Les grandes sociétés sont de plus en plus nombreuses à adopter une stratégie de croissance par acquisitions. (Photo: 123RF)
Alimentation Couche-Tard, Groupe Saputo, Colliers International, Boyd Group et Constellation Software… Les grandes sociétés sont de plus en plus nombreuses à adopter une stratégie de croissance par acquisitions. Neighbourly Pharmacy, Park Lawn, Stella-Jones et dentalcorp utilisent elles aussi les tactiques d’acquisition de leurs concurrentes. Ce qui est bon pour elles l’est-il autant pour votre portefeuille ?
Neighbourly Pharmacy (NBLY, 31,44 $)
3 600 pharmaciens indépendants dans la mire
Dans l’ombre des Shoppers Drug Mart, Jean Coutu et Rexall de ce monde, la chaîne de pharmacies communautaires Neighbourly Pharmacy poursuit son travail de consolidation.
Entrée en Bourse en mai dernier, l’entreprise qui compte 172 pharmacies dans tout le pays, mais aucune au Québec, met de l’avant un plan de croissance par acquisitions agressif.
Chelsea Stellick, analyste à iA Marchés des capitaux, rappelle que Neighbourly acquiert en moyenne 35 commerces par année depuis sa création en 2015. Cette année, toutefois, la société a déjà acheté 40 pharmacies depuis le début de son exercice 2022.
Neighbourly a raté la cible des analystes en dévoilant ses résultats financiers du second trimestre à la fin du mois d’octobre, avec des revenus de 90,7 millions de dollars (M $) et un bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements (BAIIA) ajusté de 10 M $. Les analystes anticipaient en moyenne des revenus de 92,5 M $et un BAIIA ajusté de 11 M $. L’analyste Chris Li, de Desjardins, y voit tout de même du positif, estimant que le rythme des acquisitions peut être soutenu dans une industrie hautement fragmentée comptant 3600 pharmaciens indépendants qui peuvent constituer autant de cibles d’achat potentielles.
«De nombreux pharmaciens propriétaires sont âgés et font face à des problèmes de succession dans un marché où la concurrence est relativement faible», ajoute-t-il.
Chris Li recommande de «conserver»le titre; son cours cible sur un an est de 33 $. «Notre évaluation actuelle du titre tient compte de l’achat de 40 à 50 pharmacies par année pendant trois à quatre ans. À ce rythme, la valeur du titre pourrait être légèrement supérieure à 40 $d’ici mars 2024. Cette même valeur pourrait augmenter à 46 $si le rythme des acquisitions devait s’accélérer jusqu’à 60 établissements par année», affirme-t-il.
Peter Sklar, analyste à BMO Marchés des capitaux, voit également Neighbourly Pharmacy comme une histoire de croissance par acquisitions, même s’il considère que la valeur du titre, ayant progressé de près de 100 % depuis son entrée en Bourse à 17 $il y a six mois, reflète déjà cette stratégie. «Cela limite le rendement potentiel de l’action par rapport à notre cours cible sur un an», dit-il. Ce cours cible de 33 $équivaut à 21 fois le BAIIA prévu de l’exercice 2023.
«Nous sommes convaincus que la société pourra garder le rythme de plus de 40 acquisitions par année. L’équipe de direction a repéré de 25 à 30 réseaux de pharmacies de 10 à 30 établissements qui correspondent à ses critères de sélection, et pour lesquels il y a un nombre d’acheteurs limité», écrit pour sa part Irene Nattel, analyste à RBC Marchés des capitaux. Cette dernière ajoute que Neighbourly pourrait se permettre des acquisitions beaucoup plus importantes que sa plus grosse à ce jour, qui est de 35 établissements.
Persistence Capital Partners, qui prétend être la seule société d’investissement par capitaux propres au Canada qui mise uniquement sur des entreprises à forte croissance dans l’industrie des soins de santé, possède 50 % des actions en circulation de la société.
Park Lawn Corporation (PLC, 37,72 $)
Plusieurs possibilités d’acquisitions dans les services funéraires
Park Lawn Corporation (PLC, 37,72 $)
Plusieurs possibilités d’acquisitions dans les services funéraires
L’entreprise de services funéraires Park Lawn Corporation (PLC) a amorcé ses activités en 2011 dans la région de Toronto. En 2013, elle possédait six cimetières dans la capitale ontarienne.
Depuis ce temps, l’entreprise a poursuivi une stratégie agressive de croissance par acquisitions et possède à ce jour plus de 176 propriétés dans trois provinces canadiennes et dans 12 États américains.
«PLC a réalisé des acquisitions totalisant 100 millions de dollars (M $) depuis le début de l’année. Au troisième trimestre terminé le 30 septembre, elle a réalisé deux transactions; elle en a ajouté trois de plus depuis le début du quatrième trimestre. L’entreprise paye habituellement de six à huit fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements (BAIIA) pour ses acquisitions, et ces cinq transactions devraient ajouter 10,4 M $US au BAIIA ajusté de la société», écrit Corey Hammill, analyste à Paradigm Capital.
