Alstom va s'efforcer ces prochaines années de connecter ses trains au reste du monde des transports. (Photo: 123RF)
Berlin — Le constructeur ferroviaire français Alstom digère plutôt bien son ancien concurrent Bombardier Transport, racheté début 2021, et va s’efforcer ces prochaines années de connecter ses trains au reste du monde des transports, indique à l’AFP son PDG Henri Poupart-Lafarge, rencontré au salon ferroviaire InnoTrans, à Berlin.
Question: Comment va Alstom, dix-huit mois après le rachat de Bombardier Transport? Vous avez un discours optimiste, mais le titre est chahuté en bourse…
Réponse: Alstom va très bien. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de problèmes. Ce que je dis, c’est qu’Alstom a une feuille de route claire, qui est suivie et qui progresse. On est dans une période de redressement avec l’intégration de Bombardier. On a fait des progrès significatifs côté opérationnel, et on y va! C’est reconnu par les clients, ceux que je rencontre ici à Berlin, l’ambiance est extrêmement bonne. Après, je ne vais pas vous dire que tous les contrats seront à l’heure, ce n’est pas vrai. Et il y a aussi des contrats de l’ancien Alstom qui sont difficiles. Mais on obtient des résultats, la dynamique est positive.
Quant au cours de Bourse, c’est difficile de tirer beaucoup de conclusions. On a d’abord baissé significativement à cause d’une certaine déception sur l’état réel de Bombardier. Et ces derniers mois, c’est l’ensemble du secteur qui baisse. Nous prenons des engagements à long terme — c’est notre métier — et nous subissons des fluctuations à court terme de notre chaîne d’approvisionnement, sur les prix, sur la COVID, etc. Nous sommes un peu pris entre les deux. Mais il y a des atouts très forts de notre métier, et notamment la résilience. Notre carnet de commandes est très important, et s’il y a une récession, elle ne nous touchera pas.
Q: Comment voyez-vous Alstom dans dix ans?
R: Je ne vois pas de révolution dans l’activité d’Alstom. On est bien dans le ferroviaire! On va rester dans le ferroviaire et on va rester mondial. On ne va pas fabriquer des soucoupes volantes et on ne va pas racheter une entreprise qui fait des crèmes glacées. En revanche, il va y avoir une grande évolution à l’intérieur de nos produits.
Le train doit baigner dans un environnement digital: le véhicule, les rails, les gares, etc. doivent être reliés les uns aux autres dans un même système opérationnel, dans lequel le véhicule ne sera qu’un des sous-systèmes. Tous les systèmes informatiques sont actuellement indépendants les uns des autres, et demain il n’y en aura qu’un, qui sera intégré au centre de gestion de l’opérateur. Il faudra d’ailleurs interconnecter tout ça au reste de la mobilité globale: il faut que les systèmes se parlent. Certains clients nous demandent même d’héberger tout le système informatique.
Dans les usines, on va aller de plus en plus vers plus d’automatisation de la fabrication de nos trains. Il y a encore un côté très artisanal, lié surtout à la taille des produits.
Q: Alstom est pionnier du train à hydrogène. Comment envisagez-vous son avenir?
R: Je suis très content du train à hydrogène! La première fois qu’on l’a montré, il y avait très peu de gens qui y croyaient. On est en avance, c’est indéniable.
Comme toujours, c’est le plus affecté qui réagit: Alstom était de très loin en Allemagne le leader sur les trains diesel, et les équipes allemandes concernées ont été les premières à se dire «quel est notre avenir?» et à réfléchir à une alternative. On a eu aussi un soutien très fort de quatre Länder, dont la Basse-Saxe (nord-est) où se trouve notre usine de Salzgitter ; eux-mêmes y croyaient. C’est un pari technologique qu’on a eu le courage de lancer, en 2014.
Au passage, c’est des petites compagnies ferroviaires qui y ont cru les premières. C’est un des bienfaits de l’ouverture à la concurrence.
Maintenant, le train roule. On a prouvé qu’il y avait un cas d’usage pour l’hydrogène dans la mobilité. J’y crois très fort, mais il reste à construire tout l’écosystème et il faudra sans doute organiser l’importation de l’hydrogène.
Tous les pays vont passer des appels d’offres… Après l’Allemagne, la France et l’Italie, nous avons signé des partenariats au Royaume-Uni et en Arabie saoudite.