Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

À surveiller: Loblaw, Héroux Devtek et Shopify

Dominique Beauchamp|30 avril 2020

À surveiller: Loblaw, Héroux Devtek et Shopify

Photo : 123rf.com

Que faire avec les titres de Loblaw, Héroux Devtek et Shopify? Voici quelques recommandations d’analystes susceptibles de faire bouger les cours prochainement. Note: l’auteur peut avoir une opinion totalement différente de celle exprimée.

Loblaw (L, 70,55$): l’effet de la COVID-19 sur les ventes contrecarré par les coûts

Le phénomène de l’achat de provisions a bénéficié Loblaw de deux façons au premier trimestre, indique Chris Li, de Desjardins Marchés des capitaux.

La croissance des ventes par magasins comparables a grimpé à 9,6% en épicerie et de 10,6% en pharmacie.

Les consommateurs ont aussi fréquenté davantage ses épiceries conventionnelles offrant plus de variété afin d’éviter les déplacements.

La hausse de 751 millions de dollars des recettes a ajouté 0,14$ par action au bénéfice trimestriel qui a atteint 0,97$ par action, mieux que le consensus de 0,93$.

Sans l’effet attribuée à la COVID-19, la hausse de 17% du bénéfice a aussi été solide, dit-il.

En revanche, à partir du deuxième trimestre, le portrait devient plus mitigé: la hausse des coûts persiste alors que les ventes additionnelles se modèrent, à l’image de la fin du premier trimestre

La croissance des ventes comparables en épicerie est passée de 44% lors des deux dernières semaines du premier trimestre à 10% lors des cinq premières semaines du deuxième trimestre. Celles en pharmacie sont passées d’une hausse de 34% à un déclin de 6% en raison du confinement.

En même temps, les coûts ont augmenté de 90M$, soit 50% plus que prévu (soit 270M$ pour l’ensemble du trimestre).

M. Li en conclut que la contribution des ventes additionnelles n’augmente pas le bénéfice d’exploitation autant que prévu ou autant que ses concurrents.

L’analyste estime même que l’ajout de 400 M$ aux ventes lié à la pandémie ampute 150 M$ au bénéfice d’exploitation et 0,31$ au bénéfice.

«Nous avions prévu un effet positif sur la rentabilité comme ce fût le cas pour Metro pour le trimestre en cours», note-t-il.

M. Li prévoit désormais que l’effet de la COVID-19 enlèvera 0,10$ au bénéfice au deuxième semestre.

Il réduit donc son cours cible de 76 à 75$, soit un multiple inchangé de 15 à 16 fois le bénéfice de 4,84$ projeté en 2021.

Malgré cette déception, le principal épicier au pays Loblaw reste bien positionné grâce à sa masse critique, à l’amélioration de plusieurs processus d’affaires et à l’analyse accrue des données à long terme, une fois les perturbations de la COVID-19 passées, assure l’analyste.

Ses flux de trésorerie solides et son bilan sain lui permettent aussi de créer de la valeur à long terme, de faire croître ses bénéfices de 8 à 10% en moyenne par année et de retourner du capital aux actionnaires.

Ceci dit, étant donné l’écart de seulement 8% entre le cours actuel et la nouvelle cible de 75$, M. Li préfère attendre un «meilleur point d’entrée», avant d’en recommander l’achat.

Héroux Devtek (HRX, 11,63$): la crise aérienne frappe fort, mais le titre est assez puni

Héroux Devtek (HRX, 11,63$): la crise aérienne frappe fort, mais le titre est assez puni

L’effet de la crise aérienne se concrétise rapidement comme en témoigne la chute prévue de 55% des revenus et de 48% du nombre de passagers dans le monde, en 2020.

Il a fallu trois ans pour l’industrie aérienne à se remettre complètement des attentats de 2011, rappelle Mona Nazir, de Valeurs mobilières Banque Laurentienne. «Cette fois, la pandémie aura des effets encore plus sévères et durables», prévient-elle.

Bien que les usines de Héroux Devtek dans le monde soient fonctionnelles en tant que services essentiels, les mises à pied par les grands donneurs d’ordres depuis deux semaines révèlent que l’industrie se dégrade.

Airbus a demandé à ses fournisseurs de réduire leurs livraisons de 40% en raison de la production réduite des appareils A320, A330, A350 et des délais de production pour l’appareil A220.

