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Jerome Powell fait-il la pluie et le beau temps?

John Plassard|Publié le 28 février 2024

Jerome Powell fait-il la pluie et le beau temps?

Jerome Powell (Photo: Getty Images)

EXPERT INVITÉ. Si vous l’avez oublié, Jerome Powell a été nommé par Donald Trump. Dans un premier temps très «proche», l’ancien locataire de la Maison-Blanche a dans un deuxième temps reproché tout et n’importe quoi au président de la Fed. La hausse du dollar, les taux d’intérêt trop élevés ou encore la baisse des marchés financiers! Quoi qu’il en soit, si Donald Trump devait revenir à la tête de la première économie mondiale, il est (très) probable que Jerome Powell perde rapidement son poste. Quelles en seraient les conséquences, comment évoluent des taux durant l’année présidentielle américaine et qui pourrait le remplacer?

 

Les faits

L’ancien président américain a déclaré que, s’il était réélu, il ne maintiendra pas Jerome Powell à la tête de la Réserve fédérale.

Donald Trump a déclaré à Fox News qu’il pensait que Jerome Powell était «politique», ajoutant: «Je pense qu’il va faire quelque chose qui va probablement aider les démocrates, je pense, s’il abaisse les taux d’intérêt.»

Pour mémoire, Donald Trump a nommé Jerome Powell à la tête de la banque centrale du pays en novembre 2017, mais il a régulièrement critiqué ce dernier sur l’augmentation des taux d’intérêt

L’ancien président a aussi déclaré à Fox News qu’il pensait que Jerome Powell n’avait pas réussi à juguler l’inflation.

L’ancien président a également déclaré qu’il y aurait «un risque d’inflation massive à nouveau» si les taux d’intérêt étaient bientôt abaissés (alors qu’en 2020 il plaidait pour des taux proches de zéro).

Le mois dernier, Donald Trump, candidat à l’investiture républicaine pour la présidentielle, a prédit que l’économie allait s’effondrer et a déclaré qu’il espérait que cela se produise avant son retour à la Maison-Blanche.

Dans l’interview accordée à Fox toujours, Donald Trump s’est attribué le mérite de l’envolée du marché boursier depuis novembre dernier, affirmant que c’est parce que les investisseurs «pensent que je vais être élu». Ambiance.

 

À SUIVRE -> Peut-on limoger un président de banque centrale?

Peut-on limoger un président de banque centrale?

Le mandat de Jerome Powell se terminera en mai 2026, soit près de 1,5 an après le potentiel retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Se pose la question de savoir si le milliardaire peut le limoger à son arrivée avant le terme du mandat du président de la Fed.

La loi est assez floue sur ce sujet. En effet le Federal Reserve Act spécifie qu’un président peut révoquer un gouverneur (ce qui pourrait inclure le président de la Fed) pour une «cause» et non pour des différents politiques. L’interprétation de «for cause» est bien évidemment sujette à de multiples interprétations.

«Upon the expiration of the term of any appointive member of the Federal Reserve Board in office on the date of enactment of the Banking Act of 1935, the President shall fix the term of the successor to such member at not to exceed fourteen years, as designated by the President at the time of nomination, but in such manner as to provide for the expiration of the term of not more than one member in any two-year period, and thereafter each member shall hold office for a term of fourteen years from the expiration of the term of his predecessor, unless sooner removed for cause by the President.»

Mais selon les derniers rapports d’experts, cela sous-entend des malversations dans l’exercice de ses fonctions, la divulgation non autorisée de renseignements confidentiels, un comportement personnel inapproprié (harcèlement sexuel, par exemple) ou l’omission de s’acquitter des fonctions de son poste.

Si tel devait cependant être le cas, «l’affaire» serait confiée au Congrès qui devrait alors statuer.

En d’autres termes, Donald Trump peut être mécontent du président de la Réserve fédérale, mais il n’a pas le pouvoir de révoquer le président de la banque centrale ou d’une autre agence indépendante.

 

Quel est le rôle d’un président de la Fed?

La question peut paraître infantile ou simpliste, mais elle ne l’est pas du tout. Lorsqu’on parle de Jerome Powell, Christine Lagarde, on ne connaît pas réellement leurs fonctions, au-delà de leurs mandats respectifs (et souvent similaires).

Sous la direction du président, le conseil d’administration est notamment chargé d’analyser les évolutions financières et économiques nationales et internationales. Le conseil supervise et réglemente également les banques fédérales de réserve, exerce une responsabilité dans le système de paiement du pays et applique les lois sur la protection du crédit à la consommation.

L’une des fonctions les plus importantes du président est de présider le Comité fédéral de marché ouvert (FOMC), qui joue un rôle essentiel dans la définition de la politique monétaire américaine à court terme.

Conformément à la loi, le président rend compte deux fois par an au Congrès des objectifs de la politique monétaire de la Réserve fédérale. Il ou elle témoigne également devant le Congrès sur de nombreuses autres questions financières et rencontre périodiquement le secrétaire au Trésor, qui est membre du cabinet du président.

Conformément à la loi, les réunions du conseil d’administration sont présidées par le président et, en son absence, par le vice-président. En l’absence du président et du vice-président, le conseil élit un membre pour agir en tant que président «pro tempore».

 

À SUIVRE -> Comment évoluent les taux d’intérêt durant une élection présidentielle?

