ANALYSE. Maintenant qu'elle a conclu une entente avec ses employés syndiqués, la Banque Laurentienne ...
ANALYSE — Maintenant qu’elle a conclu une entente avec ses employés syndiqués, la Banque Laurentienne (LB, 41,19 $) doit démontrer que son plan de transformation est la bonne stratégie. La faible évaluation de l’action traduit une perte de confiance du marché après une série de mauvaises surprises. Aujourd’hui, rares sont les analystes qui croient encore en une thèse à «contre-courant».
En 2015, la banque régionale montréalaise a lancé un plan de transformation de sept ans. L’objectif est d’augmenter sa taille et son efficacité en misant sur le conseil et en améliorant ses plateformes technologiques. Malgré les fermetures de succursales, les abolitions de postes et les acquisitions, les bénéfices de ce plan se font toujours attendre. Les résultats des trois derniers trimestres ont été inférieurs aux prévisions des analystes, et ce, d’une bonne marge. Depuis novembre 2017, l’action a perdu près du tiers de sa valeur.
La détérioration de la capacité bénéficiaire de la Laurentienne est «sans précédent» dans le secteur, «d’autant plus qu’elle survient à un moment où le contexte économique était favorable», souligne Sumit Malhotra, de la Banque Scotia. Les coûts de l’entreprise augmentent plus que prévu tandis que les revenus d’intérêts ont connu un déclin inattendu, observe l’analyste. «L’action ne pourra pas mieux performer tant qu’il n’y aura pas une apparence de stabilité en ce qui a trait à la capacité bénéficiaire. On n’est pas encore là.»
Le vote des 1 200 employés de la Laurentienne en faveur de l’«offre finale» de l’employeur permettrait à la direction d’accélérer son plan de transformation. Les relations de travail tendues entre les deux parties inquiétaient les analystes. Lors de la précédente assemblée annuelle de la banque, en avril 2018, le PDG, François Desjardins, avait affirmé que le litige retardait une partie de son plan de transformation. Du côté syndical, on accusait la direction de lui faire porter injustement le blâme de la contre-performance boursière de l’entreprise.
Peu importe la version qu’on retient, la Banque Laurentienne a encore beaucoup à faire pour convaincre les investisseurs qu’un nouveau chapitre s’ouvre enfin. M. Malhotra, pour sa part, pense que la plupart des revers de la Laurentienne étaient «auto-infligés», comme les problèmes de documentations liées aux hypothèques ou la baisse des revenus d’intérêts après les nombreuses fermetures de succursales.
S’il trouve le plan de transformation «intéressant», Darko Mihelic, de RBC Marchés des Capitaux, doute, lui aussi, qu’il soit couronné de succès. Il s’inquiète de la faible progression des dépôts, une source de financement abordable pour les institutions financières. Il note que ceux-ci ont progressé à un rythme annuel de seulement 2 % depuis l’annonce du plan de transformation. L’augmentation moyenne est de 5 % dans les autres grandes banques canadiennes.
Gabriel Dechaine, de Financière Banque Nationale, a jeté l’éponge après la publication, le 27 février dernier, des résultats du premier trimestre, abaissant sa recommandation de «performance de secteur» à «sous-performance». Il pense que la banque ne parviendra pas à afficher un ratio d’efficacité sous les 63 % d’ici 2021, ce qui veut dire que chaque tranche de 1 $ de revenu coûterait 0,63 $ à générer. À 74 % au premier trimestre (terminé à la fin janvier), le plus élevé depuis 2013, on s’écarte de plus en plus de la cible à un moment où les revenus diminuent et les coûts augmentent.
M. Dechaine s’inquiète aussi de l’affaissement du portefeuille de prêts. Celui-ci a diminué de 4 % en 2018, en excluant les actifs vendus. L’analyste est préoccupé par le fait que Northpoint, acquise il y a deux ans, accapare une part de plus en plus importante des nouveaux prêts. «En raison de l’historique récent de problèmes d’exploitation, nous sommes vraiment prudents quant à cette stratégie de croissance.»
Pour sa part, Robert Sedran, de Marché mondiaux CIBC, remet en doute la pertinence d’augmenter le poids des prêts commerciaux dans le portefeuille de prêts. Les prêts commerciaux génèrent de meilleures marges, mais ils ont un impact négatif sur la rentabilité, car ils nécessitent de plus importantes provisions pour pertes. «Cette transition ne semble pas optimale à un moment où la rentabilité est sous pression, écrit l’analyste qui émet une recommandation « sous-performance ». À un moment où toutes les banques tentent de renforcer leurs relations avec leurs clients, une diminution du portefeuille de prêts hypothécaires soulève des questions, car il s’agit d’un produit important pour renforcer ce lien.»
Trop pessimiste ?
Des 10 analystes qui suivent le titre, John Aiken, de Barclays, est le seul qui croit que la faiblesse du titre offre une occasion. L’action s’échange à 0,73 le ratio cours/valeur comptable des 12 prochains mois, comparativement à 1,41 fois pour le secteur, selon Reuters. «Avec un critère valeur, nous croyons que la Banque Laurentienne offre un potentiel intéressant aux investisseurs qui sont prêts à affronter la volatilité dans l’immédiat.»
La majorité des analystes ont émis des hypothèses sous les prévisions de la direction. Ce climat de scepticisme offre à la Laurentienne une grande capacité de surprendre. Reste à voir si elle sera capable de confondre les sceptiques.