À surveiller: Richelieu, Québecor et Neighbourly Pharmacy
Dominique Beauchamp|Publié le 13 juillet 2021(Photo: 123RF)
Que faire avec les titres de Quincaillerie Richelieu, Québecor et Neighbourly Pharmacy? Voici quelques recommandations d’analystes susceptibles de faire bouger les cours prochainement. Note: l’auteur peut avoir une opinion totalement différente de celle exprimée.
Quincaillerie Richelieu (RCH, 40,79$): le marché américain bouillonne, mais le titre a fait le plein à court terme
Hamir Patel, de CIBC Marchés des capitaux, est très satisfait des résultats du deuxième trimestre et relève ses prévisions et sa cible, mais ne recommande pas le distributeur de produits de quincaillerie.
Cela reflète le dilemme entre la performance vigoureuse de l’entreprise, qui profite de dépenses sans précédent de rénovation, et le prix à payer en Bourse alors que le fort deuxième trimestre pourrait s’avérer le pic pour le taux de croissance et les marges dans le cycle actuel.
Sur le plan opérationnel, Hamir Patel s’attend à ce que les prochains trimestres produisent tout de même une croissance interne soutenue grâce à la demande des fabricants d’armoires de cuisine et de meubles, à l’ouverture du nouveau centre de distribution à Philadelphie et à l’agrandissement des entrepôts de Detroit, Atlanta, Boston et Orlando.
De plus, trois achats récents ajouteront 73 millions de dollars aux ventes annuelles et d’autres transactions devraient se conclure au deuxième semestre.
Au final, Hamir Patel prévoit que les revenus augmenteront de 15% au troisième trimestre, soit 10% à l’interne et 7% grâce aux acquisitions. Il retranche 2% pour l’effet de changes.
Ces prévisions incluent une chute de 27% des ventes aux détaillants de déco-rénovation qui ont devancé les commandes pendant la pandémie pour répondre à la pointe de la demande, au deuxième trimestre. Les marges devraient aussi baisser de 260 points de pourcentage à 13,8%, pour les mêmes raisons.
Cette année, Quincaillerie Richelieu a aussi bénéficié d’une hausse des prix de vente aux fabricants en avril et aux détaillants en juin, signale l’analyste.
Bien qu’il augmente le bénéfice d’exploitation prévu par 19% en 2021 et par 13% en 2022, ces bénéfices de 198 M$ en 2021 et de 195M$ en 2022 resteront quasi inchangés d’une année à l’autre.
À moyen terme, Hamir Patel croit que les marges devraient continuer à s’améliorer à mesure que le distributeur rentabilise les achats américains, comme il le fait depuis six ans.
Si ce n’était de l’achat de distributeurs américains moins rentables que ses activités existantes et des investissements dans le réseau américain pour capter les énormes occasions de croissance, l’analyste croit que les marges seraient déjà plus élevées qu’elles ne le sont actuellement au sud de la frontière.
Il faut compter deux ans après un achat pour doubler les marges d’exploitation d’un distributeur acquis, ajoute-t-il.
Son nouveau cours cible de 45$ équivaut à 13 fois ce bénéfice, soit un multiple plus élevé que la moyenne de 12,2 fois des cinq dernières années.
Quincaillerie Richelieu mérite cette prime, dit-il, parce qu’elle domine le marché au Canada, bénéficie de nombreuses occasions d’achat aux États-Unis et répartit bien son capital.
Au cours actuel, le gain potentiel de 7% ne justifie toutefois pas de recommandation d’achat.
Québecor (QBR.B, 33,12$): l’action est punie pour ses ambitions sans fil nationales
Québecor (QBR.B, 33,12$): l’action est punie pour ses ambitions sans fil nationales
Jeff Fan, de Banque Scotia, attribue la moins bonne performance de Québecor depuis quatre mois par rapport à son industrie à l’incertitude que suscite ses ambitions sans fil nationales chez ses investisseurs qui appréciaient que le groupe distribue ses flux de trésorerie par le biais de dividendes croissants.
La société et son actionnaire de contrôle Pierre-Karl Péladeau ne cachent pas leurs visées sans-fil nationales et leur intérêt stratégique sur Freedom Mobile que Rogers Communications (RCI.B, 66,45$) devra sans doute revendre pour mettre la main sur Shaw Communications (SJR.B, 36,48$).
Le récent départ inattendu de Jean-François Pruneau, le président de Vidéotron et la personne-ressource pour la communauté financière depuis deux décennies, tracasse aussi les investisseurs, car il survient au moment où Québecor participera aux enchères de fréquences sans-fil de 3500 MHz qui pourraient concrétiser sa stratégie sans-fil, mentionne aussi l’analyste.
L’action de Québecor est donc la moins chèrement évaluée en cinq ans, indique Jeff Fan, en fonction du multiple de 7,1 fois le bénéfice d’exploitation et du rendement des flux de trésorerie excédentaires de 8,8%.
Au printemps 2019, l’évaluation avait atteint un pic de 8,3 fois le bénéfice d’exploitation.
