(Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. La question qui préoccupe tout le monde ces jours-ci est évidemment le coronavirus. Depuis notre dernier article, le virus a officiellement été classé comme pandémie par l’Organisation mondiale de la Santé. Il y a maintenant plus de 250 000 cas déclarés positifs et plus de 10 000 décès. De nombreux pays ont désormais pris des mesures draconiennes en imposant plusieurs fermetures et en resserrant les frontières.
Il est clair que la majorité des secteurs de l’économie vont être affectés, mais une industrie qui a subi le contrecoup de manière particulièrement brutale est celle des croisiéristes. En cherchant pourquoi, nous espérons que cela aidera les investisseurs à éviter de telles calamités dans leur portefeuille.
Pour débuter, les croisières sont de gros achats de nature discrétionnaire. Ils sont loin d’être essentiels. En période difficile, les biens et services de cette catégorie subissent généralement les baisses les plus importantes.
Les croisiéristes sont également des entreprises nécessitant beaucoup de capital. Les 3 plus grandes compagnies de croisière (Carnival Corp, Royal Carribean Cruises, Norwegian Cruise Lines) ont une base d’actifs collectifs de 92 milliards de dollars (G$), dont la plupart sont évidemment des navires. Une telle base d’actifs engendre des coûts fixes importants qui sont difficiles à réduire lorsque les revenus disparaissent. À une époque comme celle-ci, lorsque les gouvernements interdisent aux navires de s’amarrer sur leurs côtes en raison de la peur du virus, les profits juteux deviennent rapidement des pertes importantes.
Pour aggraver le problème, ces larges coûts fixes sont financés par d’importantes dettes, un total de 29G$ pour les 3 entreprises de croisière mentionnées. Prenons l’exemple du plus gros joueur, Carnival Corp. La société a 7,3G$ de dette venant à échéance au cours des 4 prochaines années. Le nouveau navire moyen a une durée de vie utile de 30 ans. Il y a un décalage évident entre l’actif et le passif, et au cours des prochains mois, vous entendrez de nombreuses histoires de créanciers frappant aux portes de ces croisiéristes.
Avec cette confluence de facteurs, les rendements cumulatifs de ces 3 entreprises de croisières cotées en Bourse ont connu une baisse abrupte. Leurs titres ont baissé respectivement de 77%, 82%, 84% jusqu’à présent cette année.
Pour aggraver les choses, ces 3 sociétés sont constituées au Panama, au Libéria et aux Bermudes afin de payer de bas taux d’imposition. Lorsque le moment du point de non-retour approchera, ils auront probablement plus de mal à lancer des appels à l’aide aux gouvernements et aux citoyens en colère.
Bien que les problèmes à venir puissent être très variés, les investisseurs réapprennent à quel point les activités à forte intensité de capital et avec beaucoup de dettes peuvent être dangereuses. Parfois, il vaut mieux savoir quoi éviter que savoir quoi acheter pour braver la tempête.
Patrick Thénière, CIM, Associé Barrage Capital