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La faillite de Thomas Cook crée des soucis à Transat

AFP et La Presse Canadienne|Publié le 23 septembre 2019

«Thomas Cook a échoué parce qu'il n'a pas su évoluer avec son temps.»

Il aura fallu un week-end pour sceller le sort de Thomas Cook. Mais cette chute précipitée par l’intransigeance de certaines banques s’explique à la fois par des années de gestion hasardeuse, une féroce concurrence d’internet et le Brexit.

Le vénérable voyagiste britannique a mis brutalement un terme lundi matin à 178 ans d’histoire, depuis que son fondateur, Thomas Cook, avait inventé en 1841 le tourisme moderne au début de l’ère victorienne.

Sa faillite brutale n’est pas une surprise compte tenu de l’état de santé du groupe qui n’en finissait pas de se dégrader depuis dix ans, avec une dette gigantesque de plus d’un milliard de livres.

«La dette n’a été que le symptôme d’un mal profond. Thomas Cook a échoué parce qu’il n’a pas su évoluer avec son temps», explique Neil Wilson, analyste chez Markets.com.

De son côté, le gouvernement britannique, qui a ouvert une enquête, a estimé qu’il « y avait plusieurs raisons compliquées derrière la faillite », selon une porte-parole de Downing Street.

Le tournant peut être daté de 2007 quand le groupe se lance dans le rachat de MyTravel, un spécialiste britannique du voyage organisé traditionnel.

Cette acquisition au prix fort sera difficile à digérer, au moment même où le modèle du groupe est remis en question par l’essor des vacances achetées sur internet.

Au début des années 2000, il avait déjà acheté les agences Havas, puis le réseau du tour opérateur Jet Tours, deux groupes français qui ont connu leur heure de gloire dans les années 80 et 90.

Quelques années plus tard, en 2011, le groupe traverse une sévère zone de turbulences en raison du printemps arabe en Tunisie et en Egypte, qui refroidissent bon nombres de touristes européens.

Le marché sans pitié

Il frôle alors la faillite une première fois et ne doit son salut qu’à une nouvelle injection d’argent de ses créanciers, ce qui alourdit son endettement et va le contraindre à dépenser des centaines de millions de livres en intérêts.

Ainsi fragilisé, il affrontait depuis deux ans une nouvelle tempête entre les incertitudes du Brexit, qui ont encouragé beaucoup de touristes à repousser leurs vacances, la chute de la livre, qui pèse sur ses comptes, et une vague de chaleur qui a incité beaucoup d’européens à passer leurs vacances près de chez eux plutôt qu’à rechercher le soleil lointain.

Le groupe a multiplié les avertissements sur résultats et creusé ses pertes, l’action s’est effondrée: elle ne valait plus que 3,45 pence, soit 0,0345 livre, vendredi soir, contre 1,2 livre début 2018.

Cela n’a pas empêché les dirigeants d’empocher quelque 20 millions de livres au cours des cinq dernières années malgré leur incapacité à remettre Thomas Cook sur les rails, a noté la presse britannique.

Coup de grâce

L’annonce au printemps d’une prise de contrôle de l’activité de tour-opérateur par le chinois Fosun, déjà propriétaire de Club Med, a redonné un peu d’espoir. Les créanciers devaient, dans le cadre de cet accord, reprendre la compagnie aérienne pour près d’un milliard de livres.

Mais cela n’a pas suffi aux yeux de certains bailleurs de fonds, en particulier les banques RBS et Lloyds, qui ont exigé en fin de semaine dernière que le groupe trouve 200 millions de livres de plus pour assurer sa survie jusqu’à novembre 2020.

«Les banques lui ont coupé l’herbe sous le pied», selon M. Wilson.

De source proche du dossier, au-delà des banques, c’est le montage même prévu avec Fosun qui suscitait des doutes, certains jugeant qu’il y avait beaucoup à perdre tant la situation de Thomas Cook était devenue précaire.

Résultat, malgré des réunions de la dernière chance tenues à Londres au cours du week-end, personne n’a voulu mettre plus d’argent, et surtout pas le gouvernement conservateur, qui a pour principe de ne pas intervenir en cas de faillite d’une entreprise privée.

Un soutien du gouvernement à Thomas Cook, nationalisé entre 1948 et 1972, «ne l’aurait maintenu à flot que pour très peu de temps», se justifiait sur la BBC lundi le ministre des Transports, Grant Shapps.

Selon lui, «le groupe avait des difficultés profondes à évoluer dans le secteur du voyage qui s’est éloigné des agences de centre-ville pour se tourner vers les réservations en ligne». Les 22 000 employés du groupe, dont 9 000 britanniques, pourraient en payer le prix.

Les maux de tête de Transat

La fin abrupte de ce partenariat pourrait donner des maux de tête à Transat.

La société mère d’Air Transat en était à la deuxième année d’une entente échelonnée sur sept ans prévoyant l’échange d’appareils, sur une base saisonnière, avec la société britannique.

En vertu de l’entente annoncée en octobre 2017, Thomas Cook devait prêter au moins sept Airbus A321 au voyagiste québécois pour l’aider à assurer des liaisons sur les destinations soleil lors de la période hivernale. Transat A.T. devait pour sa part offrir un gros porteur A330.

« Le partenariat avec Thomas Cook est mort, a indiqué le porte-parole de Transat A.T, Christophe Hennebelle, au cours d’un entretien téléphonique. On est en train de travailler pour pouvoir recevoir les avions. Nous sommes confiants, mais il y a du travail à faire. »

Selon Transat A.T., qui devrait passer dans le giron d’Air Canada l’an prochain, les premiers A321 prêtés par Thomas Cook devaient entrer en service au début du mois de novembre.

Néanmoins, le voyagiste travaille déjà sur des plans de contingence et n’écarte pas la possibilité de louer des appareils ailleurs.

« Nous n’attendons pas à la dernière minute, a précisé M. Hennebelle. On travaille pour recevoir les avions (de Thomas Cook) et on envisage d’autres plans pour s’assurer que les horaires soient respectés. »

Interrogé quant à savoir si cette situation pourrait avoir un impact financier négatif sur les résultats de l’entreprise, son porte-parole a répondu qu’il était trop tôt, à ce stade-ci, pour se prononcer.