Dans le placement comme dans la vie en général, la voie de la réussite commence par minimiser les erreurs. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Dans le placement comme dans la vie en général, la voie de la réussite commence par minimiser les erreurs. Dans son livre Winning the loser’s game – un classique réédité à six reprises – l’auteur Charles Ellis compare la gestion de portefeuille à une partie de tennis: hormis les joueurs professionnels, la plupart des matchs seront remportés selon lui par le joueur qui commet le moins d’erreurs plutôt que celui que réalise le plus de coups offensifs gagnants. Mon collègue James Parkyn a publié un livret électronique sur le sujet: Les sept péchés capitaux du placement. Avec son titre accrocheur, ce livret met en lumière les sept erreurs les plus fréquentes qui font capoter les portefeuilles de bien des investisseurs.
Péché #1: tenter de battre le marché
Dans son étude publiée en 1968, Michael Jensen affirme que les performances des fonds communs de placement ne se démarquent généralement pas des grands indices de marché. C’est cette observation qui a motivé quelques années plus tard le gestionnaire John Bogle (le fondateur du Groupe Vanguard) à lancer le premier fonds commun indiciel. Aujourd’hui encore, la firme Standard and Poor’s publie semestriellement son fameux rapport SPIVA, qui documente l’incapacité de la grande majorité des fonds communs gérés activement à surpasser les indices de référence. En optant pour des fonds communs ou des FNB indiciels avec des frais très bas, vous choisissez d’obtenir des rendements supérieurs à la grande majorité des fonds disponibles sur le marché.
Péché #2: perdre le contrôle de ses émotions
L’appât du gain, l’envie de faire comme les autres ou encore une peur déraisonnable de perdre de l’argent sont des émotions qui peuvent influencer vos décisions de placement. Vous pouvez toutefois choisir une autre direction. Les professionnels du placement les plus compétents fondent leur gestion de portefeuille sur un processus qu’ils appliquent rigoureusement. Ils ne passent pas leur temps et leur énergie à se remettre perpétuellement en question au gré du vent. Un bon exemple d’un tel processus est la répartition stratégique de l’actif, qui établit les pondérations cibles du portefeuille en obligations, actions canadiennes, actions américaines, actions internationales, etc.
Péché #3: ignorer la diversification
Meir Statman, un éminent professeur de finance à l’Université de Santa Clara, a publié il y a quelques années un article intitulé The Diversification Puzzle. Il a constaté que l’investisseur américain moyen ne détenait pas plus de trois ou quatre actions en portefeuille, ce qui peut sembler irrationnel compte tenu du risque disproportionné par rapport au rendement espéré d’un tel portefeuille. Il explique toutefois que les investisseurs ne sont pas fous, ils sont juste gourmands. Les investisseurs qui optent pour un portefeuille concentré recherchent le coup de circuit. Pour bâtir et développer votre capital, choisir un portefeuille diversifié revient au contraire à se concentrer pour frapper régulièrement des coups sûrs plutôt que vous élancer pour la clôture. Parce que dans la vie comme au baseball, si vous êtes retiré au bâton trop souvent, vous n’atteindrez pas vos objectifs.
Péché #4: tenter de prédire le marché
Lors de mes études à l’Université Laval, j’avais un ami qui étudiait en astrophysique. Il faisait souvent des présentations informelles pour aider d’autres étudiants avec leurs problèmes de mathématiques. Mon ami impressionnait tout le monde, car il pouvait prédire les mouvements des planètes. Mais la finance n’est pas l’astrophysique, c’est une science sociale. Les marchés financiers sont imprévisibles, car ils dépendent des comportements humains et non des lois de la physique. L’investisseur qui a du succès accepte cette réalité.
Péché #5: se laisser emporter par les manchettes des médias
Lire les nouvelles financières est utile: cela nous permet d’être au courant de la performance récente des marchés et de mieux comprendre le monde qui nous entoure. Cependant, les manchettes n’informent pas votre gestion de portefeuille. Les experts cités dans les médias ne peuvent pas prédire l’avenir. Ils ne sont pas capables d’identifier avec régularité quels sont les titres qui surpasseront le marché ou de prédire la direction que prendra celui-ci. Malheureusement, beaucoup de gens continueront de les écouter. Pas vous, j’espère.
Péché #6: pourchasser les performances passées
Une méthode simple préconisée par de nombreux conseillers financiers est d’investir avec des fonds qui ont bien performé dans les cinq ou dix dernières années. Il existe de nombreuses études à propos de la persistance des rendements. Les résultats sont catégoriques: de bonnes performances passées ne présagent aucunement de bons rendements dans l’avenir. Cela est valable non seulement pour les fonds communs, mais aussi les fonds institutionnels d’actions, les dotations universitaires, les régimes de retraite et des fonds de placement privé à effet de levier. Un rapport de recherche (Cornell, Hsu et Nanigian 2016) suggère même que les fonds communs ayant un rendement passé médiocre ont de bonnes chances de surpasser à l’avenir ceux ayant obtenu d’excellents rendements.
Péché #7: ignorer les facteurs sous votre contrôle
Lorsque vous tentez de prédire les marchés, que vous portez une attention déraisonnable aux manchettes ou que vous partez à la recherche des fonds ayant les meilleurs rendements récents, vous vous laissez distraire et vous omettez probablement de poser des gestes efficaces pour vous enrichir. Vous ne pouvez pas contrôler le marché. Toutefois, maintenir votre répartition stratégique de l’actif, éviter les frais inutiles et gérer votre portefeuille de manière à ne pas payer trop d’impôt sont des facteurs qui font la différence et que vous pouvez contrôler.
Conclusion
L’auteur Nicolas Bérubé a rencontré de nombreux millionnaires. Dans son livre publié en 2019, il fait le récit de ces rencontres, dont plusieurs sont étonnantes. Dans un de mes passages préférés, il affirme ceci: «Aucun des millionnaires interrogés n’est devenu riche grâce un investissement chanceux». Bâtir un patrimoine est comme cultiver un jardin, c’est un processus lent. Si vous êtes curieux d’en apprendre davantage sur les sept péchés capitaux du placement, je vous recommande ce livret cité en début d’article.
i Charles Ellis, Winning the Loser’s Game: Timeless Strategies for Successful Investing, 6e edition, McGraw Hill, 2013.
ii Michael Jensen, Problems in Selection of Security Portfolios – The Performance of Mutual Funds in the Period 1945-64, Journal of Finance, 1968.
ii Meir Statman, The Diversification Puzzle, Financial Analyst Journal, 2004.
iv Cornell, Hsu et Nadigian, The Harm in Selecting Funds That Have Recently Outperformed, Social Science Research Network, 2016.
v Nicolas Bérubé, Les millionnaires ne sont pas ceux que vous pensez, Les éditions de La Presse, 2019