ANALYSE. Que l'économie se dirige vers un simple ralentissement ou une récession, la dette des entreprises ...
ANALYSE. Que l’économie se dirige vers un simple ralentissement ou une récession, la dette des entreprises deviendra un enjeu.
N’est-ce pas lorsque le cycle avance et que les banques centrales retirent des liquidités que la baisse de la marée fait émerger le bois mort sur la grève ?
Surtout que la montagne de dettes fracasse sans cesse de nouveaux records, grâce à sept ans de taux nuls et à l’appétit insatiable des caisses de retraite et des assureurs pour les obligations de sociétés.
Plusieurs craignent que le marché du crédit soit l’épicentre des prochaines convulsions financières parce que le marché des capitaux a pris le relais des banques en tant que prêteur en raison des restrictions imposées aux institutions après la crise de 2008.
La nature a horreur du vide, en particulier dans l’industrie financière.
Or, à chaque cycle, les bonnes intentions du départ se transforment trop souvent en excès, comme ce fut le cas pour les hypothèques à haut risque à l’origine de la crise.
Cette fois, c’est l’ampleur des dettes de piètre qualité, sans clause de protection, et la prolifération des prêts privés qui soulèvent des craintes.
De 40 % à 60 % des obligations de sociétés émises aux États-Unis et en Europe, incluant les prêts à effet de levier (leveraged loans), seraient dans la catégorie de pacotille, recensent divers organismes.
Les prêts se situent en haut de la structure de capital d’une entreprise, avant les obligations et les actions en cas de liquidation, ce qui peut donner un faux sentiment de sécurité.
«Les prêts privés, par exemple, ne s’échangent pas en Bourse. Il est donc impossible de les vendre à découvert, un outil de gestion de risque que les fonds utilisent parfois», explique Brian Reynolds, un analyste du marché américain des obligations de sociétés chez Canaccord Genuity.
La Fed aux aguets
La Réserve fédérale américaine (Fed) est déjà aux aguets. En septembre, la banque centrale avait directement cité les prêts à effet de levier dans un rapport sur les risques à la stabilité financière.
Une menace d’ordre systémique est peu probable selon les experts puisque les prêts sont cette fois surtout entre les mains de financiers et non des banques, tempèrent aussi la plupart des observateurs.
En outre, l’encours des obligations de sociétés de 9 600 milliards de dollars américains et les prêts à effet de levier de 1 100 G$ US sont une fraction des 61 000 G$ US de titres adossés aux hypothèques en 2007.
Malgré tout, des pertes pourraient certainement secouer les emprunteurs, exacerber une récession et appauvrir les porteurs de tels titres.
Certains fonds privés et fonds de couverture, entre autres, pourraient être contraints de vendre d’autres placements pour se renflouer, d’où la peur d’un effet de contagion.
La fuite et la dépréciation des titres de dettes des sociétés à la fin de décembre sont-elles un avant-goût de ce qui nous attend éventuellement ?
Probablement, croit M. Reynolds, qui précise que les obligations de sociétés réagissent en décalage au comportement de la Bourse.
Dans l’immédiat, les institutions retournent en force aux obligations de sociétés parce que le rendement à l’échéance que procurent ces titres est plus élevé depuis la déroute de décembre.
Le rendement moyen des obligations américaines à rendement élevé est passé de 6,17 % le 3 octobre à 8,12 % le 26 décembre, au pire de la chute des marchés. Ce rendement est retombé à 7,11 %, le 18 janvier, précise M. Reynolds.
Les grandes sociétés mieux armées
Pour l’instant, les sociétés dégagent d’amples flux de trésorerie. Leurs dettes s’échelonnent aussi sur plusieurs années.
Par contre, toute chute dans la valeur de leurs actifs ou de leurs profits (dans une récession, par exemple) aurait vite fait de changer la donne, prévient Lindsey Bell, de CFRA Research.
La stratège reste pourtant zen pour le moment parce que la croissance économique et la baisse des impôts américains ont rempli les coffres des entreprises.
Les sociétés du S&P 500 ont en effet 63 % plus de liquidités en poche que ce qu’elles avaient à la fin de 2016.
«Leur capacité à payer leurs intérêts et à rembourser leurs dettes est nettement supérieure à ce qu’elle était en 2007, avant la précédente crise», dit-elle.
La dette totale représente 1,6 fois le bénéfice d’exploitation des sociétés S&P 500, presque la moitié du niveau observé en 2009.
En revanche, les sociétés à plus petite capitalisation de l’indice S&P 600 sont en moins bonne posture que leurs grandes cousines.
Le ratio qui compare leur dette au bénéfice d’exploitation a doublé depuis 2009, à 3,9 fois, alors que les liquidités de ces PME sont à peine 6 % plus élevées qu’en 2016.
Mme Lindsey y voit une raison de plus de préférer les grandes entreprises aux plus petites, à ce stade avancé du cycle économique et boursier.