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Kraft Heinz: l’affaire n’est plus ketchup

Les investigateurs financiers|Publié le 12 juillet 2019

Kraft Heinz: l’affaire n’est plus ketchup

(Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. En investissement, il y a très peu de garantie. Dans un domaine tel que la physique, la plupart des choses sont régies par des lois, comme la loi de la gravité, et celles-ci sont immuables. Ce n’est pas nécessairement le cas en investissement, particulièrement à l’ère des bouleversements dans lesquels nous vivons.

Par exemple, l’idée que les marques de biens de consommation dominantes sont de bons investissements a persisté pendant longtemps. Ce graphique montre que les biens de consommation de base a été le secteur le plus performant de 1963 à 2014, et ce avec la deuxième volatilité la plus faible.

Mais aujourd’hui, tout cela devient de moins en moins vrai. Internet et les médias sociaux facilitent la communication avec les consommateurs. La publicité télévisée n’est plus la seule avenue possible pour se faire connaître. Des sociétés comme Amazon démocratisent la logistique de la distribution des marchandises. Enfin, les détaillants tels que Costco se concentrent davantage sur leurs marques privées et exigent davantage de concessions de la part des grandes marques.

Tout cela nous amène à Kraft Heinz. Les racines de l’entreprise remontent à 150 ans. Les deux marques ont été réunies dans le cadre d’un partenariat entre la société de Warren Buffett, Berkshire Hathaway, et la société de capital de risque brésilienne, 3G Capital. Les sociétés ont d’abord acquis conjointement Heinz, puis l’ont fusionné avec Kraft en 2015, contractant en cours de route une dette considérable. La presse écrite a fait l’éloge de cette transaction. Deux investisseurs légendaires, deux marques fortes.

Qu’est-ce qui pouvait mal aller? En fait, bien des choses! Depuis, on observe des problèmes liés à l’échec des mesures de réduction de coûts, à la pression continue exercée par les marques privées telles que Kirkland, à des petites marques qui utilisent plus efficacement les médias sociaux et s’adaptent plus facilement aux goûts changeants des consommateurs. Tout cela s’est terminé par la radiation de marques de Kraft Heinz pour la somme de 15,4 milliards de dollars en février dernier.

Et comment se porte Kraft Heinz aujourd’hui? Les ventes en 2015 des sociétés combinées ont été de 28 milliards de dollars. Quatre ans plus tard, les ventes ont chuté à 26 milliards de dollars, dans une économie en croissance! La société a maintenant environ 30 milliards de dollars de dette à long terme.

Avec tous ces problèmes, l’incertitude croissante et les chiffres en baisse, il serait approprié de capitaliser son bénéfice d’exploitation avant impôt à un multiple de 12,5 fois. Cela impliquerait une valeur d’entreprise de 75 milliards $US et une valeur nette de 45 milliards $US (avec 30 milliards d’endettement). Ainsi, même avec une baisse de près de 70% du cours de ses actions depuis son record de février 2017, la société ne semble toujours pas être un bon achat même avec une capitalisation boursière de 38 milliards de dollars.

En conclusion, dans ce monde en mutation accélérée, plus que jamais, 150 ans d’histoire ne garantissent rien!

Patrick Thénière, CIM, Associé Barrage Capital