Les investisseurs sont devenus prudents au Canada, en raison de la hausse de 500 points de base des taux d’intérêt à court terme et de son impact sur les consommateurs et le marché du logement. (Photo: Joshua Mayo pour Unsplash)
Les investisseurs sont devenus prudents au Canada, en raison de la hausse de 500 points de base des taux d’intérêt à court terme et de son impact sur les consommateurs et le marché du logement. Mais notre économie se maintient et il y a des occasions à saisir, affirme Doug Warwick, sélectionneur de titres chevronné.
«Jusqu’à présent, tout va bien. La remontée des prix des produits de base soutient l’économie et le prix du pétrole aide notre balance des paiements», observe M. Warwick, gestionnaire principal du Fonds de croissance de dividendes TD – F (également offert en série D), un fonds de 9,1 milliards de dollars coté 4 étoiles et Neutre.
Sélectionneur d’actions chevronné ayant fait ses débuts dans le secteur des services financiers en 1980, M. Warwick est directeur général de Gestion de Placements TD à Toronto et supervise trois fonds dont l’actif total sous gestion s’élève à 20,7 milliards de dollars.
«Nous avons une croissance démographique qui soutient les prix de l’immobilier, bien qu’étant un peu inflationniste. Depuis le début de l’année, les estimations des bénéfices prévisionnels ont légèrement baissé, ce qui explique en partie la faiblesse des actions canadiennes», explique-t-il, notant qu’à l’inverse, les indices boursiers américains sont solides, bien que les gains se limitent aux huit grandes valeurs technologiques, telles qu’Alphabet (GOOG).
Heureusement, M. Warwick note que la Banque du Canada n’a pas changé son fusil d’épaule en ce qui concerne d’autres hausses de taux, même si elle a exprimé des inquiétudes au début du mois de septembre quant à d’éventuelles hausses à l’avenir.
«Les dirigeants ont dit que de futures hausses de taux n’étaient pas à exclure, explique M. Warwick, qui partage ses fonctions avec Jennifer Nowski, vice-présidente. Ils continuent d’être inquiets, car l’inflation n’a pas encore atteint leur objectif. Néanmoins, nous avançons dans la bonne direction.»
Les chiffres parlent d’eux même pour les actions financières canadiennes
Heureusement, les valorisations sont également attrayantes. «Le TSX se négocie à 13,5 fois les bénéfices, ce qui représente une décote de 10% par rapport à la moyenne à long terme de 15 fois», observe M. Warwick, qui affirme que les titres des services financiers canadiens sont particulièrement attrayants.
«Les banques canadiennes se négocient à moins de 10 fois les bénéfices, et les assureurs à moins de 9 fois. Le rendement moyen pondéré des dividendes des neuf grandes banques et compagnies d’assurance-vie est supérieur à 5%. Il s’agit d’un rendement intéressant, avec un potentiel de croissance à long terme.»
En ce qui concerne les valeurs liées aux ressources, M. Warwick a toujours privilégié certains producteurs d’énergie qui, selon lui, se négocient à cinq fois les flux de trésorerie. «Les flux de trésorerie sont importants et peuvent même continuer à augmenter.»
Attendez-vous à une reprise l’année prochaine
M. Warwick est en fait optimiste et s’attend à ce que les valeurs financières canadiennes se redressent en 2024, du fait que les banques canadiennes ont un exercice financier qui se termine le 31 octobre. «Les investisseurs se tourneront bientôt vers le prochain exercice financier des banques. Nous prévoyons que les hausses de dividendes se poursuivent, même modestes. Nous entrevoyons également des rachats d’actions et des hausses de dividendes dans le secteur de l’énergie. Et si les actions technologiques américaines, qui sont extrêmement chères, sont délaissées, cela pourrait soutenir d’autres secteurs du marché, y compris le marché canadien.»
