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Faut-il explorer les mines d’or?

John Plassard|Mis à jour le 16 avril 2024

Faut-il explorer les mines d’or?

(Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Il n’y a pas un jour sans que les investisseurs ne parlent de l’évolution de l’or. Les raisons de cet engouement sont multiples : incertitudes géopolitiques, achats des banques centrales ou encore forte demande des entreprises. Cependant, il y a aussi un autre pan qui semble avoir été oublié et qui pourrait être intéressant à analyser: les mines d’or. Synthèse, analyse et occasions favorables.

Les faits

Mardi, l’or s’est établi à de nouveaux records après que les dernières données sur les commandes d’usines et le secteur des services aux États-Unis aient indiqué des signes de ralentissement de l’activité économique aux États-Unis, renforçant les arguments en faveur d’une baisse des taux de la Fed cette année.

Par ailleurs, on a appris qu’en janvier, les banques centrales ont déclaré avoir augmenté leurs réserves officielles mondiales d’or de 39 tonnes. Cela représente plus du double des achats nets (révisés) de décembre (17 t), et le huitième mois consécutif d’achats nets.

L’année dernière, les banques centrales ont mis l’accent sur la valeur de l’or dans la réponse aux crises, sur ses attributs de diversification et sur ses qualités de réserve de valeur. Quelques mois après le début de l’année 2024, le monde ne semble pas moins incertain, ce qui signifie que les raisons de posséder de l’or sont plus pertinentes que jamais. 

Cependant, les mines d’or semblent aujourd’hui à la traîne alors qu’historiquement il y a un « lien fraternel » entre les deux actifs. Comment expliquer une telle sous-performance et l’écart pourra-t-il être rattrapé ?

 

Petits rappels utiles

Pour mieux appréhender les enjeux actuels de l’industrie aurifère, il convient dans un premier temps de comprendre comment l’or, contenu dans les minerais, a été extrait. En effet, selon la nature du gisement, les méthodes d’extraction varient. Nous allons nous focaliser sur les trois principales techniques:

• La séparation par gravité

Ce procédé repose sur une des propriétés physiques de l’or, sa densité. Étant tout particulièrement élevée, elle peut varier entre 15 et 19,3. La séparation par gravité vise à jouer sur la différence de densité entre l’or et les autres minéraux, qui l’accompagnent et qui possèdent une densité plus faible, pour les séparer.

• L’amalgamation

Au contact du mercure, l’or va réagir pour former un amalgame. À haute température, cet alliage va extraire l’agent chimique, permettant ainsi la récupération de l’or. Bien que cette méthode soit extrêmement néfaste pour l’environnement et peu convaincante — en effet, seulement 60% d’or est récupéré —, les exploitations minières artisanales et à petite échelle continuent de l’utiliser pour son coût peu onéreux et son accessibilité.

• La cyanuration

Introduite en 1887 par McArthur and Forrester, la cyanuration est la technique la plus répandue dans l’industrie aurifère. En effet, 80 % de l’or produit dans le monde est issu de ce procédé. Cependant, elle reste soumise à une stricte réglementation en matière d’utilisation dans les pays qui observent la loi. Après avoir été réduit en plusieurs fragments, le minerai est immergé dans une solution de cyanure de sodium pour être ensuite filtré en vue d’une désoxygénation.

En y ajoutant de la poussière de zinc ou du charbon actif, l’or va se condenser au fond de la cuve pour être ensuite récupéré et fondu en lingots.

En plus d’utiliser des intrants chimiques, l’extraction aurifère nécessite une large quantité de minerais pour obtenir des résultats qui restent relativement faibles. Ainsi, extraire 1 gramme d’or génère plus de deux tonnes de rebuts miniers ce qui peut avoir un impact écologique important.

 

À SUIVRE -> Pourquoi il faut aussi regarder les mines d’or?

Pourquoi il faut aussi regarder les mines d’or?

Il y a plusieurs raisons aujourd’hui pour s’attarder sur les mines d’or, et notamment :

• Car les mines d’or exploitent… de l’or !

Certains investisseurs ont tendance à l’oublier, mais l’or provient tout simplement des mines ! En effet le regain d’intérêt pour l’or physique va très logiquement dynamiser l’extraction des mines à travers une demande plus accrue.

• Car il y a un potentiel de hausse (et de baisse) plus élevé

Les mines d’or ont un potentiel de hausse qui est théoriquement plus élevé que pour le métal en lui-même. En effet, sa progression (et sa baisse) dépend de la demande pour son produit final (l’or donc), mais aussi de la gestion (et donc des résultats) de l’entreprise qui gère la mine.

• Car il y a plus de transparence

Dans le même esprit, on peut ajouter qu’avec les valeurs minières, l’investisseur a immédiatement accès aux états financiers trimestriels, aux mises à jour périodiques des présentations de la direction et à une foule de données supplémentaires de plus que les moteurs de croissance macroéconomique et techniques qui influencent l’or. Le fait d’avoir davantage de données fondamentales peut ainsi permettre aux investisseurs de prendre une décision plus structurée.

• Car la direction de la mine est « flexible »

La « flexibilité » de la direction de l’entreprise minière est aussi un atout de poids. En effet, dans un environnement où les prix des métaux seraient en baisse et/ou la demande en baisse, la direction d’une entreprise pourrait choisir de freiner ses dépenses ou de restructurer l’entreprise afin de réduire ses dépenses et soutenir ses marges.

Dans un contexte de hausse des prix, comme c’est le cas actuellement, cette même équipe de direction pourrait explorer les possibilités d’expansion dans les mines à forte teneur en minerai afin d’augmenter la production et la rentabilité.