Selon lui, PLC possède des liquidités de 227,5 M $grâce à une émission d’actions réalisée durant le troisième trimestre qui lui a rapporté un montant brut de 148,5 M $. «De plus, la société a augmenté sa facilité de crédit à 300 M $, elle qui était de 250 M $. De ce montant, seulement 87 M $sont utilisés. PLC a encore beaucoup de « puissance de feu »pour poursuivre sa stratégie de croissance par acquisitions», analyse-t-il.
Zachary Evershed, de la Financière Banque Nationale, s’attend à ce que les fusions et acquisitions permettent à la société d’augmenter ses revenus de 105 M $par année d’ici 2023, lui qui pos- sède une recommandation de «surperformance»sur le titre et un cours cible sur un an de 44,50 $.
Au troisième trimestre, la société a facilement battu les prévisions des analystes, affichant des revenus de 92 M $, un BAIIA de 23,5 M $et un bénéfice par action de 0,38 $. Le consensus des analystes anticipait des revenus de 89 M $, un BAIIA de 21,8 M $et un bénéfice par action de 0,30 $. La direction de l’entreprise a par ailleurs annoncé qu’elle publierait ses résultats financiers en dollars américains dès le 1er janvier afin de diminuer le risque de conversion des devises, car la majorité de ses activités se trouve aux États-Unis.
Irene Nattel, analyste à RBC Marchés des capitaux, souligne que les résultats montrent une solide croissance organique bonifiée d’une contribution des fusions et acquisitions. «Alors que les effets de la pandémie de COVID-19 se dissipent, l’entreprise bénéficie d’une augmentation des revenus par appel et des demandes de préarrangements funéraires», explique-t-elle. L’analyste rappelle qu’au troisième trimestre de 2018, la direction de PLC avait émis des prévisions à long terme, ciblant un BAIIA de 100 M $et une marge bénéficiaire de 26 % en 2022. Selon elle, l’entreprise atteindra ces deux cibles un an plus tôt que prévu, soit dès cette année.
D’après elle, l’entreprise est un leader de la croissance dans son industrie et le vieillissement de la population ne peut que lui être favorable, sans oublier que l’industrie des services funéraires est très fragmentée, ce qui lui laisse beaucoup de possibilités d’acquisitions.
Stella-Jones (SJ, 42,36 $)
Coiffer au poteau dans de nouveaux verticaux?
Stella-Jones (SJ, 42,36 $)
Coiffer au poteau dans de nouveaux verticaux?
Le fabricant de poteaux, de traverses de chemin de fer et de bois traité Stella-Jones a fait d’une pierre deux coups au début du mois de novembre, en procédant à l’acquisition du fabricant de poteaux et de pieux traités Cahaba Timber et de Cahaba Pressure Treated Forest Products, qui fabrique, distribue et vend des poteaux, des traverses et des pieux de bois traités et non traités, pour un montant total de 102,5 M $US.
L’acquisition des deux entreprises américaines s’inscrit dans la stratégie de l’entreprise québécoise de s’implanter aux ÉtatsUnis pour répondre à la hausse de la demande de la part d’entreprises de services publics.
L’analyste Troy Sun, de Valeurs mobilières Banque Laurentienne, souligne qu’il s’agit des plus importantes acquisitions de Stella-Jones depuis 2012. «Il s’agit de transactions de bonne taille et dans le bon secteur», croit-il.
Benoit Laprade, de la Banque Scotia, soutient que Stella-Jones paye ses acquisitions selon un ratio valeur d’entreprise/bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements (VE/BAIIA) de sept fois, ce qui veut dire que les deux acquisitions feront grimper le BAIIA de la société d’environ 15 M $US annuellement dès que les transactions seront conclues, ce qui doit survenir d’ici la fin de l’année.
Il ajoute que Stella-Jones a généré des flux de trésorerie de 170 M$au troisième trimestre, ce qui lui donnera la flexibilité financière pour retourner de l’argent à ses actionnaires ou pour poursuivre ses acquisitions.
Maxim Sytchev, de la Financière Banque Nationale, a récemment reçu la haute direction de l’entreprise et il soutient que selon l’intérêt de sa clientèle, Stella-Jones pourrait développer, avec le temps, des services de réhabilitation de sols et de cours d’eau. Selon lui, l’arrivée de l’entreprise dans le secteur pourrait se faire grâce à une fusion ou une acquisition.
L’analyste évalue que Stella-Jones possède toujours la capacité de réaliser des acquisitions totalisant 320 M $US. «La société voit des occasions de fusions et acquisitions dans le sud-ouest des États-Unis. Reste à voir si l’entreprise souhaitera explorer de nouveaux verticaux ou se concentrer davantage à mieux servir les entreprises de services publics», écrit-il. L’inflation pourrait toutefois freiner l’entreprise dans ses élans de croissance par acquisitions. Au moment de dévoiler ses résultats du troisième trimestre, le 9 novembre, Stella-Jones affirmait que la hausse des coûts avait été plus rapide que les ajustements de prix, ce qui a eu pour effet de comprimer ses marges bénéficiaires.
