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Des titres pour dormir sur ses deux oreilles

Jean Décary|Édition de la mi‑juin 2019

En période de forte volatilité, l'investisseur peut avoir envie de ménager ses nerfs. Les Affaires a demandé à ...

En période de forte volatilité, l’investisseur peut avoir envie de ménager ses nerfs. Les Affaires a demandé à quatre experts de nous proposer des titres qui permettraient à leurs actionnaires de dormir sur leurs deux oreilles tout en ayant de bonnes perspectives à long terme.

Vincent Fournier
gestionnaire de portefeuille chez Claret


INDUSTRIES LASSONDE INC.
(Tor., LAS.A, 191,98 $)
Capitalisation boursière : 1,40 G$

«Pour bien dormir sur ses deux oreilles, l’investisseur doit rechercher un titre qui évolue dans une industrie stable, qui traverse bien les différents cycles économiques et dont les produits sont essentiels à la vie des gens ou à l’économie en général», explique d’emblée le gestionnaire de chez Claret. À cela s’ajoutent d’autres facteurs auxquels il faut tenir compte, comme le taux d’endettement, la qualité de l’équipe de gestion et le prix de l’action au moment de l’achat.

«T’as beau acheter la meilleure entreprise du monde, si tu paies trop cher, tu peux dormir dessus longtemps avant d’avoir un rendement significatif», précise-t-il. À ses yeux, un titre comme celui de l’entreprise agroalimentaire Lassonde, basée à Rougemont, au Québec, réunit quelques-uns des critères dont il a fait mention.

«C’est un leader nord-américain dans le développement, la fabrication et la distribution de jus et de boissons de fruits et de légumes. Dans notre style de vie effrénée, les gens se tournent davantage vers des aliments préparés.» Selon M. Fournier, l’équipe de gestion s’est démarquée ces dernières années, et cela s’est reflété dans leur bilan financier. «Ils ont le vent dans les voiles. Les principaux ratios (rendement des capitaux propres et retour sur le capital) se sont améliorés depuis trois ou quatre ans. Ils sont disciplinés, ils font des achats et paient leurs dettes.»

S’il considère que le cours du titre est bien évalué, il signale qu’il se négocie actuellement à 17 fois le ratio cours/bénéfice des 12 prochains mois. «Ce n’est pas une aubaine, mais à douze fois ses flux de trésorerie, le cours actuel représente à nos yeux un bon point d’entrée. Le titre se négociait à près de 300 $ il y a peu de temps.»

Cette baisse du titre s’explique, selon lui, par des marges un peu plus faibles qu’anticipées en raison de la hausse du coût des transports et de la résine (pour l’embouteillage), et d’une concurrence plus grande en provenance des États-Unis. Il rappelle toutefois que le titre se négociait à 200 $ au début de 2017.

Le dividende offre un rendement d’environ 1,9 %.

NORTH AMERICAN CONSTRUCTION GROUP
(Tor., NOA, 15,90 $)
Capitalisation boursière : 395 M$

«C’est un chaînon important de la production de pétrole dans les sables bitumineux. À l’origine, c’était une entreprise de construction. Aujourd’hui, elle opère principalement les énormes camions qui font du transport de terre. Grosso modo, c’est leur modèle d’affaires.» Le gestionnaire de chez Claret explique que la volatilité du prix du pétrole n’affecte pas les opérations de l’entreprise.

Il y a tellement d’investissements fixes dans les sables bitumineux que nous sommes convaincus qu’elle sera encore en exploitation pour au moins les vingt prochaines années.» Il souligne que l’avantage concurrentiel de cette entreprise est qu’elle excelle dans l’entretien et la réparation de ces énormes camions spécialisés, dont la valeur unitaire peut atteindre 4 millions de dollars.

«À partir de carcasses, ils sont capables de rebâtir ces véhicules pour une fraction du prix de base. Ils sont passés champions dans l’art de réusiner de telles machines et sont donc en mesure d’offrir un service à un prix qui est plus avantageux.» Selon lui, c’est de leur habileté à réusiner les actifs désuets d’entreprises comme Suncor et Canadian Natural Resources que proviendra leur croissance. Celle-ci passera également par l’utilisation de camions dits autonomes, opérés par ordinateur, et qui font lentement leur apparition dans l’industrie.

