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Cette PME veut transformer le marché des terres rares

François Normand|Publié le 08 mai 2019

Elle a commencé à faire de la deuxième transformation de ces éléments présents dans les voitures électriques.

Une PME de Boucherville pourrait bien changer la donne dans le marché des terres rares en Amérique du Nord en misant sur la deuxième transformation, du moins si sa stratégie à long terme se déroule comme prévu.

Cette entreprise montérégienne est Ressources Géoméga (GMA, 0,16$). Elle est inscrite à la Bourse de croissance TSX, et compte parmi ses actionnaires Desjardins, le Fonds de solidarité FTQ et la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Géoméga est une société d’exploration minière, qui est propriétaire du gisement de terres rares de Montviel, au nord de la ville de Lebel-sur-Quévillon, en Jamésie, dans la région du Nord-du-Québec.

Les terres rares regroupent une famille de 15 éléments, dont le néodyme et le dysprosium. Ils servent à fabriquer des batteries rechargeables, des turbines d’éoliennes et d’autres applications dans les secteurs militaire, médical, scientifique et de l’aérospatiale.

Le Québec n’a jamais produit ces éléments stratégiques que s’arrachent les transformateurs concentrés en Asie.

Avant 2012 (quand les prix se sont effondrés), on fondait beaucoup d’espoir, dans l’industrie et au gouvernement, dans le potentiel du sol québécois qui est riche en terres rares, selon le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles.

Pour l’instant, Géoméga ne veut pas développer ce gisement en Jamésie, car les conditions du marché, à commencer par les prix, ne sont pas propices actuellement dans cette industrie dominée par la Chine.

La PME de Boucherville mise plutôt sur la commercialisation de sa technologie ISR développée par Innord, une filiale privée de Géoméga. Cette technologie recycle et traite des aimants permanents à base de terres rares que l’on retrouve notamment dans les voitures électriques et les éoliennes.

En fait, sa technologie sépare les terres rares (en l’occurrence, le praseodymium, le néodyme, le terbium et le dysprosium) contenues dans les aimants permanents, et ce, grâce à un procédé sans solvant organique.

«Nous avons actuellement une mini-usine pilote qui fonctionne, et qui est établie dans les locaux du Conseil national de recherches Canada, à Boucherville», explique le président et chef de la direction de Géoméga, Kiril Mugerman.

La PME a deux sources d’approvisionnement pour recycler les terres rares :

  • les aimants récupérés en fin de vie utile, quand on démantèle une éolienne, un véhicule électrique ou un disque dur.
  •  les résidus produits par les fabricants d’aimants et d’alliages.

Ainsi, à partir de ces deux sources, Géoméga récupère les terres rares pour les transformer en une nouvelle matière première qui sera à son tour achetée par des fabricants d’aimants permanents.

Des aimants qui se retrouveront à nouveau dans de nouvelles éoliennes ou des voitures électriques, créant ainsi ce qu’on appelle une économie circulaire.

La PME veut construire une usine de démonstration

Géoméga affirme que sa technologie fonctionne et qu’elle peut passer à sa deuxième étape, soit la construction d’une usine de démonstration au coût de deux millions de dollars. L’usine de démonstration aura une capacité de traitement de 1 tonne par jour et celle-ci pourra être augmentée à 1,5 tonne par jour ou l’équivalent de 500 tonnes d’aimants par année.

«Nous sommes à l’étape d’avant-projet qui durera de deux à trois mois, dit Kiril Mugerman. La construction de l’usine prendra environ 6 mois, pour une production qui pourrait débuter durant le premier semestre de 2020.»

L’entreprise a déjà identifié un fabricant d’aimants permanents en Europe qui achètera sa production.

À terme, Géoméga envisage de traiter jusqu’à 2 000 tonnes d’aimants par année, ce qui pourrait générer des ventes de 40 à 50 M$ au prix du marché d’aujourd’hui, estime le patron de Géoméga.

La stratégie à long terme est de démontrer que le Québec et l’Amérique du Nord peuvent faire de la deuxième transformation de terres rares à grande échelle.

Aussi, quand la demande nord-américaine sera plus forte pour les produits issus de la deuxième transformation locale de terres rares pour les aimants permanents, Géoméga pourra alors envisager d’exploiter son propre gisement près de Lebel-sur-Quévillon.

«Je pense qu’avec la croissance de la demande globale pour les terres rares et les aimants permanents, une mine pourrait être envisageable dans 10 ans», dit-il.