À surveiller: BRP, Canadien National et Banque Royale
Dominique Beauchamp|Publié le 30 novembre 2022(Photo: 123RF)
Que faire avec les titres de BRP, Canadien National et Banque Royale? Voici quelques recommandations d’analystes susceptibles de faire bouger les cours prochainement. Note: l’auteur peut avoir une opinion totalement différente de celle exprimée.
BRP (DOO, 97,11$) : le restockage des motomarines et véhicules côte à côte procure un trimestre record
Martin Landry de Stifel GMP se montre satisfait des résultats record du troisième trimestre qui a vu les revenus bondir de 70,6% à 2,7 milliards de dollars et le bénéfice par action exploser de 146% à 3,64$ par action, nettement plus que ses prévisions de 2,29$ par action.
L’analyste attribue l’écart de 1,35$ par action à la hausse plus élevée que prévu des revenus (à raison de 0,75$ par action) et aux dépenses d’exploitation moins élevées que prévu (à raison de 0,75$ par action). Par contre, le léger recul de la marge brute (de 25,1 à 24,2%) a amputé 0,15$ au bénéfice trimestriel par action.
«Les résultats peuvent fluctuer d’un trimestre à l’autre, ce qui compte ce sont ceux de l’année complète», dit-il.
Le fabricant de Ski Doo, Sea-Doo et Cam-Am de Valcourt attribue le fort bond des revenus trimestriels au rattrapage de l’expédition des véhicules côte à côte dont la production a pu être achevée au Mexique après les retards dans la chaîne d’approvisionnement. Les modèles 2022 des motomarines ont aussi été livrés aux concessionnaires au troisième au lieu de l’habituel deuxième trimestre.
L’analyste est aussi rassuré par le fait que le fabricant de produits récréatifs prévoit poursuivre sur son élan en 2024, des perspectives qui plairont aux investisseurs inquiets de l’effet de la détérioration économique sur les dépenses discrétionnaires.
Grâce aux résultats déjà engrangés et aux livraisons prévues pour le reste de l’exercice, BRP prévoit une croissance de 27 à 32% des revenus en 2023, soit la plus forte cadence en plus d’une décennie, précise l’analyste.
Cette progression robuste des revenus propulsera une hausse de 17% à 21% du bénéfice à une nouvelle fourchette de 11,65-12,00$ par action. Ce résultat s’avérera 600 points de pourcentage de mieux que la croissance de son rival américain Polaris Industries (PII, 113,02 $US), ajoute l’analyste.
Les nouveaux objectifs annuels signifient que bénéfice de BRP pourrait atteindre 3,58$ par action au quatrième trimestre, en hausse de 19%, mais un résultat tout de même inférieur aux consensus de 4,69$.
Martin Landry estime que les gains de parts de marché de BRP se sont accélérés en Amérique du Nord, au troisième trimestre. Les ventes au détail de véhicules côte à côte augmentent de plus de 40%, soit plus de quatre fois le rythme de l’industrie, précise-t-il.
«C’est impressionnant et ça provient des gains dans le segment utilitaire. Le véhicule Can-Am Defender a notamment ajouté 9% à sa part de marché depuis un an», indique l’analyste. En fait, BRP rafle des parts dans les cinq segments du sport motorisé à part celui des véhicules tout-terrain où sa part de marché reste stable.
Avant la téléconférence trimestrielle, Martin Landry réitère sa recommandation d’achat.
Au cours actuel, l’action s’échange à un multiple de 7 fois le bénéfice prévu en 2024, ce qui est «une évaluation très attrayante», conclut-il.
Canadien National (CNR, 169,90$): le retour d’un vétéran ferroviaire fait jaser
Canadien National (CNR, 169,90$): le retour d’un vétéran ferroviaire fait jaser
Le retour d’Edmond Harris, 73 ans, au sein du CN à titre de chef de l’exploitation, fait jaser Bay Street qui tente d’en comprendre toutes les ramifications.
Le titre du CN est d’ailleurs resté de glace au lendemain de l’annonce de cette nomination, malgré la longue feuille de route de Edmond Harris qui cumule 40 ans d’expérience ferroviaire, dont presque dix ans aux côtés du pionnier de la stratégie du chemin de fer de précision, Hunter Harrison.
Pour sa part, Konark Gupta de Banque Scotia se montre peu surpris si ce n’est qu’il remplace immédiatement Rob Reilly, 57 ans, qui s’était joint au CN en 2019 à la suite d’une longue carrière de 30 ans chez BNSF.
Depuis avril en effet, Edmond Harris agissait déjà à titre de consultant au CN afin d’appuyer la stratégie d’excellence du service que met en place la nouvelle présidente Tracy Robinson, elle-même embauchée après que des actionnaires activistes aient fait pression pour déloger Jean-Jacques Ruest, entre août et octobre 2021. Au 30 septembre, TCI Fund Management de Londres avait encore 5,4% des actions, ce qui en faisait le deuxième principal actionnaire.
En se fiant aux déclarations de Tracy Robinson, l’analyste s’attend à ce que le nouveau chef de l’exploitation implante la prochaine phase du plan d’exploitation déjà prévu et prépare aussi la nouvelle génération de dirigeants, à titre de mentor, incluant son futur successeur.
«À l’âge de 73 ans, nous ne nous attendons pas à ce qu’il mène la barre à long terme. Il devrait aider Tracy Robinson à accélérer le redressement des marges à court terme et l’atteinte des objectifs fixés à moyen terme», écrit-il. Il précise qu’Edmond Harris a côtoyé Tracy Robinson au Canadien Pacifique pendant un an, en 2010-2011.
