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Perspectives 2022: des rendements boursiers nettement plus bas

Jean Gagnon|Édition de janvier 2022

Perspectives 2022: des rendements boursiers nettement plus bas

Des courtiers à la Bourse de New York, début janvier. Tous s’accordent à dire que l’abondance des liquidités fournies par les banques centrales a fait en sorte que la demande pour les titres boursiers a excédé l’offre de façon importante. (Photo Getty Images)

La BOUSSOLE BOURSIÈRE est une rubrique qui traite d’un événement marquant et de son effet sur le marché boursier en s’appuyant sur l’analyse d’experts. Cette analyse pourra être autant fondamentale que technique.


(Illustration: Camille Charbonneau)

 

La Bourse américaine, mesurée par l’indice S&P 500, a presque doublé depuis trois ans. Même les craintes d’un écroulement de l’économie causé par la COVID-19 n’ont pu freiner la hausse des cours. De fait, ces craintes se sont plutôt révélées un élément catalyseur pour les Bourses, car elles ont forcé la main des gouvernements et des banques centrales qui n’ont eu d’autres choix que d’adopter des mesures budgétaires et monétaires extrêmement stimulatrices afin d’éviter le pire.

Une telle performance boursière sur une période de trois ans ne s’était pas réalisée depuis plus de 20 ans, soit lors de la période euphorique créée par l’avènement d’Internet à la fin des années 90.

Tous s’accordent à dire que l’abondance des liquidités fournies par les banques centrales a fait en sorte que la demande pour les titres boursiers a excédé l’offre de façon importante.

Les Bourses américaines et canadiennes viennent certainement de connaître trois années extraordinaires, reconnaît Mathieu D’Anjou, économiste en chef adjoint chez Desjardins. Il admet d’emblée que les mesures de soutien des gouvernements et les taux d’intérêt directeurs des banques centrales à zéro y ont été pour beaucoup. 

Mais il semble maintenant que la Fed s’apprête à modifier sa politique, l’inflation ayant bondi au-dessus de 5 % au cours des derniers mois, et que le phénomène ne semble pas vouloir être temporaire, comme le président de la Fed, Jerome Powell, l’avait d’abord espéré.

 

Des hausses moins spectaculaires

Conséquemment, bien qu’il prévoie à nouveau une hausse des indices boursiers nord-américains en 2022, l’économiste de Desjardins estime toutefois qu’elle sera moindre que celles observées au cours des trois dernières années. Il table sur une appréciation de 7 % de l’indice S&P/TSX à la Bourse de Toronto et de seulement 5,3 % pour le S&P 500, l’indice-phare de la Bourse de New York.

Plusieurs facteurs devraient permettre aux Bourses de clore l’année qui s’amorce en territoire positif, explique Mathieu D’Anjou. D’abord, bien que les marchés risquent de connaître des épisodes volatils à certains moments en 2022, l’absence d’options de rechange valables pour les investisseurs devrait maintenir une certaine demande pour les titres boursiers.

De plus, les injections de liquidités par la Fed au cours des dernières années ont été si gigantesques qu’elles ne pourront pas se résorber du jour au lendemain ; elles continueront de soutenir les marchés boursiers, bien que dans une moindre mesure. « La Fed préfère généralement qu’il y ait trop de liquidités dans le système financier que pas assez », rappelle l’économiste de Desjardins.

Enfin, les entreprises devraient continuer de faire de bons bénéfices, selon lui. Toutefois, elles devront faire face à des pressions sur les coûts de production qui ne manqueront pas d’apparaître à la suite des perturbations sur les chaînes d’approvisionnement. Pourront-elles transférer ces hausses de coûts à leurs clients ? « Il s’agira là d’une question importante à surveiller en 2022 », dit-il.

 

Beaucoup de tension chez les investisseurs

Aux États-Unis, avec un taux d’inflation qui se situe maintenant entre 5 % et 6 %, la Réserve fédérale (Fed) se verra probablement forcée de réduire ses mesures d’assouplissement monétaire et de hausser les taux d’intérêt plus rapidement que ce que les investisseurs avaient prévu, explique Lauren Goodwin, économiste et stratège à New York Life Investments, en entrevue au site d’informations financières MarketWatch. 

