Investisseurs, la discipline est votre meilleure alliée en 2020
Dominique Beauchamp|Publié le 05 Décembre 2019Ce n’est pas le moment de faire de grands paris.
Au moment où les perspectives mondiales sont mouvantes, le gestionnaire de fonds Franklin Templeton prône la discipline et la diversification pour 2020.
C’est ce qui ressort des présentations de William Yun, vice-président exécutif, solutions multiactifs et de Michael Greenberg, gestionnaire de portefeuille, qui sont venus présenter les perspectives de Franklin Templeton aux conseillers lors d’une conférence annuelle.
En d’autres mots, ce n’est pas le moment de faire de grands paris géographique, sectoriel ou de classe d’actifs. L’investisseur devrait respecter sa répartition d’actifs personnelle et y greffer une gestion dynamique à plus court terme.
Il n’est pas question ici de se déplacer activement d’un type de placement à l’autre, mais plutôt de se tenir prêt à recalibrer la répartition si de grands mouvements déséquilibraient le portefeuille.
Avant toute chose, l’investisseur devrait réduire ses attentes parce que la performance exceptionnelle d’une foule de placements depuis la crise financière pourra difficilement se répéter dans les prochaines décennies.
«Il est possible qu’un portefeuille générique de 60% en actions et de 40% en obligations ne procure pas les rendements nécessaires pour que l’investisseur atteigne ses objectifs financiers», a indiqué M. Yun aux convives rassemblés.
Un tel portefeuille aurait pu donner un rendement de 9 à 12% au cours des dernières années, mais il faut s’attendre à la moitié moins au cours des 7 à 10 prochaines années, a renchéri M. Greenberg, en marge de la présentation.
«L’investisseur a bien peu de contrôle là-dessus. Il peut soit accepter de prendre plus de risque pour atteindre ses objectifs financiers ou épargner davantage», a ajouté le financier de Toronto.
Si la conjoncture s’avérait trop stressante, l’investisseur peut garder plus d’encaisse que de coutume si ce coussin l’aide à conserver sa répartition d’actif et sa discipline de placement à long terme.
Encore un rôle pour les obligations
Contrairement à certains grands courtiers, M. Greenberg ne remet pas en question l’approche du portefeuille 60/40 malgré les rendements anémiques des obligations.
«Les rendements des obligations ne seront pas aussi généreux qu’auparavant si l’on se fie au point de départ (1,5% au Canada pour les obligations de dix ans). Par contre, les obligations peuvent encore jouer leur rôle de stabilisateur en portefeuille, particulièrement en Amérique du Nord», croit-il.
Dans un ralentissement plus marqué ou dans une récession, les banques centrales américaine et canadienne ont encore la marge de manœuvre pour réduire leur taux directeur.
Dans ces circonstances, l’appréciation des obligations compenserait pour le recul des actions. La relation contraire entre ces deux classes d’actif reste donc intacte, a ajouté M. Greenberg.
Les actions américaines favorites
La capacité dont dispose encore la Fed pour abaisser son taux directeur est aussi l’une des raisons qui favorisent les actions américaines dans un horizon de six à douze mois.
L’autre argument en leur faveur concerne la situation financière supérieure des consommateurs américains qui ont assaini leur bilan depuis la crise.
«Cette capacité dépensière est un véritable moteur pour l’économie qui déjà moins sujette à la guerre commerciale que celle d’autres pays», a fait valoir M. Greenberg.
En plus, la hausse annuelle de 3,5% du salaire horaire au sud de la frontière améliore le sort de la classe ouvrière, toutes proportions gardées. Leurs dépenses ont plus d’impact sur l’activité économique que celles des plus riches.
La croissance américaine a donc de bonnes chances de rester près de son potentiel de 2%.
Le hic: l’évaluation plus élevée des actions américaines reflète déjà ces bonnes nouvelles.
