New Look quitte la Bourse et part à la conquête de l’Amérique
Dominique Beauchamp|Publié le 31 mai 2021La technologie 3D de Topology adoptée par New Look prend 20 000 mesures. (Photo: courtoisie)
Un long processus amorcé en septembre 2019 vient d’aboutir pour le Groupe Vision New Look, qui vient de fermer son capital dans une transaction de 970 millions de dollars, incluant la dette.
Les actionnaires de New Look ont accepté l’offre comptant de 50$ par action le 14 mai lors d’une assemblée spéciale. Ce prix représente une plus-value de 38,9% par rapport au cours du 29 décembre 2020. La Cour supérieure du Québec a aussi approuvé le plan d’arrangement le 18 mai. Les actions sont radiées depuis le 28 mai.
Appuyé par trois nouveaux partenaires soigneusement choisis, le chef de file canadien des soins visuels peut ainsi passer à la nouvelle phase du plan de match échafaudé il y a deux ans et élargir son terrain de chasse aux États-Unis.
Lors de l’élaboration en 2019 de la stratégie de trois à cinq ans, il est devenu de plus en plus clair que le consolidateur aurait besoin de capitaux «substantiels» pour accélérer sa croissance et mener à bien ses visées américaines.
La recherche de financement s’est graduellement transformée en une mise aux enchères plus formelle pendant laquelle les conseillers du détaillant ont approché 26 prétendants potentiels dont 22 ont signé des ententes de confidentialité. Au fil des mois, sept prétendants plus sérieux ont procédé à une vérification diligente.
C’est le consortium dirigé par le fonds privé FFL Partners de San Franscisco qui a finalement remporté la mise, avec ses partenaires, la famille Barnes et la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ).
«Cette offre commune s’avérait la meilleure parce qu’elle rencontrait plusieurs de nos critères dont la valorisation et un ancrage d’actionnariat canadien. Nous recherchions aussi des partenaires qui partageaient notre vision stratégique à long terme et pouvaient contribuer leur savoir-faire», explique en entrevue Antoine Amiel, PDG de New Look.
Le PDG Antoine Amiel a plus que quintuplé la valeur de New Look depuis son arrivée en 2012. (Photo: courtoisie)
Le fonds FFL Partners a notamment investi dans la chaîne américaine de produits optiques Eyemart Express mieux connue pour son service d’une heure. Le Dr. H. Doug Barnes a fondé Eyemart en 1990 qui compte 230 établissements dans 38 états. Son fils Doug Barnes Jr. a joint l’entreprise familiale après une carrière en programmation. La famille est restée associée à FFL.
Actionnaire de New Look depuis 2019, la CDPQ complète le trio d’acquéreurs.
Les trois partenaires se sont engagés à fournir des capitaux supplémentaires pour réaliser la stratégie d’expansion et ainsi donner plus de valeur à leur investissement.
La priorité de l’entreprise reste la consolidation du marché canadien de l’optique où New Look compte déjà 398 boutiques sous les enseignes Lunetterie New Look, Vogue Optical, Greiche & Scaff et Iris. Le recrutement de professionnels de la vue et l’achat de lunetteries indépendantes se poursuivront. Six magasins acquis se sont d’ailleurs ajoutés au premier trimestre.
Le groupe décentralisé, qui confie la gestion des chaînes à leur propre équipe de dirigeants, a fait une première incursion aux États-Unis en mars 2020 avec l’achat de la chaîne de 12 lunetteries de grand luxe Edward Beiner, à Miami.
D’autres transactions suivront puisque FFL indique avoir repéré «d’importantes occasions» pour New Look, dans le communiqué annonçant la clôture de la transaction.
Pourquoi quitter la Bourse ?
Fermer le capital de New Look n’était pas l’objectif premier du processus, assure Antoine Amiel mais cette solution s’est imposée en raison des capitaux additionnels que requerront les plans d’expansion.
La Bourse comporte en effet quelques inconvénients stratégiques et concurrentiels, explique Antoine Amiel. Les investisseurs institutionnels n’aiment pas lorsque la dette des entreprises dépasse trois fois le bénéfice d’exploitation, mais l’effet de levier peut être un bon accélérateur de croissance, confie-t-il.
«Aussi, même parmi nos actionnaires les plus loyaux, la perception persiste que l’incursion d’un détaillant canadien aux États-Unis est une opération risquée à cause de la fixation sur les échecs du passé», évoque aussi le dirigeant.
En tant que société ouverte, les concurrents privés de New Look avaient aussi accès à ses états financiers, à la teneur de ses investissements et à sa stratégie. «À la longue, ça devenait un désavantage concurrentiel», dit-il.
Toutefois, la principale motivation de la privatisation est d’amener le détaillant à un autre niveau pour qu’il puisse gagner les économies d’échelle qui lui donneront les moyens de continuer d’investir stratégiquement dans les nouvelles technologies de son créneau afin de différencier ses services personnalisés face aux chaînes axées sur les bas prix.
L’investissement de New Look dans Topology Eyewear en août 2019 lui a notamment procuré des applications de services aux points de vente et de prise de rendez-vous virtuels ainsi que la technologie brevetée qui numérise le visage en 3D afin de concevoir des lunettes sur mesure à l’aide de 20 000 mesures. Au cours de l’été, une application complètement en ligne sera lancée.
Tous les dirigeants restent en place. Antoine Amiel est toutefois le seul à devenir actionnaire de la nouvelle société privée après avoir reconduit ses 200 000 actions. L’actionnaire principal de New Look, l’ex-banquier John Bennett a aussi reconduit une fraction de ses actions et récolte 250 M$ de la vente de son bloc de 35%.
Pour l’actionnaire Mawer Investment Management, qui avait 8,6% l’offre s’est avérée assez proche de la valeur juste pour l’accepter. «En bout de ligne, John Bennett était sans doute prêt à vendre et New Look s’est trouvé un nouveau partenaire pour croître. Les fonds privés tolèrent davantage l’endettement», a expliqué le gestionnaire Jeff Mo.
L’international dans cinq ans
Après avoir quintuplé la valeur de l’action et sextuplé le nombre de boutiques partout au Canada, le passionné de l’optique imagine déjà le prochain jalon stratégique qui verrait le groupe percer le marché international, dans cinq ans.
«Nous arriverons alors à un nouveau cycle d’actionnariat puisque FFL Partners voudra alors réaliser son investissement. Nous comptons beaucoup sur le capital patient de la Caisse de dépôt pour cette future étape à laquelle se joindront d’autres partenaires», révèle le dirigeant.
Un éventuel retour en Bourse n’est pas exclu. «Ça fera alors partie des options», ajoute-t-il.
Après un long processus de 20 mois ralenti par la pandémie, Antoine Amiel se dit «enthousiaste» à l’idée de travailler avec les nouveaux partenaires pour accélérer la croissance du marchand.
Pour sa «contribution exceptionnelle» pendant la pandémie et les tractations qui ont mené à la transaction, le dirigeant a d’ailleurs reçu un «paiement unique» de 3,5 millions de dollars, peut-on lire dans la circulaire de sollicitation.