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John Plassard

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Expert(e) invité(e)

Les investisseurs activistes de plus en plus agressifs

John Plassard|Publié le 11 octobre 2024

Les investisseurs activistes de plus en plus agressifs

Les activistes acquièrent une participation, mobilisent d’autres investisseurs influents pour leur campagne, puis imposent leurs propres objectifs à l’entreprise. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Il y a quelques années, lorsque l’on entendait parler d’activistes, on avait l’impression que c’était des évènements isolés, pas à même de changer quoi que ce soit de la gouvernance d’une entreprise. Cependant, ceci semble avoir bien changé et de nombreux activistes font de plus en plus de bruit. Que faut-il penser de ces «raids» et quelle est la garantie de succès? Synthèse et analyse.

Les faits 

Coup sur coup, 2 activistes ont fait beaucoup de bruit en ce début de semaine. Tout d’abord, le fonds spéculatif Mantle Ridge a pris une participation dans le fabricant de gaz industriels Air Products And Chemicals et souhaite qu’il réduise ses coûts, se concentre sur son cœur de métier et ouvre la voie à un nouveau dirigeant. 

Ensuite, l’investisseur activiste Starboard Value a pris une participation d’environ un milliard de dollars dans Pfizer et souhaite que le groupe procède à des changements pour redresser ses performances. 

Starboard a également approché Ian Read, un ancien directeur général de Pfizer, et Frank D’Amelio, qui a occupé le poste de directeur financier jusqu’en 2021, et tous deux ont exprimé leur intérêt à aider l’investisseur activiste.

Ces 2 exemples ne sont qu’une goutte d’eau dans les cibles des activistes. Se pose maintenant la question de savoir quelles conséquences cela aura sur les entreprises visées et comment peut-on investir dans la thématique.

Où en est-on en 2024? 

Selon le Bloomberg Activism Advisory League Tables qui fait foi dans le secteur, au premier semestre 2024, l’activisme actionnarial a connu plusieurs évolutions notables à l’échelle mondiale. Un total de 428 nouvelles campagnes activistes a été lancé, ce qui représente une légère baisse de 0,5% par rapport aux 430 campagnes de la même période en 2023. 

Cependant, la valeur des participations des activistes a chuté de manière plus marquée, avec une baisse de 25%, passant de 46 milliards de dollars à 34,3 milliards de dollars. 

Voici quelques faits marquants par région : 

  • États-Unis : Bien que le nombre total de campagnes soit en baisse de 10% (passant de 197 à 177 campagnes), les campagnes ciblant des entreprises d’une valeur de plus de 1 milliard de dollars ont augmenté de 12%, de 50 à 56 campagnes.
  • Asie-Pacifique : Cette région a enregistré une forte augmentation de 52%, avec un passage de 122 à 185 campagnes. Le Japon a été particulièrement actif, avec une augmentation de 70%, passant de 60 à 102 campagnes. 
  • Europe : L’activité en Europe a reculé de 30%, le nombre de nouvelles campagnes chutant de 63 à 44.  
  • Canada : Le Canada a vu une chute importante, avec le nombre de campagnes passant de 45 à 20, soit une baisse de 56%. Les campagnes visant des entreprises de plus d’un milliard de dollars sont particulièrement concernées, avec seulement une nouvelle campagne en 2024 contre 17 en 2023.

Par secteur, l’industrie et la technologie ont été parmi les plus dynamiques, enregistrant respectivement une hausse de 11% et 27% du nombre de campagnes activistes, tandis que le secteur de la santé a connu une baisse significative de 30%. 

Enfin, des entreprises comme Texas Instruments, Rio Tinto, et BP ont été parmi les plus grandes cibles de campagnes activistes en 2024, chacune ayant une capitalisation boursière supérieure à 100 milliards de dollars.

Quel est le but des activistes? 

Les activistes acquièrent une participation, mobilisent d’autres investisseurs influents pour leur campagne, puis imposent leurs propres objectifs à l’entreprise, souvent en mettant en place une nouvelle équipe dirigeante, en réduisant les coûts, en poussant à l’augmentation des marges bénéficiaires et en vendant les unités commerciales peu performantes. 

Les entreprises mal gérées, dont les opérations sont inefficaces ou qui sont confrontées à un autre problème soluble sont des cibles courantes des investisseurs activistes, qui se spécialisent souvent dans certains types d’entreprises. 

En fait, aucune société n’étant à l’abri de la pression des investisseurs, la question est de savoir ce que cela signifie non seulement pour les entreprises et leurs dirigeants nerveux, mais aussi pour l’économie au sens large.

En général, les investisseurs activistes gèrent des fonds spéculatifs ou des sociétés de capital-investissement, ou sont des particuliers fortunés. En général, les investisseurs activistes possèdent également des compétences analytiques professionnelles et une grande expertise commerciale. Ils utilisent ces qualifications pour identifier les entreprises qui présentent une valeur inexploitée et élaborent et transmettent aux entreprises elles-mêmes des recommandations stratégiques spécifiques pour capturer cette valeur. 

Les recommandations d’un investisseur activiste peuvent aller d’initiatives stratégiques, comme la restructuration de l’entreprise, à la modification de la composition du conseil d’administration. Un investisseur activiste peut exiger un siège personnel au conseil d’administration d’une société ou insister sur la nomination de certains administrateurs indépendants. L’investisseur activiste peut même viser la révocation de certains administrateurs.

Les investisseurs activistes proposent généralement des réductions des coûts opérationnels, ainsi que des stratégies visant à augmenter les revenus. 

Quelles sont les phases de «l’attaque»? 