«Si la performance supérieure de la Bourse américaine prenait beaucoup plus d’ampleur, on envisagerait alors de réduire leur place relative en portefeuille dans notre stratégie tactique», a précisé M. Greenberg.
Le Canada, moins attrayant à court terme
Au Canada, l’endettement élevé des ménages risque de miner la consommation, même si le marché résidentiel se porte bien.
«La consommation pourra donc moins soutenir l’économie si un ralentissement sérieux ou une récession endommageait l’emploi», dit-il.
En même temps, les stocks élevés des fabricants canadiens sont aussi moins favorables à la production future.
Le niveau modeste des investissements par les entreprises tant locales qu’étrangères constitue un frein économique. Le pays offre aussi moins d’avantages compétitifs que d’autres.
«Le secteur-clé de l’énergie fait notamment face à des vents contraires. À court terme, le manque de pipeline empêche les producteurs d’acheminer leur pétrole aux marchés. À plus long terme, le rôle de cette industrie dans les changements climatiques deviendra un enjeu. Éventuellement, ces problèmes susciteront des occasions, mais à pas pour le moment», a expliqué M. Greenberg.
Les marchés émergents, pas tout de suite
À l’international, Franklin Templeton est neutre parce que l’évaluation raisonnable des actions des marchés développés se bute à des perspectives économiques mitigées.
Les banques commerciales n’y sont pas particulièrement en bonne santé financière tandis que les banques centrales disposent de moins de marge de manœuvre monétaire qu’en Amérique pour stimuler l’économie.
La firme de gestion surveille tout de même les gouvernements européens qui pourraient ouvrir les cordons de leur bourse budgétaire pour raviver leurs économies. La Grande-Bretagne a déjà promis d’ouvrir les vannes tandis que le contexte politique en Allemagne pourrait forcer la main au gouvernement.
«Si tel était le cas, nous hausserions notre répartition en Europe», a dit M. Greenberg.
Les marchés émergents ont aussi une pondération neutre en portefeuille dans la répartition tactique à court terme.
Par contre, les facteurs fondamentaux à plus long terme y sont plus favorables qu’aux États-Unis et que dans les autres marchés développés.
«On n’a qu’à penser au potentiel supérieur de croissance économique et à la démographie. Toutefois, en plein conflit commercial, nous ne sommes pas prêts à leur donner un plus grand rôle en portefeuille dans une perspective de six à douze mois», a précisé le financier.
Avantage actions, à moins que
La stratégie à plus long terme de Franklin Templeton donne l’avantage aux actions par rapport aux obligations dans un horizon de 7 à 10 ans.
«La trajectoire encore modérée de l’économie, de l’inflation et des taux avantage les actions, et les autres classes d’actif plus risquées, bien que les rendements baisseront de régime», a indiqué M. Yun, lors de sa présentation.
Dans un ralentissement, les banques centrales et les gouvernements n’ont pas épuisé tous les outils pour stimuler l’économie.
M. Yun craint toutefois qu’à terme les largesses monétaires des banques centrales stimulent davantage la production par les entreprises que la demande des consommateurs. Ce déséquilibre pourrait contribuer à affaiblir les prix au lieu de les augmenter.
La fin du grand mouvement de mondialisation est aussi une inquiétude qui viendrait changer la donne pour les investisseurs.
«Si le populisme gagnait en force et que les pays se repliaient sur eux-mêmes, les prix grimperaient initialement. En revanche, ces prix plus élevés auraient tôt fait d’affaiblir la demande, ce qui pourrait faire tomber l’économie dans un cycle néfaste de désinflation», a décrit M. Yun.
Il est encore trop tôt pour établir quelles forces prendront éventuellement le dessus.
«Les banques centrales savent qu’il est plus difficile de combattre la déflation que l’inflation. C’est pourquoi la Fed semble de plus en plus disposée à laisser l’inflation surpasser sa cible de 2% sur une courte période afin d’atteindre son objectif», a-t-il ajouté.