Cette nomination ne suscite pas de nouvelles attentes à court terme puisque le CN roule déjà rondement, mais Konark Gupta pourrait revoir ses perspectives à long terme lorsque Edmond Harris s’adressera aux analystes, soit lors de la prochaine téléconférence en janvier ou lors de la journée des investisseurs de mai 2023, dit-il.
Pendant ses années au CN et chez CSX (CSX, 32,17 $US), les deux chemins de fer ont amélioré leur ratio d’exploitation de 500 et 750 points de pourcentage, respectivement. Cette mesure d’efficacité exprime les dépenses d’exploitation en proportion des revenus.
Il ne prévoit rien de tel cette fois-ci puisque «le ratio d’exploitation du CN est déjà repassé sous 60%», précise l’analyste de Banque Scotia.
Le seul risque qu’il entrevoit serait que le CN ne puisse atteindre les visées du chemin de fer avant que la retraite d’Edmond Harris ne sonne.
Konark Gupta maintient sa recommandation neutre et son cours-cible de 159$ parce que le récent rebond de 8% du titre depuis le 25 octobre a poussé l’évaluation à 21,4 fois le bénéfice prévu en 2023, soit 19% de plus que celle de ses semblables américains.
Banque Royale (RY, 133,77$): un prix fort pour HSBC Canada qui rapportera
Banque Royale (RY, 133,77$): un prix fort pour HSBC Canada qui rapportera
Au début d’octobre, Gabriel Dechaine de la Financière Banque Nationale avait pressenti que la Banque Royale emporterait la mise pour HSBC Canada, car elle bénéficiait des meilleures ressources financières pour une transaction de cette envergure.
Ses capitaux propres excédaient le minimum réglementaire par 12 milliards de dollars, avait-il signalé.
Le prix offert de 13,5 milliards de dollars comptant pour HSBC Canada dépasse toutefois ses attentes par 30%, mais l’analyste estime que la transaction devrait être aussi rentable que prévu pour la première banque au pays, dans une note préliminaire
«Comment est-ce possible ? Premièrement, les synergies de 740 millions de dollars représentent 55% de la structure de coûts de HSBC, au lieu de 50%, abstraction faite des dépenses d’intérêts. La banque n’émet pas de nouvelles actions pour la transaction qu’elle finance entièrement avec ses capitaux propres excédentaires. De plus, dans son modèle, la banque s’attend à ce que HSBC Canada dégage un bénéfice avant intérêts et impôts de 1,3 G$ en 2024, une somme qui dépasse par 20% ce bénéfice annualisé en 2022», élabore l’analyste.
Ce dernier aspect est le seul à faire sourciller l’analyste qui compte demander à la banque quelles sont ses hypothèses en ce qui concerne les futures provisions pour pertes sur prêts de HSBC Canada, dans le calcul des revenus nets de 2,7 G$ prévus en 2024.
À part les synergies de 740 M$, la Banque Royale fait aussi valoir le fort potentiel de ventes croisées de produits financiers aux clients fortunés de HSBC dont 12 000 sont en affaires. Seulement 8% des clients actuels de HSBC utilisent toute la panoplie de produits bancaires personnels et commerciaux, de services transactionnels et de gestion du patrimoine par rapport à une proportion de 19% d’entre eux à la Banque Royale.
La transaction devrait ajouter 6% au bénéfice de la Banque Royale en 2024, une prévision qui cadre avec les estimations initiales de Gabriel Dechaine, en fonction des synergies. Ce profit représente un rendement interne sur l’investissement de 14%.
La banque paie un multiple de 9,4 fois le bénéfice de HSBC Canada prévu en 2024 alors que ses propres actions s’échangent à un multiple de 11,2 fois ceux de 2023.
Le capital d’un milliard de dollars que générera HSBC Canada, en attendant que la transaction soit finalisée à la fin de 2023, explique pourquoi la Banque Royale peut dire que le ratio de ses capitaux propres s’établira à 11,5%, à la clôture de l’acquisition.
Les autorités de la concurrence auront leur mot à dire puisque la Banque Royale augmentera sa part du marché canadien des dépôts et des prêts de 200 points de pourcentage chacun à 21%, ajoute l’analyste.
L’institution compte faire valoir qu’elle verse des dons qui représentent 1% de ses profits avant impôts, qu’elle verse de bons dividendes à des millions de Canadiens et qu’elle figure parmi les principaux payeurs d’impôts au pays.
Quant aux résultats du quatrième trimestre, le bénéfice de base 2,78$ par action est légèrement supérieur à ses attentes de 2,72$, grâce au taux d’imposition inférieur qui a ajouté 0,10$ à ce bénéfice. Il s’agit d’une hausse de 3%.
Les provisions globales pour pertes sur prêts de 381 M$ sont nettement moins élevées que ses estimations de 439 M$, mentionne l’analyste dans une note préliminaire, ce qui a ajouté 0,03$ au bénéfice par action. En proportion des prêts, le ratio de réserves passe tout de même de 12 à 18 points de pourcentage.
Le résultat avant dotations aux pertes de crédit et charge d’impôts, la mesure la plus juste de la rentabilité fondamentale des banques, a par contre raté ses prévisions à cause de la hausse de 9,5% des dépenses d’exploitation malgré l’augmentation de 9% des prêts octroyés au Canada et l’amélioration de la marge d’intérêts à 2,70%.
La banque augmente aussi son dividende trimestriel de 3%, à 1,32$ par action.
Avant la téléconférence, Gabriel Dechaine ne touche pas à son cours cible de 148$ (soit 12 fois le bénéfice prévu en 2023) ni à sa recommandation d’achat.