«Le rendement record des flux disponibles (les flux divisés par le cours) reflète la crainte que le surplus de capital soit englouti dans une expansion sans-fil nationale qui diminuerait les futurs rendements financiers au lieu qu’il soit distribué sous forme de dividendes croissants et de rachats d’actions», évoque l’analyste.
Fidèle à son habitude, Jeff Fan met de l’avant différents scénarios qui pourraient relever l’action de Québecor: si la société abandonnait l’expansion nationale sans-fil, restait disciplinée lors des enchères sans-fil ou si elle pouvait conclure l’achat de Freedom Mobile à bon compte.
Il donne en exemple la récente remontée en Bourse de Cogeco Communications (CCA, 121,67$) après l’achat du réseau de câble américain Wow qui laisse croire que Cogeco «ait moins d’appétit pour participer aux enchères de fréquences et pour réaliser d’autres investissements sans-fil au Canada».
À court terme toutefois, l’analyste croit au contraire que Québecor deviendra encore plus motivée à mettre la main sur Freedom Mobile et à faire pression sur le gouvernement fédéral pour que Rogers cède cette filiale, juste avant les élections fédérales.
Jeff Fan élabore un autre scénario hypothétique qui verrait Rogers devancer l’approbation réglementaire de Shaw et vendre Freedom Mobile à un fonds d’investissement privé afin de satisfaire les autorités tout en empêchant Québecor de devenir un quatrième fournisseur sans-fil national à court terme.
Québecor pourrait néanmoins revenir à la charge plus tard en concluant une entente d’accès avec cet acquéreur financier pour utiliser le réseau sans-fil de Freedom Mobile. «Ce serait une approche moins risquée qui requerrait moins d’investissements initiaux», indique l’analyste.
Après avoir eu le temps de se constituer une base d’abonnés sans-fil hors du Québec, en tant que fournisseur mobile virtuel, Québecor pourrait éventuellement acquérir sa propre infrastructure nationale lorsque l’acquéreur financier de Freedom Mobile voudra revendre son placement dans quelques années, imagine Jeff Fan.
«Cette approche ressemble à celle que Vidéotron a utilisée lors de sa percée sans fil au Québec. Vidéotron a d’abord été un fournisseur de téléphonie mobile virtuel en 2006 et avant de devenir un fournisseur établi en 2019», rappelle l’analyste.
«Tous les scénarios mènent à l’achat de Freedom Mobile, tôt ou tard», écrit-il.
Malgré ces incertitudes, il maintient sa recommandation d’achat et son cours cible de 38$.
Neighbourly Pharmacy (NBLY, 28,00$): le consolidateur s’apprécie un peu trop vite
Neighbourly Pharmacy (NBLY, 28,00$): le consolidateur s’apprécie un peu trop vite
Entré en Bourse le 25 mai, le troisième groupe de pharmacies au pays a grimpé un peu trop vite au goût de Chelsea Stellick de IA Marchés des capitaux.
L’analyste retire donc sa recommandation d’achat moins d’un mois après avoir amorcé le suivi du titre, le 14 juin. Le titre a en effet dépassé la cible de 28$ qu’elle avait fixée dans douze mois. Le titre a touché un sommet de 31$ le 8 juillet, sept semaines après avoir fait son entrée en Bourse à 17$.
«Le marché reconnaît la valeur de la société, intègre même le potentiel d’appréciation prévu et surpasse notre cible. Notre modèle financier reste intact, mais nous suggérons dorénavant de conserver le titre», explique l’analyste dans un rapport de suivi publié le 12 juillet.
Chelsea Stellick tient à souligner que le retrait de la recommandation d’achat est un signe de vigueur et que le consolidateur de petites pharmacies en région pourrait «rattraper» son évaluation en réalisant plus d’acquisitions que prévu.
«Nous préférons garder le titre jusqu’à ce que ce potentiel se réalise plutôt que d’encaisser les gains réalisés jusqu’à maintenant», enchaîne-t-elle.
Depuis le début de l’année, Neighbourly a acquis 14 pharmacies, ce qui la place en bonne voie pour atteindre son objectif annuel de 25. La notoriété que lui procure son entrée en Bourse élargit le bassin de cibles potentielles. De nouvelles occasions et le bilan solide augmentent les chances que la stratégie d’acquisitions s’accélère.
«Son pouvoir accru de négociation devrait lui permettre de choisir les magasins de plus grande qualité, d’augmenter la cadence des achats et de payer des multiples plus modestes», croit aussi l’analyste.
La niche qu’occupe le groupe lui procure un certain avantage concurrentiel tout en lui offrant un bon potentiel d’économies d’échelle au fur et à mesure que sa taille grandit.
Chelsea Stellick dit qu’elle surveillera les marges pour s’assurer de la bonne exécution des acquisitions.
Neighbourly veut doubler sa taille d’ici cinq ans.
L’autre potentiel réside dans le retour à la normale du nombre de prescriptions après la pandémie, maintenant que les patients retournent consulter leur médecin. Le groupe devrait donc renouer avec une croissance des ventes par pharmacies comparables d’environ 4% après le premier trimestre.
Chelseau Stellick estime que Neighbourly mérite un multiple supérieur à ses semblables, de 17 fois le bénéfice d’exploitation prévu en 2022 en raison des perspectives de croissance bien visibles.