M. Fournier souligne par ailleurs que NOA a récemment fait l’achat de l’un de ses plus importants concurrents, devenant ainsi le joueur dominant dans leur secteur d’activités. «Ils ne sont pas nombreux, cela leur confère un avantage certain.» Comme pour Industries Lassonde, le gestionnaire de chez Claret aime aussi le fait que le président de NOA soit l’un des grands actionnaires de l’entreprise, l’une des mieux gérées du Canada parmi les industrielles. «Les intérêts de la direction sont en quelque sorte bien alignés avec ceux des actionnaires», précise-t-il.

Le rendement de leur dividende est de 0,5 %.

Alexandre Legault
vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Allard, Allard et associés

LOBLAW
(Tor., L, 69,91 $)
Capitalisation boursière : 25,76 G$

«Des titres sans risque, si ça existait, on les aurait», blague Alexandre Legault en faisant un clin d’oeil à la publicité de Réno-Dépôt et en rappelant que le risque zéro n’existe pas. «Pour éliminer une portion du risque, le titre doit réunir quelques conditions, dont la principale est celle de répondre à un besoin qui soit stable, de préférence dans un univers où il n’y a pas trop d’entreprises concurrentes ou de nouveaux joueurs qui viennent perturber l’environnement.»

Loblaw, le plus grand détaillant alimentaire du pays, répond à ces critères, selon le gestionnaire de portefeuille qui estime que le marché canadien de l’épicerie est un oligopole. «L’aspect défensif d’un tel titre est indéniable, car ça doit aller très mal pour que tu cesses d’aller à l’épicerie.» Il signale que la qualité du bilan financier de Loblaw s’est beaucoup améliorée, grâce à la vente de leur participation dans la société immobilière Propriétés de choix (vendue à George Weston).

«Dès lors, elle est devenue un détaillant concentré uniquement sur les activités de détails (Pure-play retailer) du secteur alimentaire et de la pharmacie.» Le gestionnaire aime notamment la propension qu’a l’entreprise à hausser son dividende sur une base annuelle. «Ils ont un historique d’augmentation du dividende. L’an dernier, elle a haussé le dividende de 9,3 % et a racheté pour environ 5 % de sa capitalisation boursière. L’année d’avant, en 2017, elle avait haussé son dividende de 3,8 %.»

Au cours actuel, le rendement de son dividende est d’environ 1,8 %. M. Legault signale également que l’entreprise a jumelé les programmes de fidélisation de Shoppers Drug Mart (Pharmaprix au Québec) et de Loblaw, ce qui donne un total de 18 millions de membres.

«Avec la vente de leurs actifs immobiliers, le titre de Loblaw se négocie à escompte, notamment par rapport à Metro, son concurrent, avec un ratio cours/bénéfice de 14,5.» Il note par ailleurs que les synergies vont se poursuivre avec Pharmaprix et qu’une partie de sa croissance viendra de ce segment, en raison du vieillissement de la population.

FINANCIÈRE MANUVIE
(Tor., MFC, 23,60 $)
Capitalisation boursière : 46,45 G$

Le vice-président d’Allard, Allard & Associés aime particulièrement le titre du plus important assureur-vie du Canada, la Financière Manuvie. «C’est 50 % plus gros que la Sun Life et la Great West, et neuf fois plus que l’Industrielle Alliance. Manuvie est donc le plus gros joueur d’un oligopole où l’injection importante de capital pour se lancer dans ce secteur d’activité représente une importante barrière à l’entrée.»

En gros, explique-t-il, «le modèle traditionnel de l’assurance-vie est que l’assureur perçoit des montants de façon régulière contre un montant final à verser plus tard. Ou, inversement dans le cas des rentes, il reçoit un montant initial en retour de paiements réguliers dans le futur.» Il y a donc, selon lui, un avantage concurrentiel dans ce modèle d’affaires, surtout si les joueurs sont peu nombreux.

Il souligne que l’entreprise génère de bons flux de trésorerie et est en mesure de retourner une partie de leurs profits aux actionnaires. «Ils ont actuellement un dividende de 4,3 %. Celui-ci a été augmenté de 14 % en 2018 et de 7 % en 2017. Ils ont commencé à racheter de leurs actions au dernier trimestre.» Il considère la gestion de patrimoine comme un des vecteurs de croissance et souligne la forte augmentation de l’actif sous gestion, qui s’élève à plus de 1 000 milliards de dollars, soit un billion.

L’autre vecteur de croissance de l’entreprise est l’Asie. «C’est un joueur important là-bas. Le bénéfice net dans cette région est en hausse. La croissance annuelle composée des cinq dernières années est de 28 %. Celui de la firme dans son ensemble pour la même période est de 15 %. Il est de 20 % pour l’actif sous gestion durant la même période.»

