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Dominique Beauchamp

La Sentinelle de la Bourse

Dominique Beauchamp

Analyse de la rédaction

La Bourse en pause comme la reprise?

Dominique Beauchamp|Publié le 19 septembre 2020

La Bourse en pause comme la reprise?

En baisse de 2,5% depuis le début de l'année, le S&P 500 est aussi 7,3% sous son sommet de février. (Source: Advisor Perspectives)

BLOGUE. Après avoir devancé la récupération économique du déconfinement, la Bourse semble s’offrir une pause en attendant d’y voir plus clair.

Le recul de 10,9% de l’indice Nasdaq 100 depuis son sommet retient le plus d’attention, mais après la hausse frénétique de 11% qu’il avait connu au mois d’août – que l’on sait provenait de l’achat massif d’options sur les titres des titans de la techno – ce n’est pas une surprise.

Il faut dire aussi que certaines données économiques ont cessé de s’améliorer après plusieurs semaines de statistiques meilleures qu’espérées. L’indice mondial de surprise économique de Citigroup avait atteint un record le 24 août, une remontée que la Bourse avait amplement anticipé comme elle le fait si souvent.

Ce qu’il faut surtout retenir de la semaine croit Martin Roberge, de Canaccord Genuity, est le fait que les secteurs des matériaux et de l’industrie ont avancé malgré le surplace du S&P 500 et du S&P/TSX. Le cuivre a terminé la semaine à un nouveau sommet annuel de plus de 3 $US la livre, signale aussi le stratège quantitatif.

Il n’est pas exclu que ces deux indices tombent sous leur moyenne mobile de 50 jours – un seuil technique surveillé de très près par les pros et les algorithmes – mais le déplacement des investisseurs des vedettes de la techno aux bénéficiaires d’une reprise mondiale est bon signe, ajoute-t-il.

Incidemment, l’indice Nasdaq a glissé sous ce seuil technique (de 10996) cette semaine, tandis que l’indice NYFANG+ (NYFANG, 5047,06 $US) est légèrement au-dessus de la barre 5000 points, le 21 septembre.

La grande crainte est de voir les leaders du marché haussier tomber sous cette barre psychologique, provoquer des ventes automatiques de la part des investisseurs actifs et des robots et ainsi déclencher un effet boule de neige.

Pas d’euphorie dangereuse

Les mois de septembre et d’octobre sont aussi plus difficiles en Bourse. Cette fois, en plus, les marchés doivent composer avec la remontée des cas de COVID-19 un peu partout dans le monde, la modération du marché de l’emploi, l’impasse au Congrès au sujet du prochain plan d’aide ainsi qu’une campagne électorale particulièrement acrimonieuse.

Malgré tout, Martin Roberge et son collègue Michael Hartnett, stratège en chef de BofA Securities, se disent tous deux rassurés par l’absence de spéculation extrême et généralisée, le pessimisme persistant des investisseurs sondés ainsi que la répartition prudente des portefeuilles des investisseurs.

Le positionnement des investisseurs et leur humeur sont encore prudents (Source: Canaccord Genuity)

Avant les corrections de plus de 10% observées en 2015-16, en 2018 et en mars dernier, divers indicateurs de spéculation étaient plus extrêmes, ajoute le stratège de Canaccord Genuity. «Les membres de l’American Association of Individual Investors consacrent en moyenne 65% de leur portefeuille aux actions. C’est nettement plus que la part de 55% en mars, mais cette proportion reste dans la moyenne à long terme», explique le stratège de Montréal.

Et même si les investisseurs mondiaux ont réduit leur encaisse de 184 milliards de dollars américains depuis six semaines, les liquidités en réserve totalisent encore 4 400 G$US. «Cet argent sonnant, tout comme la résilience des obligations de sociétés jusqu’ici, laissent croire que Wall Street se bute surtout à un sommet et n’est pas au bord d’un précipice», évoque Michael Hartnett.

Il faut toutefois reconnaître que les marchés, dit-il, ont vu la pointe des plans d’aide mondiaux, ajoute-t-il.

 

« Les 21 000 milliards de dollars américains des six derniers mois ne se répéteront dans les six prochains. Cette réalisation fait plafonner la Bourse et les obligations de sociétés  »

Pas de frein monétaire avant 2023

Si les perspectives fournies par la Fed jusqu’en 2023 déçoivent ceux qui misaient sur un retour rapide à la normale, la volonté de la banque centrale de retrouver un taux de chômage de 3,5% aux États-Unis (au lieu de l’actuel 8,4%) suggère que les taux resteront près de zéro pour encore un bon moment, ce qui devrait donner à l’économie mondiale le temps de reprendre de la vigueur.

Après la leçon du resserrement monétaire trop hâtif de 2018, la Fed veut désormais laisser la croissance économique courir, quitte à ce que l’inflation dépasse la cible de 2%. Ce nouveau pivot devrait encourager l’appétit du risque et favoriser les secteurs cycliques et les marchés émergents, disent les deux stratèges.

Déjà, les devises des pays émergents marchés s’apprécient. Les obligations et les actions de ces marchés devraient bientôt emboiter le pas.

En même temps, le secteur de la technologie devrait continuer à bien faire. Il faudrait que l’économie mondiale s’accélère et pousse les rendements obligataires à la hausse pour dégonfler l’évaluation extrême de la techno. Martin Roberge entrevoit ce scénario pour l’an prochain.

Dans l’intervalle, le stratège quantitatif est neutre envers les titans de la technologie qu’il propose de conserver. Il privilégie en même temps les secteurs cycliques des matériaux, de l’industrie et de l’énergie ainsi que les titres américains de croissance défensifs de la santé et de la consommation de base.

Cette double posture en technologie et dans les titres cycliques est très généralisée chez les clients de BofA Securities, note aussi Michael Hartnett.

Un plan d’aide à Washington et le lancement de vaccins crédibles insuffleraient évidemment un nouvel élan à la Bourse et dans le marché des obligations de sociétés. Les banques américaines boudées profiteraient alors de l’effet de la remontée des taux obligataires sur leurs marges.

Par contre, si le Congrès ou les vaccins décevaient, le S&P 500 retournerait au bas de la fourchette de 3300 à 3600 que le stratège a établi à court terme pour cet indice. «On assisterait alors au rebond de la volatilité et au retour des investisseurs aux industries et aux titres plus prudents jusqu’aux élections», prévient-il. Lundi, le 21 septembre, le S&P 500 est retombé sous 3300 en matinée.

Le mouvement de repli actuel a l’allure d’une saine correction technique après une avancée trop rapide des chouchous de la techno, soutient pour sa part Martin Roberge. Le stratège ne serait pas surpris de voir une autre avance en Bourse avant les élections qui convaincrait les investisseurs que le leadership boursier passe de la techno aux bénéficiaires de la reprise.