Selon M. Warwick, la question n’est pas de savoir si cette rotation aura lieu, mais quand elle aura lieu. «Beaucoup de ces actions sont extrêmement surévaluées. Une évaluation plus basse sera justifiée à un moment ou à un autre», déclare M. Warwick. «J’aime toujours la technologie et je pense qu’elle est merveilleuse, en particulier l’IA [intelligence artificielle]. Mais nous l’avons déjà vu à maintes reprises: le marché s’emballe, puis se replie. Elles reviendront à des valorisations plus raisonnables.»
Il faut éviter un déficit en période de ralentissement économique
Point négatif au bilan, M. Warwick s’inquiète du resserrement rapide et important de la politique monétaire au cours des 18 derniers mois.
«La Banque du Canada et la Réserve fédérale ont racheté les obligations qu’elles avaient vendues pendant la période d’assouplissement quantitatif. Il y a eu beaucoup de resserrement et je crains qu’elles n’en fassent trop, affirme M. Warwick. Je crains également qu’en raison de l’ampleur des déficits budgétaires, le gouvernement n’augmente l’impôt sur les sociétés, en particulier les banques», en précisant que l’ampleur du déficit exerce une pression excessive sur le secteur privé, ce qui est très inquiétant. «Si vous essayez de ralentir l’économie, il faut éviter d’avoir un déficit. Cela contribue à l’inflation et ne fait qu’obliger la banque centrale à augmenter les taux pour ralentir l’économie.»
Depuis le début de l’année (14 septembre), le Fonds de croissance de dividendes TD – F a affiché un rendement de 4,68%, contre 4,89% pour la catégorie des actions canadiennes de dividendes et de revenu. Toutefois, à plus long terme, le fonds a excellé. Au cours des cinq, dix et quinze dernières années, le fonds a affiché un rendement annualisé de 7,44%, 8,49% et 7,48%. En revanche, la catégorie a enregistré un rendement annualisé de 6,39%, 6,79% et 6,12%.
M. Warwick souligne qu’en 2022, le rendement de l’indice composé S&P/TSX a été de -8,5%, tandis que celui du Fonds de croissance des dividendes TD a été de -0,83%. «Les actions bancaires n’ont pas bien performé l’année dernière et nous n’avons que peu progressé cette année», déclare M. Warwick, ajoutant que le portefeuille est fortement pondéré dans les banques, puisqu’il est composé à 46,70% d’actions financières. Il comprend également 17,50% d’énergie, 10,60% de services industriels et 5,40% de services aux consommateurs. «Si l’on considère les actions bancaires sur une période de 50 ans, il est rare de voir deux années consécutives de mauvaise performance. Je n’ai jamais vu trois années de sous-performance. Les banques semblent maîtriser leurs dépenses. Je m’attends à une meilleure année pour les banques en 2024.»
Toujours miser sur la finance
L’équipe de M. Warwick et Mme Nowski, qui comprend 20 analystes d’actions, applique surtout une philosophie ascendante. «Nous avons toujours été très présents dans les valeurs financières parce que nous les aimons bien. Elles sont moins cycliques que le marché en général», explique M. Warwick.
«Les sociétés financières canadiennes sont disciplinées dans la tarification de leurs produits et ont un rendement des capitaux propres élevé, de 14 à 15% en moyenne, bien que les sociétés d’assurance-vie soient un peu moins performantes. Historiquement, elles ont généreusement récompensé les actionnaires.»