Au cours actuel, le gestionnaire de portefeuille juge que l’action n’est pas chère puisqu’elle se négocie à environ dix fois les profits de l’année dernière.

Mathieu Roy
gestionnaire de portefeuille, Actions nord-américaines, chez Hexavest

METRO
(Tor., MRU, 49,87 $)
Capitalisation boursière : 12,72 G$

Le chef de file en alimentation et en pharmacie, Metro (depuis l’acquisition du Groupe Jean Coutu), est un joueur incontournable au Québec, et ses 1 300 magasins et nombreuses enseignes en font une valeur sûre dont la réputation n’est plus à faire, selon M. Roy. «C’est une entreprise qui se spécialise dans un secteur très défensif de notre économie et qui résiste bien aux différents cycles économiques et aux récessions. Des bannières à bas prix comme Super C, par exemple, rendent l’entreprise encore plus défensive.»

Il note que Metro a toujours dégagé une croissance des bénéfices et que, parallèlement, depuis 10 ans, le titre a connu une progression similaire avec une croissance annuelle de 16 % en moyenne. Il souligne par ailleurs que si la compétition reste féroce, les joueurs sont aujourd’hui bien établis. «Ils ne sont pas si nombreux : Walmart, Loblaw, IGA (Empire), Metro… et peut-être Costco, dont l’offre est quelque peu différente. En somme, les concurrents sont assez disciplinés et je ne prévois pas trop de pression en ce qui concerne les marges.»

Le bilan financier de Metro en fait selon lui une entreprise avec laquelle on peut bien dormir. «Malgré l’acquisition de Jean Coutu, le bilan reste sain à 2,5 fois la dette sur l’EBITDAR (résultats d’exploitation avant intérêts, impôts, amortissement et loyer) et des flux de trésorerie importants de l’ordre de 750 M$ en 2018, dont 268 M$ en flux de trésorerie disponible (free cash-flow).

Ils sont en bonne position pour réinvestir dans leur croissance, dans des acquisitions, ou retourner du capital aux actionnaires par des dividendes ou des rachats d’actions.» Le gestionnaire de portefeuille reconnaît néanmoins que des occasions d’acquisition de la taille de Jean Coutu se feront plutôt rares, mais croit qu’il existe toujours de plus petits joueurs qui pourront venir bonifier l’offre de Metro. «Je pense à des acquisitions passées comme Adonis et Première Moisson, qui offrent un élément de diversification.»

INTACT CORPORATION FINANCIÈRE
(Tor., IFC, 117,70 $)
Capitalisation boursière : 16,38 G$

Le gestionnaire de chez Hexavest aime le titre d’Intact, l’une des plus importantes compagnies d’assurance – automobile, habitation et commerciale – du Canada, qui compte des parts de marché qui avoisinent les 17 %. «Elle n’est pas dans l’assurance-vie, qui est plus risquée et nécessite de faire davantage d’hypothèses, notamment par rapport à la longévité des individus, explique-t-il. Elle n’a pas besoin de faire cela ; ce sont des contrats d’assurance qui se renouvellent habituellement chaque année. C’est donc moins risqué de ce point de vue.»

Il aime par ailleurs la démarche à la fois prudente et innovatrice de l’équipe de direction, qui peut compter sur du capital excédentaire à la hauteur de 1,3 G$ et un ratio dette/capital d’environ 20 %. «La valeur comptable de la compagnie n’est pas tellement influencée par les variations des taux d’intérêt ou la volatilité dans les marchés financiers.»

Outre la bonne cote de crédit de la compagnie et la qualité de l’équipe de direction, M. Roy aime l’aspect prudent de son portefeuille d’investissement. «Les compagnies d’assurance réinvestissent dans le marché les primes qu’elles récoltent auprès de leurs clients. Leur portefeuille, géré à Montréal, est à 75 % placé dans des titres à revenu fixe, dont 90 % sont cotés A et plus.»

Il rappelle que leur cible de croissance du bénéfice par action est d’environ 10 % par année, ce qui reflète leur performance des 10 dernières années. «Ils ne visent pas les étoiles, mais une constance dans leur croissance.»

Il souligne enfin que le risque n’est pas complètement absent, car l’entreprise peut devoir composer avec des désastres naturels – accentués par les changements climatiques – ou des modifications à la réglementation. Il juge toutefois que ces risques sont mitigés par la diversification des activités d’Intact et sa répartition géographique. Au cours actuel, le rendement du dividende annuel de 3,04 $ est de 2,69 %.

