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Comment le métavers rapportera de l’argent

Maxime Johnson|Édition de la mi‑juin 2022

Comment le métavers rapportera de l’argent

(Photo: 123RF)

Trois mille milliards de dollars américains: c’est la contribution estimée du métavers à l’économie mondiale en 2031, si son adoption débutait aujourd’hui et que sa croissance équivalait à celle des industries liées aux téléphones intelligents après leur première décennie, selon une récente étude de la firme de recherche Analysis Group, commanditée par Meta Plateforms (META, 195,65 $ US), société mère de Facebook. Le métavers, cette vision technologique du futur où les consommateurs pourront un jour acheter, se divertir, étudier et travailler dans des mondes virtuels en 3D, notamment grâce à la réalité virtuelle, pourrait d’ailleurs contribuer à 0,9 % du PIB canadien après 10 ans, selon la même analyse.

Voilà qui explique pourquoi une entreprise comme Meta, pour ne nommer que celle-là, a dépensé plus de 10 milliards de dollars américains en 2021 seulement dans le développement des technologies nécessaires pour le réaliser.

Voici cinq façons qui pourraient permettre au métavers de passer d’ici quelques années du rouge au noir.

 

1. Achats de biens virtuels

Un chapeau à la mode pour mettre sur la tête de son avatar 3D, un fauteuil pour meubler sa maison virtuelle, une arme colorée pour utiliser dans les jeux de tir:les objets numériques acquis par les utilisateurs du métavers seront peut-être composés de pixels, mais l’argent déboursé pour les acheter sera pour sa part bien réel.

«C’est quelque chose qui existe déjà dans les jeux vidéo», remarque Maude Bonenfant, professeure au Département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les données massives et les communautés de joueurs.

Pour chaque objet numérique acheté, les propriétaires des plateformes du métavers (ou des métavers, comme disent certains pour mieux refléter le fait que plusieurs de ces univers risquent d’être lancés, et qu’ils ne seront pas forcément interreliés) garderont une partie des revenus.

Meta a donné en avril dernier un aperçu de ce que pourrait avoir l’air cette monétisation, en ouvrant la porte à la vente d’objets numériques dans son logiciel Horizon Worlds, une sorte de précurseur du métavers, accessible pour l’instant par le casque de réalité virtuelle Meta Quest 2 seulement, mais qui sera éventuellement lancé sur d’autres plateformes, comme le Web.

À l’heure actuelle, 30 % des revenus provenant d’objets vendus sur Horizon Worlds sont retenus par la plateforme matérielle, soit la boutique Quest Store de Meta. «Au fil du temps, au fur et à mesure que nous étendons Horizon Worlds à d’autres plateformes (NDLR:le Web ou les consoles de jeux, par exemple), d’autres sociétés factureront leurs propres frais de plateforme et cette partie ne sera pas forcément reversée à Meta», précise un porte-parole de l’entreprise à Les Affaires. Une fois les frais de plateformes matérielles retenus, 25 % des revenus restants sont conservés par Horizon Worlds (17,5 % du montant initial de la vente actuellement, après avoir retenu le 30 % de Quest Store, soit 47,5 % en tout).

Bref, autant les fabricants de matériel que les entreprises qui créeront l’architecture logicielle du métavers ou les développeurs qui vendront des objets numériques pourront tirer profit de ces ventes. Dans certains cas, toutes ces parties prenantes seront une seule et même entreprise.

 

2. La publicité du métavers

Tous les experts interrogés par Les Affaires s’entendent sur une chose: la publicité sera présente dans le métavers.

«Si je peux accéder à Facebook gratuitement, c’est parce que je leur donne des données et qu’ils affichent de la publicité.

Dans le métavers, ce sera la même chose», estime Ben Skinazi, chef du marketing à Sharethrough, l’une des plus grandes entreprises de technologie publicitaire (ad exchange) indépendante du monde.

Depuis le début 2022, une vingtaine d’employés de l’entreprise se rencontrent d’ailleurs périodiquement en réalité virtuelle pour planifier l’arrivée de la publicité dans ce domaine.

«Ça ouvre plusieurs occasions pour les annonceurs», estime Ben Skinazi, comme la création d’objets 3D publicitaires avec lesquels les utilisateurs peuvent interagir, mais aussi des données sur l’attention de ces derniers. En analysant le regard des utilisateurs, il sera possible de savoir combien de temps une publicité a été regardée avec attention, par exemple.

«Ça va permettre de mesurer l’engagement et l’attention, ce qui est très intéressant pour les annonceurs», explique Ben Skinazi. Les développeurs pourront quant à eux fournir un effort pour bien placer leurs publicités afin de les rendre plus performantes.

 

3. La vente d’équipement

Le métavers est associé à la réalité virtuelle, mais d’autres technologies devraient pouvoir permettre d’y accéder, comme la réalité augmentée, les ordinateurs et les consoles de jeux vidéo.

La vente de ces appareils représente un autre moyen de tirer profit du métavers pour les fabricants, mais ce n’est pas le seul.

Connecter des millions de personnes simultanément dans un univers 3D requiert en effet des ressources informatiques importantes, surtout si le rendu de ces mondes est effectué dans des serveurs, et non sur les appareils des utilisateurs (ce qui sera probablement le cas, pour que les lunettes de réalité virtuelle soient le plus petites possible, par exemple).

C’est notamment pour cette raison que les fabricants de cartes graphiques, comme Nvidia (NVDA, 189,20$ US), s’intéressent eux aussi au métavers.

 

4. Les revenus d’abonnement

Il ne sera probablement pas nécessaire d’être doté d’un abonnement payant pour accéder au métavers. «Nous ne prévoyons pas qu’il y aura de barrière à l’entrée», estime Martine Lapointe, directrice générale du bureau montréalais de la société de conseil Accenture. Certaines parties de ces univers virtuels pourraient toutefois être accessibles par abonnement, comme c’est le cas sur le Web présentement avec les médias et les services de diffusion vidéo.

Ces abonnements pourraient aussi être optionnels, un concept répandu dans les jeux vidéo, comme Fortnite (un titre d’ailleurs conçu par Epic Games, une entreprise qui investit beaucoup dans le métavers). Un abonnement pourrait par exemple permettre d’obtenir plus d’objets numériques, ou même une plus grande maison virtuelle.

Ces abonnements ne limiteront toutefois pas les déplacements virtuels des utilisateurs. «Nous allons pouvoir passer d’un métavers à un autre sans s’en rendre compte. Il faut qu’il y ait une certaine fluidité», précise Martine Lapointe.

 

5. La rareté virtuelle

Certaines entreprises technologiques associent le métavers aux chaînes de blocs et aux jetons non fongibles (mieux connus sous l’acronyme anglophone NFT) afin de conférer de la rareté aux objets numériques.

Une paire de souliers pour son avatar pourrait alors n’exister qu’en dix exemplaires, par exemple, ce qui augmenterait leur valeur initiale et leur valeur de revente (et les plateformes pourraient conserver une partie de chaque transaction, primaire et secondaire).

La rareté peut même être associée à de l’immobilier virtuel. Certains précurseurs du métavers, comme Decentraland, limitent ainsi la superficie de leur monde virtuel afin de faire augmenter le prix de vente des «terrains». L’année dernière, une entreprise a d’ailleurs acheté pour 2,4 millions de dollars américains de terrains numériques dans cet univers érigé autour d’une chaîne de blocs.

Rien n’indique que l’immobilier virtuel deviendra une source de revenus pour les grands joueurs technos, comme Meta ou Epic Games, mais l’art authentifié par NFT, lui, pourrait facilement avoir sa place dans leurs univers virtuels.