À son sommet en novembre, l’action de Shopify avait atteint un niveau si élevé que la plupart des mesures d’évaluation ne faisaient plus de sens, explique Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille à la Financière Banque Nationale. (Photo: 123RF)
La BOUSSOLE BOURSIÈRE est une rubrique qui traite d’un événement récent ou prochain qui a marqué ou marquera l’évolution des marchés boursiers. Le texte expliquera l’événement et relatera son impact sur le marché boursier en s’appuyant sur l’analyse d’experts. Cette analyse pourra être autant fondamentale que technique.
(Illustration: Camille Charbonneau)
BOUSSOLE BOURSIÈRE. En novembre, à quelques jours du Black Friday, cette course folle aux achats de biens de consommation de toutes sortes qui marque le lendemain de la fête du thanksgiving américain, le titre de Shopify (SHOP, 842,14$), le spécialiste canadien du commerce en ligne se négociait à 2 200 $.
De nombreux observateurs de la scène boursière prédisaient depuis un certain temps une correction des titres techno dont l’évaluation semblait trop élevée. C’ est alors qu’elle s’enclencha.
Pour Shopify, ce ne fut rien de moins que la catastrophe. Le titre ne vaut guère plus que 800 $, ce qui signifie qu’il a cédé près des deux tiers de sa valeur, détruisant ainsi au passage 175 milliards $ de capitalisation boursière. Pourra-t-il s’en remettre ?
Une évaluation démesurée
À son sommet en novembre, l’action de Shopify avait atteint un niveau si élevé que la plupart des mesures d’évaluation ne faisaient plus de sens, explique Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille à la Financière Banque Nationale.
Pour l’année 2021, Shopify a réalisé des ventes de 4,611 milliards $, et pour 2022 on prévoit 5,860 milliards $. À son sommet de 2 200 $ en novembre, la compagnie valait au bas mot 275 milliards $ compte tenu qu’elle a 125 millions d’actions en circulation. Le titre se négociait donc à près de 47 fois les ventes prévues pour les 12 prochains mois.
Les bénéfices avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) en 2021 ont été de 732 millions $, et on prévoit 939 millions $ en 2022, le titre se négociant donc à près de 300 fois les bénéfices escomptés. « On ne verra pas ça de sitôt », affirme Cimon Plante.
Même avec un prix de l’action à 800 $, soit 17 fois les ventes et plus de 100 fois le BAIIA, les ratios actuels demeurent astronomiques.
« Les gens étaient vraiment partis en peur avec ce titre », résume Jean Duguay, chef des placements au Groupe Eterna. Les prévisions des analystes étaient malheureusement insoutenables, selon lui.
Plusieurs gestionnaires de portefeuilles s’accordent à dire toutefois qu’il s’agit d’une excellente compagnie oeuvrant dans un secteur à forte croissance. « C’est une très belle société dont la valeur réelle est toutefois très difficile à évaluer », explique Jean-Philippe Bouchard, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Giverny Capital.
Le sentiment des investisseurs s’inverse
Les résultats du 4e trimestre, dont la divulgation n’a fait qu’accélérer la chute du titre, étaient pourtant relativement conformes aux prévisions, note Richard Tse, analyste à la Banque Nationale.
Mais les dirigeants ont commis l’erreur de ne pas faire de prévisions quant aux résultats de la prochaine année, alors qu’ils indiquaient qu’ils allaient apporter des changements importants à la logistique de leurs opérations.
C’était plus que ce que les investisseurs pouvaient supporter. « Compte tenu d’un changement significatif du sentiment des investisseurs envers les titres techno qui s’était amorcé à l’Action de grâce, les dirigeants Shopify n’avaient pas le droit de laisser les investisseurs dans l’incertitude quant aux perspectives », conclut Richard Tse.
Peut-on espérer une reprise
Nul doute qu’après la dégringolade des derniers mois le titre se retrouve dans un état fortement «sur-vendu», explique Monica Rizk, analyste senior chez Phases & Cycles. Le titre pourrait donc maintenant amorcer un quelconque rallye de soulagement (relief rally).
« Mais pour espérer une reprise substantielle, le titre devra d’abord trouver un bon point de support à partir duquel il pourra se construire une base permettant d’espérer une remontée significative », dit l’analyste. « Mais ce sera un long processus », ajoute-t-elle.
(Source: Phases & Cycles)