Comment évoluent les taux d’intérêt durant une élection présidentielle?

Répondant à une question lors d’une conférence de presse en décembre, Jerome Powell a déclaré que le fait que 2024 soit une année électorale n’entrerait pas en ligne de compte dans les décisions de la Réserve fédérale.

Jusqu’à aujourd’hui, aucun président de la Fed n’a jamais été démis de ses fonctions depuis la création de l’institution en 1913. Jerome Powell a déclaré ne pas croire que le président des États-Unis ait le pouvoir de l’évincer de son poste et a ajouté qu’il ne démissionnerait pas si on le lui demandait.

«Non, nous ne pensons pas aux événements politiques», a-t-il déclaré. «Nous ne pensons pas à la politique. Nous pensons à ce qu’il convient de faire pour l’économie. Dès que nous commençons à penser à ces choses, nous ne pouvons pas le faire. Nous devons nous demander ce qu’il faut faire. Nous ferons ce que nous pensons être bon pour l’économie au moment opportun. C’est ce que nous ferons toujours».

De même, le site web de la Fed souligne qu’il est important que l’agence soit apolitique.

«L’expérience du monde entier a également montré que les pays dotés de banques centrales indépendantes, capables de prendre des décisions libres de toute influence politique, obtiennent de meilleurs résultats économiques pour leurs citoyens», peut-on lire sur le site web.

Cependant on peut rappeler quelques statistiques historiques. Selon les données reprises par JP Morgan, depuis les années 1950, 2012 a été la seule année électorale où la Fed n’a ni augmenté ni baissé les taux d’intérêt. Cela suggère que c’est l’économie, et non la politique, qui est aux commandes en matière de politique monétaire.

La principale préoccupation de la Fed aujourd’hui est de savoir comment faire atterrir l’économie en douceur. Le pivot vers les baisses de taux nécessite une navigation prudente, afin de s’assurer que l’inflation progresse sur la dernière ligne droite et que la croissance ne bascule pas dans la récession.

Cela dit, une fois les résultats des élections connus, les propositions politiques de la nouvelle administration pourraient modifier les attentes en matière de croissance, d’inflation, monétaires et même de bénéfices.

Mais à ce stade de la course, il est encore trop tôt pour esquisser ces impacts potentiels, et il est également important de noter que toutes les propositions politiques ne sont pas adoptées.

Au fur et à mesure que le débat électoral s’intensifie, nous nous attendons à ce que les dépenses publiques et le déficit, la politique fiscale, la réglementation, le commerce et la géopolitique figurent parmi les questions les plus brûlantes.

 

À SUIVRE -> Qui pour remplacer Powell?

Qui pour remplacer Powell?

Donald Trump a déclaré qu’il avait quelques noms en tête pour remplacer Jerome Powell, qui a été reconduit dans ses fonctions par le président Joe Biden en 2022. Le second mandat de Jerome Powell prend fin en mai 2026, soit près d’un an et demi après le début du prochain mandat présidentiel.

Bien qu’il n’y ait pas encore d’annonce définitive, plusieurs noms ont été avancés comme candidats potentiels pour le poste:

• Il est possible que Jerome Powell soit reconduit pour un nouveau mandat. Ses performances au cours de son mandat et sa gestion de la politique monétaire dans des périodes difficiles, comme la pandémie de COVID-19, pourraient influencer cette décision. Jerome Powell est considéré comme étant moyennement «dovish».

• Lael Brainard, actuellement membre du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale, est considérée comme une candidate de poids. Elle possède une grande expérience de la politique économique et a participé activement à l’élaboration de la réponse de la Fed aux défis économiques. Elle est considérée comme plus «dovish» que Jerome Powell

• Roger Ferguson, ancien vice-président de la Réserve fédérale, est un autre candidat potentiel. Son expérience dans la finance et ses fonctions de direction dans les secteurs public et privé font de lui un choix crédible. Roger Ferguson est considéré comme neutre.

• Raphael Bostic, président de la Réserve fédérale d’Atlanta (Federal Reserve Bank of Atlanta), est le premier Afro-Américain à diriger une banque régionale de la Fed. Son expertise en matière de logement et de développement communautaire pourrait être précieuse. Raphael Bostic est considéré comme moyennement «hawkish».

La décision finale peut également impliquer d’autres économistes, décideurs politiques et experts financiers qui ont démontré leur compétence en matière de politique monétaire et de gestion économique.

En fin de compte, le processus de sélection sera soigneusement examiné par la Maison-Blanche, le Sénat et la Réserve fédérale elle-même (très probablement pas avant mai 2026).

 

Synthèse

L’arrivée d’un nouveau président ou d’une nouvelle présidente d’une institution monétaire est toujours très importante. Il convient cependant d’effacer quelques légendes urbaines. En effet on constate que durant les années présidentielles notamment, il y a autant de hausses que de baisses de taux et que l’indépendance des banques centrales est (normalement) respectée… Ce qui n’empêchera pas les relations entre Donald Trump (s’il devait être élu) et Jerome Powell d’être houleuses pendant près d’un an et demi…

 

 

Ce texte est tiré de l’infolettre quotidienne de John Plassard, gracieuseté de Mirabaud

 

** Veuillez prendre note que les visuels de notre expert sont présentés en anglais à titre informatif et ne peuvent être traduits par notre équipe. Merci de votre compréhension.