«Cela fait déjà quelques jours en interne qu'on anticipe une éventuelle fermeture de marché.»
Face à la propagation implacable du coronavirus, un mouvement de panique a saisi les Bourses mondiales. Pour l’enrayer, l’hypothèse d’une fermeture pure et simple des marchés financiers commence à être évoquée, même si autorités et opérateurs rejettent pour l’instant cette idée.
Aux États-Unis, des mesures exceptionnelles ont déjà été mises en place pour tenter de limiter l’affolement, dont les «coupe-circuits».
Ce système prévoit que les échanges soient suspendus quinze minutes quand l’indice S&P 500 chute de plus de 7%, le temps pour les investisseurs de reprendre leurs esprits. Il a déjà été utilisé trois fois au cours des six dernières séances.
Si l’indice qui représente les 500 plus grandes entreprises de Wall Street abandonnait 13%, un deuxième arrêt de la même durée aurait lieu. S’il perdait 20%, la séance serait suspendue.
Mais certains voudraient que les autorités aillent plus loin et décident de complètement «débrancher les marchés».
«Au-delà des mouvements déclenchant les coupe-circuits, le volume des échanges est faible et la volatilité élevée», souligne Stephen Innes, responsable de la stratégie des marchés chez AxiCorp.
«Au final, les perdants sont les plans de retraite durement acquis par certains travailleurs et ceux dont le départ à la retraite est repoussé de cinq à dix ans», justifie-t-il.
«Cela fait déjà quelques jours en interne qu’on anticipe une éventuelle fermeture de marché», indique de son côté Christopher Dembik, responsable de la recherche économique chez Saxo Banque.
Si une telle décision était prise, elle viendrait plutôt des Etats-Unis où la chute continue des indices – le Dow Jones a déjà perdu plus de 25% depuis mi-février – pourrait forcer la main des responsables politiques, avance-t-il.
Alimenter l’anxiété
Mais une fermeture de quelques jours, comme lors de la Grande crise de 1933 ou après les attentats du 11-Septembre, ne résoudrait pas le problème, concède M. Dembik.
La propagation de la pandémie, et toutes les incertitudes qu’elle génère, «ne va pas s’arrêter avant quelques semaines, et il est inimaginable d’être sur un scénario comme en 1914, où la Bourse de New York avait fermé pendant quatre mois et demi.»
Les principaux opérateurs écartent pour l’instant cette idée.
«Les marchés doivent continuer à fonctionner dans des périodes comme celles que nous traversons actuellement», a ainsi affirmé le patron de l’autorité américaine des marchés financiers (SEC), Jay Clayton, sur la chaîne CNBC lundi.
La patronne du New York Stock Exchange, la mythique place boursière de Wall Street, a aussi insisté lundi sur l’importance de continuer à vendre et acheter des actions.
«Même si nous avons tout à fait conscience des inquiétudes des investisseurs sur la chute des cours, et que nous y sommes sensibles, le marché ne fait que refléter les incertitudes auxquelles tout le monde fait face en ces jours difficiles», a écrit Stacey Cunningham sur Twitter.
«Fermer les marchés ne modifierait pas les causes fondamentales de la baisse des cours, ne permettrait plus de refléter de façon transparente l’état d’esprit des investisseurs, et réduirait l’accès des investisseurs à leur argent», a-t-elle ajouté. Cela ne ferait «qu’alimenter l’anxiété».
«Le but de ces marchés est d’apporter aux titres – actions et obligations – de la liquidité et la possibilité d’être échangés», rappelle Richard Scylla, spécialiste de l’histoire des marchés financiers à l’Université de New York (NYU).
«Si les marchés ferment, c’est fini. À plus long terme, cela découragerait les gens d’investir», souligne-t-il.
Par ailleurs, une fermeture des marchés «n’empêche pas les pertes» encaissées par les petits épargnants, «elle ne fait que les cacher en attendant que les marchés réouvrent.»
Il serait irresponsable de fermer le marché « à chaque fois qu’on n’aime pas la direction qu’il prend », avance de son côté Quincy Krosby, responsable de la stratégie des marchés chez Prudential Financial.
Si d’autres appellent à une limitation des ventes à découvert, qui permettent de parier sur la baisse des cours, elle plaide pour un examen plus minutieux du rôle du courtage à haute fréquence et tout automatisé.
«L’ampleur et la rapidité des mouvements est si importante, à la hausse comme à la baisse, que beaucoup s’en plaignent», relève-t-elle.