Yann Furic
gestionnaire, Répartition d’actifs et stratégies alternatives à la Financière des professionnels

METRO
(Tor., MRU, 50,25 $)
Capitalisation boursière : 11,44 G$

À l’image de son confrère de chez Hexavest, Yann Furic, de la Financière des professionnels, estime que l’entreprise Metro cadre parfaitement avec le type de titres qu’un investisseur prudent à la recherche d’un rendement décent à long terme pourrait rechercher. «C’est un titre défensif du secteur de la consommation de base. La qualité de l’équipe de gestion n’est plus à démontrer, de même que la constance de leurs résultats : que ce soit sur le plan des marges ou du rendement de capital.»

Il note également la variété de son offre de produits. «L’entreprise a un spectre assez large : elle peut convenir aux consommateurs à la recherche de plus bas prix (Super C), comme à ceux qui sont intéressés par les produits plus spécialisés (Adonis, Première Moisson, etc.).» Le gestionnaire de portefeuille souligne de plus la faiblesse de l’indice de volatilité du titre de l’épicier québécois. «Avec un coefficient bêta de 0,7, il est en deçà de l’indice du marché canadien et affichera ainsi moins de volatilité en cas de soubresauts boursiers.»

Il fait aussi remarquer que Metro a tendance à augmenter le dividende qu’il verse à ses actionnaires chaque année et qu’avec la réduction de leur dette depuis l’achat de Jean Coutu (PJC), il devrait bientôt recommencer à racheter de leurs propres actions. À noter que Metro verse un dividende trimestriel depuis plus de 24 ans. Les dividendes versés en 2017 représentaient 24,5 % du bénéfice net ajusté de 2016. Le rendement du dividende de Metro est d’environ 1,62 %.

Il estime par ailleurs que l’achat de PJC commence déjà à porter ses fruits. «Elle a utilisé sensiblement la même stratégie que Loblaw avec Shoppers Drug Mart/Pharmaprix. Metro avait jugé qu’il pouvait réaliser des économies d’environ 75 M$ sur trois ans grâce à la synergie. Elle en a déjà réalisé 30,9 M$, ce qui laisse présager qu’elle pourrait même dépasser son objectif avant le temps.»

AUTOMATIVE PROPERTIES REAL ESTATE INVESTMENT TRUST (REIT)
(Tor., APR.UN, 10,58 $)
Capitalisation boursière : 336 M$

«C’est un modèle d’affaires un peu unique au Canada», précise M. Furic. «C’est une fiducie immobilière, enregistrée depuis juillet 2015, qui se concentre sur l’immobilier de concessionnaires automobiles.» Et des concessionnaires auto, il y en a beaucoup au pays, renchérit-il. «Il y a presque autant de concessionnaires automobiles qu’il y a d’épiceries. À peu près 3 500 concessionnaires contre environ 4 600 épiceries !»

L’initiative de ce modèle d’affaires original vient du plus important propriétaire de concessions automobiles du Canada, le groupe Dilawri. Ce dernier possède de nombreuses concessions réparties dans tout le Canada qui représentent plusieurs marques de véhicules. «L’idée, à la base, c’était de monétiser l’investissement fait dans les bâtiments et de libérer du capital pour l’achat d’autres concessionnaires ou simplement de grossir les opérations.»

L’initiative de Dilawri, explique-t-il, s’est ensuite élargie à d’autres groupes dont, par exemple, Canada Woodland, à Montréal. Il précise que ces concessionnaires sont exclusivement répartis à Vancouver, Edmonton, Calgary, Toronto, Ottawa et Montréal. «Si un concessionnaire fait faillite, par exemple, le bâtiment risque ainsi de pouvoir rapidement trouver une deuxième vocation.»

Il note que les baux moyens, sur l’ensemble des 55 propriétés qu’ils détiennent, sont d’environ 14 ans et que les loyers augmentent annuellement d’environ 1,5 %. Cela assure, selon lui, une sécurité et une stabilité certaine au titre. «Sans entrer dans les détails techniques, ce qui est bien dans leurs arrangements, appelé triple net lease, c’est qu’ultimement, la responsabilité de s’assurer que le bâtiment est en ordre et qu’il est conforme aux spécificités des marques de voitures qu’il représente revient au concessionnaire.»

Il en existe plus d’une trentaine, de GM à Toyota en passant par Acura et Porsche. Cette variété de marques ajoute à la diversification du titre, mentionne-t-il. Il souligne enfin que le titre verse un dividende annuel attrayant de 0,80 $. Au cours actuel, cela équivaut à un rendement d’environ 7,5 %.