La menace de récession aux États-Unis et en Europe, combinée à l’inflation, contribue à affaiblir la demande internationale en produits chinois ces derniers mois. (Photo: Getty Images)
Pékin — La Chine est entrée mercredi en déflation pour la première fois depuis 2021, dernier signe d’une longue série d’indicateurs à traduire un ralentissement dans la deuxième économie mondiale.
Voici les principaux obstacles qui pèsent sur l’activité et les solutions préconisées par les économistes.
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Soutien limité
Pour relancer à la fin des années 2000 une économie alors affaiblie par la crise financière mondiale, la Chine avait investi 4 000 milliards de yuans pour stimuler l’activité.
Ce vaste plan de relance avait permis de développer considérablement les infrastructures (routes, aéroports, lignes TGV…), au risque de multiplier les projets inutiles et de creuser l’endettement.
Soucieux d’assainir ses finances, Pékin préfère désormais des mesures ciblées à un plan de relance massif et coûteux, remarque l’économiste Larry Hu, de la banque d’investissement Macquarie.
Le pouvoir a notamment dévoilé en juillet des mesures pour stimuler l’achat d’électroménager et de véhicules électriques.
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Consommation atone
La Chine a bien multiplié ces dernières semaines les annonces censées faire repartir la consommation.
Mais sans s’attaquer au fond du problème, selon les analystes du cabinet Trivium, spécialisé dans l’économie chinoise.
«Les décideurs n’ont aucune idée de la manière d’augmenter les revenus des ménages», déplorent-ils dans une note.
Car la reprise s’essouffle, le marché du travail est sous tension (un jeune sur cinq est sans emploi) et les ménages se serrent la ceinture.
Tant que ce problème n’aura pas été réglé et «que les perspectives économiques resteront incertaines», la consommation «ne repartira pas», prévient Trivium.
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Spectre de la déflation
Compte tenu de la conjoncture, les ménages vont demeurer «prudents avant d’acheter des biens de grande valeur» au risque d’alimenter la déflation, prévient l’analyste Ken Cheung, de la banque japonaise Mizuho.
Si sur le papier une baisse des prix des biens et services peut sembler une bonne chose pour le pouvoir d’achat, la déflation est une menace pour la reprise. Car au lieu de dépenser, les consommateurs reportent leurs achats dans l’espoir de davantage de baisses de prix.
Faute de demande, les entreprises réduisent leur production et consentent à de nouvelles ristournes pour écouler leurs stocks, tandis qu’elles gèlent les embauches ou licencient.
Les économistes parlent alors d’une spirale néfaste, dont il est difficile de sortir.
Immobilier en crise
La pierre est un pilier de l’économie, dans un pays où la construction a longtemps été pour les Chinois un moyen sûr pour faire fructifier leur épargne.
Mais les déboires financiers d’une grande partie des promoteurs, dont nombre luttent désormais pour leur survie, alimentent une crise de confiance avec des acheteurs potentiels.
La banque centrale a prolongé jusqu’à fin 2024 son soutien aux promoteurs, via notamment des extensions de remboursement de prêt, pour permettre aux groupes d’achever des chantiers en cours — et ainsi rassurer les acheteurs.
Plusieurs villes à l’image de Zhengzhou (centre) ont également assoupli les règles d’achat pour stimuler la demande.
Mais les résultats risquent de ne pas être à la hauteur, prévient l’analyste Ting Lu, de la banque Nomura, en raison du «manque de confiance en l’avenir» des ménages et de la «baisse démographique» en Chine.
Ce phénomène devrait contribuer à une baisse durable des prix de l’immobilier et faire perdre de l’intérêt aux investissements dans la pierre.
Commerce pénalisé
La Chine reste très dépendante des exportations malgré la montée en gamme de son économie.
Mais la menace de récession aux États-Unis et en Europe, combinée à l’inflation, contribue à affaiblir la demande internationale en produits chinois ces derniers mois.
Pour soutenir le secteur, Pékin pourrait «déprécier» sa monnaie face au dollar, pressent Ken Cheung.
Cette mesure, à laquelle la Chine a déjà eu recours dans le passé, rendrait techniquement le coût de ses marchandises plus compétitives à l’étranger.
En juillet, les exportations ont connu leur plus fort repli en plus de trois ans (-14,5% sur un an), au moment où des milliers d’entreprises tournées vers l’export tournent déjà au ralenti.
Tensions géopolitiques
Dans un contexte de tensions avec Pékin, certains responsables politiques en Occident prônent un «découplage» avec la Chine, c’est-à-dire de couper tout lien économique, ou du moins de limiter leur dépendance.
Résultat, «les étrangers réduisent leurs investissements en Chine», observent les analystes de SinoInsider, un cabinet spécialisé sur la Chine et basé aux États-Unis.
Ils sont tombés au deuxième trimestre à leur plus bas niveau depuis 1998, selon la banque d’affaires américaine Goldman Sachs.
Dans ces conditions, «Pékin a peu d’options pour sauver son économie», estime SinoInsider.
Et de souligner que la nouvelle loi anti-espionnage, entrée en vigueur en juillet et source d’inquiétude pour les milieux d’affaires, avait «davantage érodé la confiance» des investisseurs.