L'avionneur Boeing a annoncé mercredi une perte nette de 636 millions de dollars pour 2019.
L’avionneur Boeing a annoncé mercredi une perte nette de 636 millions de dollars pour 2019, la première en 22 ans, en raison des déboires de son 737 MAX cloué au sol depuis le 13 mars après deux accidents rapprochés ayant fait 346 morts.
Le nouveau directeur général du groupe américain, David Calhoun, a tenté de rassurer, affichant une certaine humilité après la gestion calamiteuse de la crise de son prédécesseur, Dennis Muilenburg, contraint au départ.
«Je mettrai du réalisme (…) à chaque étape du processus (pour faire revoler le Max) et j’écouterai tous ceux qui sont directement impliqués dans ce processus», a-t-il déclaré mercredi sur la chaîne de télévision CNBC. Promettant une écoute permanente pour aider «à résorber les angoisses», il a estimé que cela redonnera confiance en Boeing.
En 2018, Boeing avait dégagé un bénéfice net de 10,5 milliards de dollars.
L’année 2019 est seulement le quatrième exercice déficitaire en 104 ans d’histoire pour le constructeur aéronautique américain. Outre 2019 et 1997, Boeing, qui a repoussé à la mi-2020 la remise en service du MAX, avait enregistré des pertes en 1995 et en 1946.
Cette perte est due à des charges supplémentaires d’environ 9,2 milliards de dollars, l’immobilisation au sol du MAX ayant conduit Boeing à en suspendre pour une durée indéterminée les livraisons et la production.
La facture s’élève désormais à 18,4 milliards de dollars, dont près de la moitié porte sur les indemnisations des compagnies aériennes contraintes d’annuler des dizaines de milliers de vols.
Elle prend également en compte les coûts de production – puisque le MAX a continué à être produit jusqu’en décembre -, les aides potentielles aux sous-traitants et l’absence de suppressions d’emplois et de mesures de chômage technique.
Cette ardoise ne comprend pas toutefois des accords potentiels avec les familles des victimes et les autorités américaines, qui enquêtent sur les accidents et le développement du MAX.
Elle est dans le bas de la fourchette des analystes qui était de 16 à 25 milliards de dollars, ceux-ci anticipant des coûts additionnels liés à la formation des pilotes qui devrait se faire désormais sur simulateur.
Dégâts chez les sous-traitants
Boeing a repoussé à la mi-2020 une remise en service du Max.
«Je pense que nous pouvons tenir ces délais», a assuré sur CNBC David Calhoun, aux commandes du groupe depuis le 13 janvier.
Promettant la transparence et un changement de culture chez Boeing, il a néanmoins prévenu que le calendrier était dicté par les autorités de l’aviation civile.
Steve Dickson, le chef de l’agence fédérale de l’aviation américaine (FAA), a informé des patrons de compagnies américaines que son agence devrait approuver le MAX à la mi-2020, a indiqué la semaine dernière à l’AFP une source règlementaire.
Le système anti-décrochage MCAS a été mis en cause dans les deux tragédies du MAX. De plus, d’autres problèmes, dont un défaut sur un microprocesseur, un autre sur des câblages électriques et un troisième lié au logiciel s’assurant du bon fonctionnement du MCAS au démarrage, ont été détectés.
M. Calhoun a réitéré mercredi que Boeing n’entendait pas rebaptiser le MAX, se disant convaincu que les craintes du grand public allaient se dissiper si les pilotes manifestaient leur confiance en cet aéronef.
Boeing a perdu sa couronne de premier avionneur civil mondial, détenue désormais par son rival européen Airbus, après avoir enregistré un carnet de commandes dans le rouge (-87 appareils nets) et un plongeon de 53% des livraisons en 2019.
Les autres programmes sont peu ou prou affectés: Boeing a décidé de recommencer quasiment de zéro la conception d’un nouveau modèle, le NMA (220-270 passagers), sur le segment du «milieu de marché», alors qu’Airbus a déjà lancé l’A321XLR, qui offre aux compagnies aériennes la possibilité d’ouvrir de nouvelles lignes long-courrier entre des villes secondaires avec un monocouloir, moins cher, plus facile à remplir et donc plus rentable.
Boeing a décidé de finalement réduire la production du long-courrier 787 Dreamliner (de 14 unités par mois à 10 à partir de 2021, au lieu de 12).
Outre l’avionneur, les déboires du MAX affectent clients et sous-traitants.
La compagnie irlandaise à bas coûts Ryanair a menacé mercredi de procéder à de nouvelles suppressions d’emplois et fermetures de bases.
General Electric (GE), qui co-fabrique avec le groupe français Safran le moteur de nouvelle génération LEAP équipant le MAX, a calculé le manque à gagner: 1,4 milliard de dollars en 2019.
Le spécialiste des fuselages Sprit AeroSystems a supprimé de son côté des milliers d’emplois.
Pour faire face aux coûts galopants, Boeing est parvenu à sécuriser un prêt d’au moins douze milliards de dollars auprès de grandes banques américaines, ont indiqué à l’AFP des sources bancaires.