En outre, selon M. Warwick, les banques canadiennes sont beaucoup moins risquées qu’il y a de nombreuses années. «Il y a 40 ans, les banques empruntaient au guichet et prêtaient aux entreprises canadiennes. Elles étaient très cycliques et enregistraient des pertes sur prêts en fin de chaque cycle économique. Mais les banques se sont scindées en un certain nombre de secteurs d’activité qui sont beaucoup plus attrayants. Par exemple, il y a la gestion de patrimoine. Il se peut que vos actifs sous gestion augmentent ou diminuent de 10% par an, ce qui signifie que votre bénéfice est le même. Mais il ne passe pas de 100 à zéro. Il y a aussi des activités d’assurance et un secteur hypothécaire qui est fantastique, parce que les pertes sur les hypothèques sont extrêmement faibles. Ces actifs bénéficient de garanties gouvernementales et sont extrêmement intéressants à détenir. Il y a aussi l’exposition aux États-Unis, qui leur donne une diversification géographique. Plus important encore, ils disposent de beaucoup plus de capital. Le ratio de capital minimum est aujourd’hui de 11%, ce qui représente une augmentation considérable par rapport aux 4 à 5% d’il y a 25 ans. Le secteur est beaucoup plus sûr parce qu’il y a plus de capital soutenant l’entreprise, ce qui rend l’investissement beaucoup moins volatile.
Pour ce qui est de la sélection des actions, l’équipe privilégie celles dont les valorisations sont attrayantes et adopte une approche d’achat à long terme. En effet, le taux de rotation est inférieur à 10%. « Nous aimons les entreprises qui détiennent une bonne part de marché, ce qui se traduit généralement par un meilleur rendement des capitaux propres. Nous aimons également les revenus récurrents et les flux de trésorerie croissants, car ils permettent souvent d’augmenter les dividendes. Je suis également attiré par les valorisations raisonnables », explique M. Warwick, ajoutant qu’à des fins de diversification, le portefeuille détient plusieurs actions américaines, telles que Microsoft (MSFT) et UnitedHealth Group (UNH), l’un des principaux fournisseurs de soins de santé gérés aux États-Unis.
«Elles nous permettent d’investir dans des secteurs qui ne sont pas bien représentés chez nous.»
Le rendement du fonds est de 2,76%, avant les frais.
Les meilleurs choix d’actions canadiennes de dividendes
Dans son portefeuille de 70 titres, M. Warwick cite Cenovus Energy (CVE), un producteur d’énergie canadien de premier plan qui produit plus de 800 000 barils d’équivalent pétrole par jour. « Nous surpondérons l’énergie par rapport à notre indice de référence [une combinaison de 60% des indices sectoriels S&P/TSX et de 40% de l’indice de rendement total S&P/TSX 60] », déclare M. Warwick, notant que les producteurs d’énergie représentent 12,50% du fonds. « Cenovus a intégré d’autres participants au cours des années précédentes et a investi dans quelques raffineries aux États-Unis, ce qui devrait améliorer les bénéfices au second semestre 2023. »
L’action, qui se négocie à cinq fois les flux de trésorerie, a récemment augmenté son dividende de 30%. « Avec les prix actuels du pétrole, l’entreprise continue de réduire sa dette. Lorsqu’elle aura ramené sa dette à un ratio cible, elle augmentera ses rachats d’actions et ses dividendes », explique M. Warwick, qui précise que le rendement de l’action est de 2%.
La Banque Royale du Canada (RY), la plus grande banque du Canada, est un autre de ses principaux avoirs. Rappelant l’acquisition de HSBC Canada pour 13,5 milliards de dollars, M. Warwick note que la banque sera en mesure d’accroître sa part de marché sans trop d’objections de la part des autorités antitrust. « La Colombie-Britannique est un bon marché qui permet à la BRC d’avoir une bonne connexion avec l’Asie », déclare M. Warwick, qui ajoute que la banque se négocie à environ 10,5 fois les bénéfices prévisionnels. Le rendement de l’action est de 4,5%.
Le ratio de fonds propres de RBC pourrait baisser à environ 12% après la finalisation de l’acquisition l’année prochaine, contre 14,1% auparavant. « Mais il restera supérieur au minimum de 11% », affirme M. Warwick. Entre-temps, il note que le directeur général de RBC, Dave Mackay, s’est engagé à réduire les effectifs de l’entreprise pour maîtriser les dépenses. L’ensemble du secteur commencera bientôt à s’améliorer. La Banque Royale sera le chef de file dans ce domaine.
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