EXPERT INVITÉ. L'américaine Exxon Mobil (NY : XOM) et la britannique British Petroleum (NY : BP) sont à mon ...
EXPERT INVITÉ – L’américaine Exxon Mobil (NY : XOM) et la britannique British Petroleum (NY : BP) sont à mon avis les fleurons les plus solides de l’industrie pétrolière. Elles récompensent leurs actionnaires par un dividende dont le rendement est très respectable en cette ère de bas taux d’intérêt. Les actions de ces deux sociétés peuvent parfois donner des sensations fortes dans un climat boursier volatile, mais elles reprennent rapidement ce qu’elles ont perdu quand les marchés se calment.
Le pétrole est une denrée particulière : utilisé dans quelque 15 000 biens et services, il est à la merci des conditions économiques, politiques, géographiques et environnementales, et ce, à l’échelle mondiale.
Qui peut prédire le prix du pétrole dans un ou deux ans ? Il fluctue au gré des sanctions politiques imposées aux grands producteurs (Iran, Venezuela, Arabie Saoudite…), des conditions économiques mondiales qui affectent l’offre et la demande ainsi que des déversements accidentels qui favorisent les produits de substitution.
Les conditions purement politiques influent aussi sur les cours du pétrole. Le rapprochement entre la Russie (plus important producteur de pétrole au monde) et l’Arabie Saoudite (plus important exportateur de pétrole au monde) renforce l’OPEP, qui peut alors influer davantage sur le prix de la ressource. Rappelons que la part du cartel dans le marché mondial du pétrole n’est plus ce qu’elle était, passant de 75 % dans les années 1970 à 40 % aujourd’hui.
Le prix du pétrole dépend enfin des découvertes de nouveaux gisements, de leur importance et de leur situation géographique.
C’est dans cet environnement que le pétrole canadien, difficilement exportable, doit trouver preneur. Dans les conditions actuelles, il coûte trop cher à acheminer vers l’Ouest, et les obstacles à son transport ne font que se multiplier. L’opposition à la construction de nouveaux oléoducs est vive. Celle contre la multiplication des pétroliers près des côtes de la Colombie-Britannique l’est tout autant.
Cela a comme résultat que le Canada se retrouve avec un problème : un surplus de pétrole à l’ouest et une importation de pétrole, au prix international, à l’est (cette dépendance a beaucoup diminué cependant). C’est ainsi que le pétrole canadien se négocie aux environs de 35 $ US le baril. En comparaison, le pétrole de référence américain (West Texas Intermediate ou WTI) frise les 60 $ US le baril et le pétrole de la mer du Nord, que nous importons pour l’est du pays, est encore plus cher. Précisons tout de même que le Canada demeure un pays exportateur net d’énergie.
Voilà le contexte dans lequel évolue Suncor Energy, une société canadienne productrice de pétrole et de gaz naturel qui semble bien tirer son épingle du jeu malgré tout.
Et Suncor dans tout ça ?
Suncor est une entreprise intégrée verticalement. Elle explore au Canada, dans ses eaux territoriales, dans la mer du Nord ainsi qu’en Lybie et en Syrie. S’il est difficile d’opérer dans ces pays en raison des conflits (les gens de Suncor me disent que les opérations sont arrêtées dans ces deux pays), la situation pourrait bientôt changer.
Le coût de production d’un baril de pétrole dans ces pays est ridiculement bas par rapport à celui de la mer du Nord et celui des sables bitumineux. Le pétrole est aussi plus facilement exportable.
Suncor produit du pétrole, le raffine et le distribue. Elle en fait autant avec le gaz naturel ainsi que les dérivés du pétrole, comme l’huile. La société est également impliquée dans l’énergie éolienne par ses propriétés en Ontario et en Alberta.
Pour une pétrolière, le rendement sur son actif (4,63 %) et le rendement sur l’avoir des actionnaires (7,37 %) sont respectables, son dividende est relativement alléchant (1,60 $ ou 3,2 %). Sa dette de 17 G$ est raisonnable pour une société du secteur pétrolier, son flux financier reste positif (10,5 G$).
Son titre comporte un inconvénient, comme tous ceux de son secteur : il est volatile. Avec un béta qui tourne autour de 1,6 fois, les coeurs sensibles ont intérêt à s’en tenir loin. Cela n’empêche pas le marché d’apprécier l’entreprise, puisqu’il l’évalue à 1,63 fois sa valeur comptable.
EXPERT INVITÉ
Tahar Mansour est économiste, Ph.D. et chargé de cours à l’Université du Québec à Trois-Rivières.