renvoient peut-être davantage à leur appartenance à une minorité visible qu’à leur statut d’immigrant», suppose le membre titulaire du CIRANO.
Une prise de conscience importante
Brahim Boudarbat tire donc ici la sonnette d’alarme, afin que les différents paliers de gouvernement et le monde des affaires se préparent à ce changement démographique. L’intégration de ces travailleurs nés ici devrait susciter autant de réflexion que les seuils d’immigration selon lui.
En effet, leur part de la population active est appelée à augmenter au cours des prochaines années : en 2022, au Québec, 18,4% des personnes âgées de 0 à 14 ans nées au Canada étaient issues de minorités visibles. Chez les 25 à 54 ans, ce groupe ne représente que 3% de la population.
«Est-ce qu’on a préparé les conditions d’intégration de ces jeunes-là ? demande le professeur en entrevue avec “Les Affaires”. Comment la société se comportera-t-elle vis-à-vis ces gens-là?»
C’est pourquoi cette situation mérite «une attention particulière pour parer aux risques d’exclusion socioéconomique […] et aux conséquences que cette exclusion pourrait avoir sur la cohésion sociale», résument les auteurs de l’étude.
La lecture de ces chiffres doit amorcer une réflexion interdisciplinaire, afin de s’assurer que dès leur plus jeune âge, ils sentent qu’ils ont autant leur place qu’un jeune blanc au nom des plus québécois. Un grand chantier dont les retombées seront importantes pour l’économie de la province et du pays, assure l’économiste.
«Il ne faut pas perdre de vue la question de l’intégration [de ces personnes nées ici]», martèle-t-il. C’est quelque chose qui pourrait causer plus de dommage pour la société encore que de se concentrer que sur le nombre d’immigrants qu’on accueille. […] Regardons ce qui se passe avec les minorités visibles nées ici.»
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