Quant à Boeing, l’usine de fabrication de l’appareil 787 en Caroline du Sud reste suspendues tandis que celle de Wichita redémarre progressivement depuis une semaine, après une fermeture d’un mois. Cet avionneur procure à Héroux 22% de ses revenus.

À la lumière des dernières mises au point par Boeing et par l’Organisation de l’aviation civile internationale, Mme Nazir réduit de 40% les revenus commerciaux d’ici 12 mois, ce qui retranche 160 points de pourcentage à la marge d’exploitation de Héroux Devtek qui passerait ainsi à 13,7 % en 2021.

En 2022, son modèle table sur une marge de 13,9%.

Mme Nazir réduit donc sa cible de 24,50 $ à 15$, mais continue d’en recommander l’achat car la chute de 42% de l’action depuis le début de l’année intègre déjà un scénario pessimiste.

L’analyste garde espoir que le fabricant puisse amortir le choc s’il réduisait davantage ses coûts ou décrochait des contrats militaires additionnels.

Les deux-tiers du carnet de commandes du fabricant de trains d’atterrissage et d’autres composantes aéronautiques proviennent du secteur de la défense. La société a laissé entendre qu’elle peut modifier certaines usines pour servir cette industrie, au besoin.

Si la marge d’exploitation remontait à 15% en 2022, son cours cible repasserait de 15 à 17$.

Par contre, si la marge chutait à 11,3%, la cible tomberait à 11$, soit le cours actuel, indique-t-elle.

Shopify (SHOP, 888,42$): l’évaluation du chouchou du commerce en ligne est devenue extrême

Shopify (SHOP, 888,42$): l’évaluation du chouchou du commerce en ligne est devenue extrême

Les analystes canadiens et américains de Canaccord Genuity retirent leur recommandation d’achat du spécialiste torontois des solutions de commerce en ligne parce son évaluation extrême de 29 fois les revenus attendus en 2021 se bute à la réalité des affaires.

Shopify fait partie du groupe des entreprises logicielles en Amérique du Nord prisées pour leur croissance séculaire, peu importe la conjoncture, expliquent David Hynes et Robert Young.

En plus, les investisseurs jugent que Shopify et ses acolytes sont peu susceptibles de subir une révision à la baisse des prévisions financières.

Ces deux perceptions donnent au titre une sorte de valeur «refuge», font valoir les analystes.

Or, ces deux derniers doutent que le volume des commandes en ligne des commerçants qui transitent sur la plateforme de Shopify (qui représentent 60% des revenus) soit aussi «blindé» qu’on le croit. 

D’ailleurs, la décision de la société de retirer son aperçu indique que les dirigeants jouent de prudence. «Si les affaires allaient si bien, n’auraient-ils pas relevé leurs objectifs comme d’habitude», se demandent les analystes.

Pour recommander le titre au cours actuel, il faudrait imaginer qu’il grimpe d’encore 10% et que «nous soyons disposés à payer 20 fois les revenus potentiels de 4,5 milliards de dollars américains en 2022», ajoutent-ils. 

De tels revenus sont 10% supérieurs au consensus actuel et représente une croissance annuelle composée de 41% sur trois ans.

Une telle trajectoire est possible, mais aucune des championnes du logiciel, telles que Adobe, Salesforce, ServiceNow et Workday n’a réussi à soutenir un tel rythme, lorsque leurs ventes étaient similaires à celles de Shopify. disent-ils.

«Le modèle d’affaires de Shopify diffère bien sûr de celui de ces fournisseurs de logiciels, mais le cours actuel exige la perfection, un risque ridicule à prendre dans le contexte actuel», évoquent MM. Hynes et Young.

Le déclin des dépenses discrétionnaires devient une réalité pour les marchands de Shopify qui offrent surtout des biens non essentiels.

La nécessité pour les commerçants traditionnels d’aller en ligne pour survivre pourrait compenser pour l’humeur moins dépensière des consommateurs, mais les analystes en doutent.

Le risque que Shopify chute en Bourse est faible étant donné la montée en force du commerce en ligne, croient-ils, mais il est fort possible que le titre vivote pendant un certain temps afin que ses résultats rattrapent sa généreuse évaluation.

Le duo de Canaccord Genuity maintient tout de même sa cible de 833,15$, un objectif de 6% inférieur au cours actuel.