Baisse du taux directeur: nous sommes confrontés à une «falaise hypothécaire» imminente
Les Affaires|Mis à jour le 24 octobre 2024Jules Boudreau, économiste principal, équipe des stratégies multi-actifs Mackenzie (Photo: courtoisie)
La Banque du Canada a réduit mercredi son taux directeur d’un demi-point pour le fixer à 3,75%, estimant être revenu à «un climat de basse inflation» qui devrait permettre aux Canadiens de «respirer un peu mieux».
Selon Jules Boudreau, économiste principal, équipe des stratégies multi-actifs Mackenzie, «une accélération du rythme des baisses de taux était primordiale.»
«L’économie canadienne ne pouvait pas supporter un taux d’intérêt de 4,25 % sans s’affaiblir davantage. Le marché du travail est en état de récession.
Au cours des prochains mois, il y a plus de chances que l’inflation soit inférieure à la bande inférieure de 1 % qu’elle ne dépasse la limite supérieure de 3 %.
Lors de la réunion précédente en septembre, la Banque du Canada a souligné un ralentissement du marché de l’emploi, une croissance des salaires toujours élevée et des risques d’inflation des deux côtés.
Dans les données économiques que nous avons vues depuis, le marché de l’emploi s’est légèrement renforcé, mais les salaires et les prix ont tous deux considérablement ralenti.
De plus, le marché immobilier reste morose. Si les responsables de la Banque du Canada craignaient que la réduction des taux ne ravive la fièvre spéculative dans le marché du logement, cette crainte a été apaisée.
Une réduction de 0,5 % est un bon début pour ramener les taux à un niveau où la politique monétaire commence à stimuler la croissance économique, mais le message de la Banque du Canada est trop optimiste.
La déclaration accompagnant la décision affirme que «les pressions inflationnistes à la hausse et à la baisse se compensant en grande partie».
Il est compréhensible que les responsables puissent être réticents à déclarer victoire contre l’inflation, étant donné la flambée des prix post-COVID qui a mis en péril la crédibilité de la Banque du Canada aux yeux des Canadiens.
De plus, il existe certainement des risques inflationnistes à long terme (transition énergétique, démondialisation). Mais au cours des prochains trimestres, les risques sont clairement à la baisse. Ne pas se positionner pour cette réalité pourrait amener la Banque du Canada à opter pour des taux d’intérêt trop élevés.
Nous prévoyons que le taux directeur descendra à 2% à la mi-2025. Y arriver plus tôt, avec des réductions successives de 0,5%, réduirait le risque d’une détérioration supplémentaire d’une économie déjà en difficulté.»
«Falaise hypothécaire» imminente
Pour Pierre-Benoît Gauthier, vice-président, stratégie de placement chez IG Gestion de Patrimoine, «pas de surprise ce matin.»
«En examinant les attentes pour la suite, le marché commence enfin à voir à quel point la situation canadienne est différente de celle des États-Unis.
Les consommateurs canadiens ont sérieusement besoin d’un allègement des taux d’intérêt, en grande partie à cause de notre structure distincte de renouvellement des hypothèques.
Contrairement aux États-Unis, nous sommes confrontés à une « falaise hypothécaire » imminente en 2025, avec 25% des hypothèques devant être renouvelées à des taux probablement plus élevés.
De plus, notre contexte économique n’est pas aussi solide: le taux de chômage est plus élevé et la croissance est plus lente.
La Banque du Canada s’est montrée proactive jusqu’à présent, et bien qu’une baisse de taux de 25 points de base semble probable pour décembre, ne soyez pas surpris si elle opte pour une baisse de 50 points de base si les données économiques s’affaiblissent davantage au cours des prochaines semaines.
Parfois c’est la Banque du Canada qui prépare le marché à sa décision, et parfois c’est le marché qui prépare la Banque du Canada. Aujourd’hui, la Banque du Canada a donné au marché ce qu’il attendait depuis quelques semaines, avec une réduction de 50 points de base. Cette baisse était attendue, et pour de bonnes raisons.
Depuis quelques mois, la lutte de la Banque du Canada contre l’inflation est gagnée. Avec le chiffre le plus récent de 1,6 %, la Banque doit envisager le risque d’aller trop loin dans son objectif de désinflation. L’objectif devrait donc être de ramener le taux au jour le jour à un niveau neutre le plus rapidement possible. Nous pensons que le taux neutre se situera entre 2,5 % et 3,0 %.
Des baisses de taux rapides deviennent encore plus évidentes si l’on considère l’énorme falaise hypothécaire qui approche en 2025, lorsqu’environ 25 % des prêts hypothécaires arriveront à échéance. Les emprunteurs hypothécaires devront faire des compromis: dépenser plus pour leur prêt hypothécaire peut signifier dépenser moins ailleurs.
Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseurs ? Comme nous l’avons souligné par le passé, le taux de change du dollar canadien par rapport au dollar américain est fortement influencé par la différence de taux d’intérêt entre les deux pays.
Si nous avons raison et que la Fed suit en novembre avec seulement une réduction de 25 points de base, notre juste valeur du huard se situe dans la fourchette de 0,70 à 72 dollars américains.
Nous avons déjà constaté une pression à la baisse sur le dollar canadien, qui est passé de 74 cents à un peu moins de 73 cents au cours des dernières semaines. À notre avis, il est plus probable qu’il continue à baisser, et non à monter – le bas de la fourchette étant le plus probable.
En fonction de l’évolution des données canadiennes au cours des deux prochains mois, il se peut que cette réduction de 50 points de base ne soit pas la dernière que la Banque effectuera.»