Trois analystes émettent des réserves au sujet de la spéculation entourant l'union de Couche-Tard et Speedway.
Pendant qu’Alimentation Couche-Tard reste silencieuse sur ses intentions au sujet de l’Américaine Speedway, les analystes débattent de la contribution d’un achat record qui hisserait l’exploitant de Laval en tête du marché américain avec plus de 10000 commerces.
La valeur accordée aux 3900 dépanneurs et stations d’essence de Speedway, soit de 15 à 18 milliards de dollars américains selon un projet d’essaimage du propriétaire actuel Marathon Petroleum (MPC, 35,15$) ou de 20 à 22 G$US selon l’offre retirée de 7-Eleven, fait écarquiller les yeux.
Même si Alimentation Couche-Tard (ATD.B, 45,01$) se délestait de 1250 stations d’essence Circle K pour satisfaire les autorités de la concurrence et ajouter à ses munitions d’achat, comme l’indiquent certains médias américains, certains analystes montrent peu d’enthousiasme.
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Et ce malgré le fait que Couche-Tard pourrait récolter de 4 à 5 G$US de la vente de 1250 de ses propres stations d’essence et ainsi éviter d’avoir à émettre des actions.
À chaque transaction de Couche-Tard, les financiers redoutent un prix trop élevé par rapport aux synergies potentielles.
Irene Nattel, de RBC Marchés des capitaux, est certaine que la société d’Alain Bouchard est parmi les rares prétendants, mais assure qu’il ne déviera pas de sa discipline habituelle d’acquisition.
Dans son modèle financier, Chris Li, de Desjardins Marché des capitaux, croit possible que Couche-Tard vende 1250 stations d’essence pour 3M$ US chacune et ainsi récolter 4 G$US.
«Il y aurait des acheteurs intéressés dont de grands opérateurs tels que la britannique EG Group ou la japonaise 7-Eleven», écrit-il, dans une note publiée le 9 juillet.
Même en apaisant les autorités de la concurrence et en évitant une émission d’actions, le principal obstacle reste le prix, insiste Chris Li.
«Bien que Speedway serait un actif hautement stratégique et synergique, nous prévoyons que les dirigeants respecteront leur discipline (sans payer trop cher)», renchérit l’analyste.
Dans le scénario d’une vente de 1250 stations d’essence pour 4$US, Chris Li estime que Speedway ajouterait 20% aux bénéfices de Couche-Tard, trois ans après la transaction.
«La vente des stations d’essence (si c’est vrai) augmenterait les chances que Couche-Tard acquiert Speedway, mais étant donné le prix élevé, ces chances restent faibles», croit-il.
Peu importe, dit-il, Couche-Tard peut doubler son bénéfice d’exploitation d’ici 3 à 4 ans comme prévu en misant sur ses revenus et les marges, et en tirant profit des occasions que lui offrira la pandémie pour gagner des parts de marché et acheter des exploitants régionaux.
Synergies plus difficiles à arracher cette fois
Chez BMO Marchés des capitaux, Peter Sklar est encore plus circonspect bien qu’il estime que Couche-Tard pourrait obtenir jusqu’à 5 G$US pour les 1250 stations d’essence moins performantes de son réseau.
D’un, Couche-Tard devra payer une plus-value pour Speedway – soit 12 fois le bénéfice d’exploitation – alors que ses propres actions s’échangent à un multiple de 10 fois – étant donné la valeur de rareté du réseau et les autres prétendants en coulisse.
Deuxièmement, il faut inclure dans l’équation la valeur de 450M$US que «perdrait» Couche-Tard dans la vente des 1250 dépanneurs, soit le multiple de 8 à 10 fois leur bénéfice d’exploitation.
Peter Sklar craint surtoit qu’il soit difficile pour Couche-Tard d’arracher des synergies de plus de 25% cette fois-ci parce que Speedway bénéficie déjà d’économies d’échelle et de rabais de volume de la part de ses fournisseurs.
Des synergies additionnelles seraient possibles, admet-il, dépendant de l’entente d’approvisionnement de produits raffinés entre Marathon et Speedway.
L’analyste note aussi que la valeur comptable de Speedway équivaut à seulement 30% de la valeur de la transaction.
L’ajout de 18 G$US à la dette et l’effet de la vente de 1250 stations d’essence ferait aussi grimper l’endettement de Couche-Tard à 3,3 fois le bénéfice d’exploitation, un seuil maximum pour que la société conserve sa cote de crédit de qualité.
L’analyste estime que kes synergies ajouteraient 23% ou 0,31$US aux bénéfices, dans trois ans, un niveau qui pourrait décevoir les investisseurs un peu trop enthousiastes à son goût.
«Une transaction potentielle serait aussi d’une grande complexité», fait-il valoir.
À son avis, Couche-Tard convoite encore sérieusement la chaîne australienne Caltex, depuis rebaptisée Ampol, s’il se fie aux propos des dirigeants lors de la plus récente téléconférence.
Le titre d’Alimentation Couche-Tard s’est apprécié de 7,5% depuis la fin de juin, loin devant le S&P/TSX qui a gagné 1,3%.