Plan de réduction des GES de BCE, Telus et Rogers: où en sont-ils?

Publié le 24/04/2024 à 12:15

Plan de réduction des GES de BCE, Telus et Rogers: où en sont-ils?

Publié le 24/04/2024 à 12:15

Notons que seules Telus et Rogers ont une cible net zéro (incluant donc la portée 3) pour 2050, alors que BCE n’en a pas pour l’instant. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Plans de décarbonisation des télécoms, ambitieux ou poudre aux yeux? Étant minuit moins une, beaucoup d’actionnaires pressent les entreprises face à leurs émissions de gaz à effet de serre, et le secteur des télécommunications n’y échappe pas. Qu’en est-il alors des plans de transition, et comment les géants canadiens du secteur se positionnent-ils par rapport à leur cible 2030 respective?

Étudions ici le cas des trois entreprises canadiennes majeures dans le secteur des télécommunications: BCE, Telus et Rogers. Les trois entreprises ont émis des cibles de réduction pour 2030, mais à des niveaux différents.

Rappelons que ce qui est demandé aux entreprises est très ambitieux, même si nécessaire! Selon l’accord de Paris, les émissions de CO2 doivent diminuer globalement de 43% d’ici 2030.

Penchons-nous d’abord sur les émissions directement reliées à leurs activités (ce qu’on appelle les émissions de portée 1), mais aussi celles liées à la génération de l’électricité consommée (portée 2) pour leurs opérations.

 

Émissions de portée 1 et 2

Du côté de BCE, l’entreprise vise à réduire de 58%, par rapport l’année de référence 2020, les émissions de portée 1 et 2 d’ici 2030. Il s’agit du plan le plus ambitieux des trois à ce niveau. En 2023, BCE a rapporté des émissions de portée 1 et 2 de 2,5% de moins par rapport à 2020. Un très maigre progrès, et beaucoup reste à parcourir en sept ans seulement.

En comparaison, Telus avait établi une cible un peu plus modeste de 46% par rapport à l’année de référence 2019. Les derniers chiffres ont démontré une diminution de plus de 18% des émissions sur la même période. Un bon pas dans la bonne direction.

Pour sa part, Rogers avait comme cible de réduire de 50% par rapport à l’année de référence 2019. En 2023, ils sont parvenus à diminuer de 20% leurs émissions, en incluant les chiffres de Shaw, étant donné l’acquisition survenue en 2021. Il s’agit de la meilleure progression des trois entreprises à ce niveau.

Une initiative commune pour les trois entreprises est l’électrification des véhicules utilisés. Pour BCE, on ne comptait aucun véhicule électrique en 2019, et 332 en 2023. Un très petit nombre pour la taille de l’entreprise, mais nous y voyons une accélération de la cadence puisque 275 véhicules ont été achetés l’an dernier seulement. Toutefois, Telus et Rogers ne rapportent pas le nombre à ce jour.

 

Émissions de portée 3

Rappelons que pour avoir une transition dite net zéro, il faut également inclure les émissions indirectes (portée 3) dans le calcul, telles que celles générées par les clients, les fournisseurs, le voyagement, la production de déchets, etc. Cette dernière portée est très souvent la plus importante des trois, en plus d’être la plus difficile à renverser et à mesurer. En effet, plusieurs de ces éléments sont hors du contrôle de l’entreprise et demande un effort collectif tout au long de la chaîne de valeur.

Avec la fin de la pandémie et le retour du voyagement, il est normal de voir une augmentation de cette portée pour les entreprises. BCE a une cible de réduction de sa portée 3 de 42% d’ici 2030, mais est restée plus ou moins au même niveau depuis 2020. Telus aura vu ses émissions de portée 3 augmenter dans les dernières années dans son ensemble, alors que Rogers prétend avoir réduit de 52% par rapport à 2019. Toutefois, ils fournissent peu de détails sur la méthodologie employée.

Notons que seules Telus et Rogers ont une cible net zéro (incluant donc la portée 3) pour 2050, alors que BCE n’en a pas pour l’instant.

 

L'initiative Science Based Targets

Devant ces défis de taille, il est primordial en tant qu’investisseur de comprendre l’impact que ces changements requis peuvent avoir sur nos investissements. Les entreprises promettent des changements, mais sont-ils crédibles, fondés, et surtout, entamés?

Il est très facile de mettre des cibles sur papier, faire un «splash» marketing avec son plan de transition pour finalement s’asseoir dessus. Une façon de démontrer la crédibilité de son plan est, pour les entreprises, de soumettre ce dernier à un organisme indépendamment pour en faire la validation.

Le plus populaire de ces organismes qui offrent cette vérification est la Science Based Targets initiative (SBTi), qui promeut et développe les standards pour les cibles de réduction, en plus d’évaluer les meilleures pratiques basées sur (vous l’aurez deviné) la science. Évidemment, le fait que le plan d’une entreprise soit approuvé n’est pas une victoire en soi, mais plutôt un point de départ.

Les entreprises peuvent ainsi soumettre leur plan de transition pour que la crédibilité de ce dernier soit validée par la SBTi, et la base de données des entreprises qui ont soumis leur plan est publiquement disponible ici. BCE et Telus ont chacun un plan présentement approuvé par SBTi, alors que Rogers l’avait soumis en 2022, mais doit resoumettre en 2024 étant donné l’intégration de Shaw.

 

Encore du chemin

Il y a donc du progrès pour ces trois entreprises, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire particulièrement pour BCE. Tout de même, les sociétés qui sont sérieuses dans leur transition savent comment se doter d’outils pour y arriver. Oui, un plan crédible est une première étape, mais afin d’avoir un vrai effet positif sur le climat, c’est une exécution collective qu’il nous faut.

 

 

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À propos de ce blogue

Mathieu Blais est cofondateur et gestionnaire de portefeuille chez BeeQuest, une firme de gestion d’actifs spécialisée dans la conception de stratégies d’investissement responsable sur mesure autour des valeurs de chaque client. Avant de fonder BeeQuest, il a travaillé pendant plusieurs années chez un gestionnaire d’actifs d’envergure international où il a cumulé plusieurs fonctions, notamment celle de chef de la mise en place et de l’exécution des investissements. Au fil des années, sa vaste expérience lui a permis d’acquérir une forte compréhension des marchés des capitaux ainsi que de la construction de portefeuille. Mathieu Blais est également conférencier-enseignant aux étudiants de deuxième cycle de HEC Montréal sur la gestion de portefeuille responsable. Il détient un baccalauréat en génie de l’École Polytechnique de Montréal, un D.E.S.S. en gestion et une maîtrise en finance de HEC Montréal. Il est également détenteur des désignations Chartered Financial Analyst (CFA) et Chartered Alternative Investment Analyst (CAIA).

Mathieu Blais

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