Le BAIIA du trimestre, de 69 M $, est en effet inférieur au consensus des analystes, dont la cible était 12 % plus élevée, à 79 M $. La direction de Stella-Jones a aussi annoncé qu’elle lançait un plan de rachat pouvant atteindre jusqu’à quatre millions d’actions, soit 8% de ses titres en circulation. Les montants alloués à ce rachat ne pourront évidemment pas servir au plan de croissance par acquisitions de la société.
En septembre, l’analyste Benoit Poirier, de Desjardins, estimait le pipeline d’acquisitions de Stella-Jones à environ 300 M $US dans le marché des poteaux. En réduisant de ce montant le prix payé pour Cahaba Timber et Cahaba Pressure Treated Forest Products, cela laisse tout de même à l’entreprise environ 200 M $US pour continuer d’explorer de possibles acquisitions en parallèle au renouvellement du programme de rachat d’actions.
dentalCorp (DNTL, 17,62 $)
Des cabinets concurrentiels qui montrent les dents
dentalCorp (DNTL, 17,62 $)
Des cabinets concurrentiels qui montrent les dents
dentalcorp poursuit son travail de consolidation des cabinets de services dentaires. L’entreprise, entrée en Bourse en mai dernier, disait alors cibler 130 acquisitions d’ici la fin de 2022.
Au moment de dévoiler ses résultats financiers du troisième trimestre, l’entreprise a annoncé qu’elle avait acquis 15 cabinets durant la période de trois mois, pour un montant total de 74 millions de dollars (M $). Ce sont deux acquisitions de plus que les 13 qui étaient attendues par l’analyste Douglas Miehm, de RBC Marchés des capitaux. Ce dernier souligne la robustesse du pipeline d’acquisitions potentielles de l’entreprise, qui dit explorer plus de 675 dossiers, dont 140 sont à un stade avancé de négociation.
«À la fin du troisième trimestre, dentalcorp possédait 445 cabinets de services dentaires au Canada, par rapport à 375 un an plus tôt», dit-il. La direction de l’entreprise soutient que les acquisitions avaient dépassé les attentes durant le trimestre, et qu’à la fin de celui-ci, la société possédait des liquidités totalisant 592 M $(192 M $en espèces et 400 M $en capacité d’endettement).
Cela laisse de la place pour poursuivre les acquisitions. «Nous anticipons que l’entreprise achètera 20 cabinets au quatrième trimestre. En 2022, nous relevons le nombre d’acquisitions prévues à 80, qui était de 72», ajoute l’analyste de RBC, qui a relevé le 16 novembre son cours cible sur un an sur le titre d’un dollar, lui qui passe de 19$à 20 $. L’analyste Patricia A. Baker, de la Banque Scotia, souligne que dentalcorp a procédé à l’acquisition de 63 cabinets depuis le début de 2021, ce qui est supérieur aux prévisions.
Son collègue Scott Fletcher, de Marchés des capitaux CIBC, anticipait l’acquisition de 61 cabinets en 2021 et de 70 en 2022 au moment d’amorcer le suivi du titre en juin dernier. Selon lui, le marché canadien se compose d’environ 14 500 cabinets de services dentaires, dont 95 % sont indépendants. Cela donne à dentalcorp un long parcours de transactions potentielles.
dentalcorp s’appuie sur des économies d’échelle pour faire profiter les cabinets acquis de son pouvoir d’achat et centralise et automatise certaines fonctions, dont la gouvernance et la gestion de clients. La société transmet aussi les meilleures pratiques d’affaires aux dentistes afin d’augmenter le nombre de patients, le nombre de visites annuelles et les ventes par cabinets comparables (qu’elle possède depuis plus d’un an).
Cela a porté ses fruits au troisième trimestre, puisque ses ventes par cabinet comparable ont progressé de 3,5 %. Sans oublier que la société amorcera durant le premier trimestre de 2022 un partenariat avec l’épicier Loblaw pour devenir le fournisseur exclusif de services d’éducation et de soins buccodentaires aux utilisateurs de l’application PC Santé. Selon l’entreprise, 75 % des Canadiens vivent dans un rayon de 20 kilomètres d’un cabinet de son réseau. «Les utilisateurs de l’application pourront aisément trouver un dentiste dans leur voisinage par l’entremise du service Allodent», dit la société qui compte à ce jour plus de 1,6 million de clients partout au pays.
Au troisième trimestre, l’entreprise a dévoilé des revenus de 250,2 M $, un bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements de 46,2 M $et un bénéfice par action de 0,11 $. Les analystes anticipaient en moyenne des chiffres de 252,1 M $, 44,2 M $et 0,08 $respectivement.