Les hypothèques canadiennes n’inquiètent pas le PDG de la CIBC
Stéphane Rolland|Publié le 04 avril 2019«Quand l’économie recule, ce ne sont généralement pas les hypothèques qui représentent un problème», dit Victor Dodig.
Le portefeuille hypothécaire de la CIBC (CM) ne représente pas un risque pour la banque, assure son PDG Victor Dodig, en marge de l’assemblée des actionnaires qui avait lieu à Montréal jeudi. Le banquier a affiché un optimisme prudent quant à l’économie canadienne, malgré l’affaiblissement de la croissance.
«Nous avons fait des tests de tension (stress test) sur notre portefeuille hypothécaire et nous sommes très à l’aise avec la qualité du portefeuille, répond-il en marge de l’assemblée. Quand l’économie recule, ce ne sont généralement pas les hypothèques qui représentent un problème. Ce sont plutôt les créances non garanties et la capacité de la banque de générer autant d’activités et nous sommes prêts à composer avec ces risques.»
Les activités canadiennes, et plus particulièrement les prêts hypothécaires résidentiels, pèsent plus lourd à la CIBC que chez ses concurrents. Cette exposition plus importante soulève des inquiétudes dans le marché. Le titre s’échange actuellement à 8,5 fois les bénéfices des douze prochains mois, comparativement à une moyenne de 10,6 pour les comparables. Cette aubaine s’accompagne d’un rendement du dividende à 5,17%.
L’analyste Eric Compton, de Morningstar, fait partie de ceux qui croient que la prudence des investisseurs est justifiée. «Même si nous ne pensons pas que le marché immobilier canadien se trouve dans la même situation que se trouvait le marché immobilier américain en 2007, nous pensons qu’une récession au Canada pourrait affecter la CIBC plus que toutes les autres banques canadiennes, tant du côté du crédit que de celui de la croissance en générale.»
M. Dodig, pour sa part, pense que le marché ne devrait pas considérer que l’avenir de la CIBC est uniquement lié à la récession, qui est inévitable au fil du temps. Le dirigeant assure que l’institution financière s’est «bien préparée» afin de composer à cette éventualité. Ceci étant dit, le banquier n’entrevoit pas de récession dans l’immédiat, mais anticipe plutôt une croissance plus modérée.
Il a aussi affirmé que le marché hypothécaire semblait moins vigoureux que l’an dernier alors qu’on approche de la haute-saison dans les marchés immobilier et hypothécaire. «Les prix se sont ajustés dans les marchés comme Toronto et Vancouver, et, dans une moindre mesure, à Montréal. On anticipe toujours une croissance du portefeuille de prêts d’entre zéro et le bas de la fourchette à un décimal.»
Il a aussi répondu que l’inversion de la courbe des taux d’intérêt n’avait pas été assez prononcée pour avoir un impact négatif sur les marges d’intérêt de la banque.
La CIBC tenait son assemblée le même jour que la Banque RBC (RY) et la TD (TD) à Halifax et Toronto, respectivement. Les deux dirigeants se sont, eux aussi, prononcés sur les perspectives de l’économie canadienne, selon les commentaires rapportés par les médias présents sur place. Dave McKay, de RBC, s’est dit inquiet de la compétitivité de l’économie canadienne et des difficultés du secteur pétrolier. «Il nous faut une autre approche», a-t-il plaidé. Pour sa part, Bharat Masrani, de la TD, a prévenu qu’il restait encore plusieurs défis économiques au Canada, notamment les barrières tarifaires entre les provinces et les contraintes à l’exportation du pétrole.
Stratégie américaine
L’une des avenues pour réduire l’exposition de la CIBC à l’économie canadienne est la diversification au sud de la frontière. Dans son discours, le PDG s’est dit «très satisfait» de la performance des activités américaines, qui représentent près de 15% du bénéfice de l’institution financière.
La CIBC a fait un virage stratégique important avec l’acquisition de PrivateBancorp en juin 2017 pour 4,9 G $US, après avoir dû surenchérir sur une offre initiale de 3,8 G$US. L’objectif d’amener la part des revenus aux États-Unis à 25% exprimés par la direction à l’époque avait fait craindre aux analystes que d’autres acquisitions coûteuses aient lieu trop rapidement.
M. Dodig est beaucoup plus discret maintenant quand il parle de ses objectifs au sud de la frontière. En point de presse, l’homme d’affaires n’a pas voulu se contraindre à un échéancier ou à une limite de prix pour la prochaine acquisition, mais a dit que celle-ci pourrait survenir d’ici deux à trois ans. «Nous regardons trois aspects : la culture de l’entreprise, la possibilité de faire la croître après l’acquisition et le temps nécessaires avant que l’acquisition ajoute au bénéfice rapidement»
Malgré la bonne tenue des activités au sud des États-Unis, Gabriel Dechaine, de Financière Banque Nationale, pense que la CIBC a bien fait de minimiser de la prochaine acquisition.