Généralement, une attaque de la part d’un activiste se matérialise en 5 phases distinctes :

 1. Acheter une grande quantité d’actions de la société cible. Les investisseurs activistes qui acquièrent plus de 5% des actions en circulation d’une société sont tenus de déposer une déclaration auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC) aux États-Unis. 

2. Proposer publiquement un ensemble spécifique de changements pour l’entreprise. Si les investisseurs activistes s’engagent directement auprès des conseils d’administration pour défendre les changements qu’ils proposent, ils rendent également leurs demandes publiques. 

3. Négocier avec le conseil d’administration. La publicité et le soutien des actionnaires renforcent la position de négociation d’un investisseur activiste, même si l’entreprise peut toujours résister vigoureusement aux exigences de l’investisseur activiste. 

4. Prendre les mesures supplémentaires nécessaires pour obtenir les changements souhaités. L’enlisement des négociations entre l’investisseur activiste et l’entreprise se transforme généralement en une lutte par procuration pour le contrôle du conseil d’administration de l’entreprise. Un investisseur activiste qui réussit à collaborer avec d’autres actionnaires pour obtenir le contrôle du conseil d’administration a alors suffisamment d’influence pour s’assurer que les changements qu’il souhaite sont effectués. 

5. Vendre toutes les actions une fois les objectifs spécifiques atteints. Si les investisseurs activistes qui occupent également des sièges au conseil d’administration peuvent être soumis à des restrictions concernant la vente de leurs actions, ils les vendent généralement une fois que l’entreprise a mis en œuvre leurs recommandations.

SUIVANT: Quel est le hit ratio? 

Quel est le hit ratio? 

Les campagnes des investisseurs activistes, bien que potentiellement très rentables, n’ont généralement pas un taux de réussite élevé. 

Selon un rapport de la Harvard Law School, seulement 17% des campagnes des investisseurs activistes en 2019 (année de référence avant le Covid-19) ont été couronnées de succès sur un total de 893 campagnes.

Quelles sont les caractéristiques des «raids»? Il y a plusieurs caractéristiques qui entourent le phénomène des activistes : 

  • Un phénomène mondial : Si les campagnes d’actionnaires activistes ont débuté aux États-Unis, elles trouvent désormais un terrain fertile en Europe (voir plus bas) grâce à une série de réformes de la gouvernance d’entreprise. Par exemple, les régulateurs allemands permettent aux investisseurs d’accéder plus facilement aux conseils d’administration des entreprises. 
  • Trop gros et trop lent : Les investisseurs activistes ont tendance à s’intéresser aux conglomérats qui, à leurs yeux, sont devenus lents et inefficaces. L’investisseur qui a ciblé il y a quelques années Whole Foods, la chaîne d’épicerie biologique américaine, a fait campagne pour son acquisition par Amazon, en présentant cette opération comme une occasion de réduire les coûts de transaction internes. Après une période de forte résistance, Whole Foods a cédé et a accepté d’être vendue à Amazon. L’investisseur activiste a réalisé un bénéfice estimé à plus de 40%, pour une participation de quatre mois. 
  • Pas forcément une mauvaise chose : De nombreuses analyses montrent que la pression des actionnaires n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Les investisseurs activistes peuvent obliger les entreprises mal gérées à améliorer leur jeu, à réorganiser des conseils d’administration dysfonctionnels et à utiliser leurs actifs plus efficacement. Les critiques accusent souvent ces investisseurs de crouler sous les dettes, de réduire les budgets de recherche et développement, de bloquer les nouveaux investissements, puis de se retirer rapidement lorsque les conséquences de leurs décisions se font sentir. Mais une étude portant sur 50 entreprises détenues par des activistes entre 2009 et 2014 suggère que cela pourrait être un mythe, et que les investisseurs activistes n’ont pas d’impact négatif sur les dépenses de R&D, les investissements ou l’endettement d’une entreprise.
  • Un changement de tendance de fond : Si les investisseurs activistes continuent à gagner du terrain tout comme les ETFs, le secteur des hedges funds quant à lui perd du terrain. On a effectivement constaté ces 5 dernières années que certains investisseurs en mal de «sensations fortes» tendaient plus à aller vers des clients activistes que vers des hedges funds pourtant nettement préférés il n’y a pas si longtemps de cela.

Quelques noms des plus gros activistes? 

Il y a bien évidemment plusieurs activistes, cependant les plus connus (et actifs) sont : 

  • Bill Ackman — fondateur et CEO de Pershing Square Capital Management 
  • Neslon Peltz — Co-fondateur du hedge fund Trian Fund Management 
  • • Daniel Loeb — fondateur de Third Point Management 
  • Barry Rosenstein — Fondateur de Jana Partners 
  • Carl Icahn — Fondateur de la Icahn Entreprises

Certains ETFs peuvent aussi offrir une exposition à l’activisme des actionnaires. On peut notamment citer : 

  • 13 D Activist Fund (DDDAX) 
  • LeaderShares Activist Leaders (ACTV)

Synthèse 

Si les raids d’activistes peuvent être vus par certains comme des opérations «sans foi ni loi», dans certains cas, ils mettent le doigt sur des gestions d’entreprises surannées et désuètes. Dans d’autres cas, pour éviter des «attaques», des entreprises décident de prendre les devants. On se souvient par exemple qu’il y a quelques années, la direction de Siemens avait essayé d’anticiper une tentative d’attaque d’activistes en agissant la première. Elle avait réduit les coûts, rationalisé l’entreprise et augmenté les versements aux investisseurs, ce qui correspondait effectivement à ce que les actionnaires activistes auraient fait…