« Ce changement majeur de politique risque de causer beaucoup de tension chez les investisseurs. La Fed se positionne de façon à contrer les pressions inflationnistes par des hausses de taux d’intérêt plus nombreuses que prévu en 2022, ce qui limitera les gains boursiers », affirme-t-elle.

 

Des analystes prudents 

Les prévisions des stratèges des plus grandes banques américaines quant à la performance du S&P500 en 2022 font d’ailleurs preuve de modération. Les analystes de Credit Suisse sont les plus optimistes du groupe, prévoyant que l’indice terminera l’année 2022 à 5 200 points, soit une hausse de 9 %. Viennent ensuite ceux de Goldman Sachs, qui prévoient une hausse d’environ 7 %, et ceux de JP Morgan et de RBC Marchés des capitaux, qui estiment que l’appréciation de l’indice se limitera à environ 6 %. Rappelons qu’en 2021, le S&P 500 s’est apprécié de près de 27 %.

À l’autre bout du spectre, on retrouve les stratèges de Morgan Stanley, qui prévoient que le S&P 500 terminera l’année à 4400 points, soit un recul de 7,7 %. Des neuf grandes banques consultées, seulement deux croient que le S&P 500 terminera l’année 2022 en baisse, Bank of America étant la seconde, avec une prédiction de 4600 points pour l’indice en fin d’année.

Les stratèges de Barclays prévoient quant à eux que l’indice terminera l’année sensiblement au même niveau que celui du début janvier.

Selon les stratèges de JP Morgan, les hausses boursières se produiront surtout durant la première moitié de l’année, au moment où l’impact positif des politiques monétaires et budgétaires se fera encore sentir.

 

La tendance à la hausse persiste néanmoins

Pour Ron Meisels, président de Phases & Cycles et spécialiste de l’analyse technique, le fait que les indices boursiers voguent aisément au-dessus de leurs moyennes mobiles de 200 jours depuis maintenant presque trois ans indique bien que la tendance à la hausse est toujours présente. Tant et aussi longtemps que ces moyennes mobiles continueront de monter, il faudra conclure que la tendance est intacte. 

Toutefois, l’écart important qui persiste entre ces moyennes mobiles et le niveau des indices indique que les marchés sont nettement «surachetés», et ce, depuis un bon moment. Cela porte à croire qu’une correction notable pourrait survenir à tout moment. Reste à savoir quand.

 

 

Les Canadiens sont prêts pour des hausses de taux d’intérêt

Même si les marchés boursiers risquent d’être affectés par des hausses de taux d’intérêt, ce ne sont pas les Canadiens qui s’en plaindront, semblent-ils. En effet, un sondage réalisé à la fin du mois de décembre par la firme Nanos Research Group pour le compte de Blomberg News révèle que 87 % des ménages canadiens, tout en admettant qu’ils seront affectés par des hausses de taux d’intérêt, se disent beaucoup plus inquiets de la hausse du coût de la vie, c’est-à-dire de l’inflation.

Faut-il s’en surprendre alors que le taux d’inflation au Canada a atteint le seuil de 4,7 % en novembre, un niveau que l’on n’avait pas vu depuis 2003. Une grande majorité de Canadiens invitent donc la Banque du Canada (BdC) à hausser les taux d’intérêt afin de contrer l’inflation.

Celle-ci n’avait toutefois pas manifesté d’urgence en décembre lorsqu’elle avait annoncé qu’elle maintenait le taux directeur à 0,25 % compte tenu des incertitudes que causaient entre autres la propagation du nouveau variant Omicron et les inondations en Colombie-Britannique. La BdC disait d’ailleurs s’attendre à ce que l’indice des prix à la consommation demeure élevé durant la première moitié de 2022, mais qu’il devrait ensuite redescendre vers son objectif de 2 %.