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Cineworld, entre pandémie et ambition, au bord de la faillite

AFP|Publié le 22 août 2022

Cineworld, entre pandémie et ambition, au bord de la faillite

L'entreprise dit en outre évaluer «diverses options stratégiques» pour se recapitaliser et se désendetter ce qui entraînerait «probablement une dilution très importante des parts existantes dans Cineworld». (Photo: 123RF)

Londres — La chaîne de cinémas britannique Cineworld envisage un dépôt de bilan, aux États-Unis et peut-être ailleurs, parmi plusieurs «options stratégiques» pour «trouver de nouvelles liquidités et restructurer son bilan» en pleine crise des salles obscures.

D’après la chaîne lundi, elle maintiendrait ses opérations lors d’une telle éventualité, qui n’aurait «pas d’impact significatif sur les employés».

En revanche, cela se traduirait par une «dilution très importante» de la valeur de l’action du groupe, numéro deux mondial avec plus de 9 000 écrans sur 751 sites dans 10 pays.

Il opère sous les marques Cineworld et Picturehouse au Royaume-Uni et en Irlande ou encore Regal Cinemas aux États-Unis.

La semaine dernière, le groupe avait déploré une reprise de la demande plus lente que prévu depuis la réouverture des salles post-confinement, que Cineworld attribue à un manque de «blockbusters», des films à grosses entrées.

Le groupe avertissait d’un besoin de levée de fonds qui risquait de diluer la valeur de l’action.

Celle-ci s’était écroulée, encore plus après des informations du Wall Street Journal avertissant de plans de dépôt de bilan.

Elle a perdu au total 89% de sa valeur depuis le début de l’année et fondait encore de 20% à 3,28 pence lundi vers 10h20, heure du Québec.

 

Concurrence du streaming

Pour Victoria Scholar, analyste d’Interactive Investor, «l’entreprise a été détruite par la pandémie», car la COVID-19 a fait «fermer les écrans pendant des mois, Hollywood était incapable de produire des succès et les préférences des consommateurs se sont portées sur le streaming» d’autant que certaines chaînes de télé comme Sky «sortent maintenant les titres à succès en même temps que les cinémas». 

Mais selon Russ Mould, d’AJ Bell, ce sont aussi largement des problèmes internes qui ont causé sa perte.

Plus que d’un «déclin du cinéma», «les problèmes de Cineworld viennent d’une stratégie de croissance trop agressive qui s’est appuyée sur des montagnes de dette pour payer l’achat de la chaîne américaine Regal», juge l’analyste.

Cineworld avait divisé par cinq l’an dernier sa perte massive de 2,7 milliards de dollars américains enregistrée en 2020, au plus fort de la pandémie, profitant notamment fin 2021 du succès de «Spider-Man», sans toutefois revenir aux niveaux pré-COVID.

Mais la dette du groupe a enflé à 8,9 G$US.

Cineworld avait racheté en 2018 la chaîne américaine Regal Entertainment pour quelque 5,8 G$US, mais avait tenté dès l’année suivante et malgré sa dette déjà lourde de mettre la main sur la chaîne canadienne Cineplex.

La fusion était ensuite tombée à l’eau et le groupe s’est vu infliger une lourde amende par un tribunal d’Ontario lui ordonnant de payer près d 1,3 milliards de dollars canadiens de dommages et intérêts à Cineplex, ce dont Cineworld a fait appel.

Un film comme «Top Gun: Maverick» — qui a déjà récolté quelque 1,4 G$US au box-office cette année — a redonné espoir dans une renaissance du grand écran, mais si d’autres grosses machines comme «Mission impossible 7» ou «Avatar 2» sont attendues d’ici là fin de l’année, les observateurs estiment que ce n’est pas encore assez.

«Même si le succès énorme de “Top Gun: Maverick” a dynamisé un peu les ventes, Cineworld a besoin de plus de puissance en termes de cartons d’audience pour véritablement se refaire une santé», estime Susannah Streeter, analyste de Hargreaves Lansdown, interrogée par l’AFP.

«Même après s’être restructurée, Cineworld fera toujours face à des difficultés de taille, car il est peu probable que les ventes de tickets retrouvent totalement leur gloire d’antan», ajoute-t-elle.

Par comparaison, même si le numéro un mondial, l’américain AMC, est confronté aux mêmes difficultés sectorielles, son action avait bénéficié l’an dernier d’un bref engouement de certains petits investisseurs pour des actions comme GameStop, souvent sans rapport avec leurs fondamentaux financiers.

Cette frénésie n’a pas duré, mais AMC en avait néanmoins profité pour regonfler ses liquidités.

Les actions d’AMC s’en sortent au final mieux que celles de Cineworld: elles ne sont en baisse «que» de 34% sur l’année.