Enfin, une autre façon pour la direction d’influencer la rentabilité est de procéder à des fusions/acquisitions. La capacité à conclure des accords ou à vendre des actifs non essentiels peut permettre de réaliser des économies et d’améliorer la croissance et/ou les bénéfices.

• Car il y a un dividende

La possibilité d’encaisser un dividende est aussi un attrait important pour l’investisseur. Effectivement, vous n’êtes pas sans savoir que l’or physique ne dégage pas de dividende tout comme les autres métaux d’ailleurs.

• Car il y a plus de liquidité

Contrairement à l’or physique, les mines d’or (la majeure partie et notamment les ETF sur la thématique) sont extrêmement liquides, ce qui implique que contrairement à l’or physique, son achat ou sa vente est très facile. Les mines d’or sont effectivement cotées sur plusieurs places financières.

 

À SUIVRE -> Les aspects techniques

Les aspects techniques

Au-delà des aspects fondamentaux, il y a des aspects techniques qui militent en faveur d’un rebond des mines d’or :

• Mines contre Or physique

Intéressant de constater la sous-performance des mines face à l’or physique. Le bêta historique des actions minières par rapport au prix de l’or s’établit à 0,58, ce qui signifie qu’elles ont tendance à sous-performer lorsque le prix de l’or augmente, et inversement.

La sous-performance s’explique notamment par le manque d’attrait pour ce segment ces dernières années (secteur moins immunisé que l’or aux tensions géopolitiques notamment), les investisseurs ayant, par exemple, plus privilégié les valeurs technologiques de croissance.

Aujourd’hui le ratio est cependant de 0,37, ce qui est l’un des plus bas niveaux depuis près de 30 ans…

• Mines vs S&P 500

Au même titre que la sous-performance des mines d’or par rapport à l’or physique, on constate que le niveau de sous-performance des mines par rapport au S&P 500 est proche de ceux d’il y a 25 ans. Cela s’explique, entre autres, par la plus grande attirance des investisseurs vers les valeurs de croissance qui ont largement pesé dans la performance de l’indice américain.

• Mines contre Price to Ebitda

En termes de valorisation, on constate aussi que les mines d’or sont en retard sur le S&P 500 puisque le ration Price to Ebitda (prix par rapport au bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements) des 2 actifs est de 0,49.

Très intéressant de constater que tout dernièrement, les attentes en termes d’Ebitda ont fortement augmenté et que la valorisation s’est écrasée…

• Mines vs dette à court terme

En termes de liquidité, le «current ratio», ou ratio de liquidité générale, est largement supérieur au S&P 500. Pour mémoire, il permet d’évaluer la situation de liquidité d’une entreprise, sa capacité à faire face à ses engagements à court terme. Il se calcule en divisant l’actif courant par le passif courant. Un ratio élevé indique la capacité de faire face facilement aux dettes à court terme (dettes fournisseurs, dettes court terme, impôts, etc.) au fur et à mesure que celles-ci arrivent à maturité.

 

À SUIVRE -> Les risques

Les risques

On ne peut cependant minimiser le fait qu’il y a des risques qui entourent les valeurs minières aurifères, et notamment :

• Échec de l’exploration: Les sociétés du secteur dépensent souvent des millions de dollars pour financer de nouvelles mines, pour ensuite trouver une quantité de métal non rentable.

• Géopolitique: Dans certains pays, le risque géopolitique peut être important et pousser certaines mines à stopper leur production en fonction de revendications diverses

• Le financement: Les banques sont souvent réticentes à financer des opérations à haut risque. Lorsque les sociétés minières ne parviennent pas à s’endetter, elles peuvent être contraintes d’émettre davantage d’actions et de diluer les actionnaires existants.

• Le prix de l’exploitation: Rappelons que le diesel et le fioul sont les postes budgétaires les plus importants pour les mineurs d’or.

 

L’aspect ESG à ne pas négliger

Lorsqu’on parle de mines d’or ou de mines tout simplement, il s’agit de ne surtout pas négliger l’aspect ESG. D’un point de vue social tout d’abord, car certaines mines « sauvage » exploitent souvent des enfants ou des personnes sans respecter les conventions en place.

Ensuite d’un point de vue écologique, plusieurs catastrophes naturelles ont vu le jour ces dernières années.

On songe notamment à la catastrophe du Rio Doce en 2015, au Brésil. La rupture d’un barrage de déchets miniers avait libéré de la boue potentiellement contaminée.

Celle-ci s’était déversée dans la vallée puis avait pollué le fleuve Rio Doce sur plusieurs centaines de kilomètres avant d’atteindre l’océan Atlantique.

 

À SUIVRE -> Quelles sont les entreprises actives dans la thématique?

Quelles sont les entreprises actives dans la thématique?

Il y a bien évidemment de nombreuses entreprises dans le secteur des mines d’or, mais on peut cependant relever :

• Dundee Precious Metals CORP

• Centamin PLC

• Barrick Gold CORP

• Harmony Gold CORP

• Perseus Mining LTD

 

Synthèse

Devant le récent record de l’or, l’investissement dans les mines d’or peut s’avérer payant pour de nombreuses raisons fondamentales (potentiel de hausse plus élevé que sur l’or, flexibilité des dirigeants, dividendes pour certaines entreprises ou encore liquidité plus importante) et techniques (valorisation attractive et sous-performance face à l’or et au S&P 500). Il ne faut cependant pas oublier qu’il y a des risques liés à l’investissement (échec de l’exploitation, aspect géopolitique ou encore le financement d’un projet). À regarder de très près…

 

Ce texte est tiré de l’infolettre quotidienne de John Plassard, gracieuseté de Mirabaud

 

** Veuillez prendre note que les visuels de notre expert sont présentés en anglais à titre informatifs et ne peuvent être traduits par notre équipe. Merci de votre compréhension.