(Photo: 123RF)
Washington — La Fed relèvera-t-elle ses taux la semaine prochaine, malgré la tempête que connaît le secteur bancaire? Le rythme pourrait en tout cas être moins fort que ce qui était prévu il y a encore une semaine.
«Les développements récents augmentent significativement la probabilité que (la Fed) s’abstienne de remonter les taux le 22 mars», lors de sa prochaine réunion, indiquaient lundi, dans une note, les analystes de Wells Fargo.
Ils anticipent ainsi un maintien des taux de la banque centrale américaine dans leur fourchette actuelle de 4,50 à 4,75%.
La majorité des acteurs du marché table cependant sur une hausse d’un quart de point de pourcentage (25 points de base), selon l’évaluation de CME Group. Une hausse qui serait alors identique à celle annoncée le 1er février à l’issue de la précédente réunion.
Ces anticipations marquent un revirement rapide et spectaculaire par rapport à la semaine dernière, quand ils anticipaient un demi-point de hausse (50 points de base). Le président de la Fed, Jerome Powell, venait alors d’avertir que l’inflation restait bien trop forte, et que les taux pourraient grimper plus que prévu.
Mais entre-temps, la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) et de deux plus petits établissements, Signature Bank et Silvergate Bank, a fait vaciller la finance mondiale.
«Approche plus progressive»
La semaine dernière avait «commencé avec Jerome Powell suggérant (…) une réponse politique encore plus agressive et s’est terminée par l’effondrement de deux banques américaines de taille moyenne», SVB et Signature Bank, relève Neil Shearing, chef économiste pour Capital Economics, dans une note.
Et selon lui, les actions de la Fed mettant des mois à faire sentir leurs pleins effets, elle devrait «adopter une approche plus progressive (…) à partir de maintenant».
Par ailleurs, l’inflation a ralenti en février, à 6,0% sur un an, selon l’indice CPI, publié mardi et qui fait référence. C’est toujours bien trop élevé cependant au goût de la Fed, qui veut ramener la hausse des prix à 2% sur un an. Elle privilégie toutefois une autre mesure, l’indice PCE, reparti à la hausse en janvier, à 5,4% sur un an.
«Les turbulences du secteur bancaire n’empêcheront pas une hausse des taux de la Fed», estiment pour leur part Ryan Sweet et Oren Klachkin, économistes pour Oxford Economics, qui tablent pour une hausse d’un quart de point.
L’institution peut «utiliser des outils autres que les taux d’intérêt pour atténuer les pressions sur le système bancaire», estiment-ils.
Resserrer jusqu’à ce que ça casse
La pression s’intensifie donc autour de la Fed, d’autant plus que le resserrement monétaire qu’elle a opéré à marche forcée depuis un an a contribué à fragiliser les banques commerciales.
«Le système bancaire américain reste résilient et repose sur des bases saines, avec un capital solide et des liquidités dans tout le système. Le Conseil des gouverneurs (de la Fed) continue de suivre attentivement l’évolution des marchés financiers et de l’ensemble du système financier», a assuré une gouverneure de la Fed, Michelle Bowman, mardi, à des banquiers réunis à Hawaii.
Pour lutter contre l’inflation, la Fed relève, depuis un an, son principal taux directeur, ce qui renchérit le coût du crédit pour faire ralentir la consommation. Avec un effet toutefois limité jusqu’à présent.
La Fed est prête «à resserrer jusqu’à ce que quelque chose casse. L’effondrement de SVB et la saisie de Signature Bank sont des signes que cela commence à se produire», a commenté John Canavan, économiste pour Oxford Economics.
Ce ne sont donc finalement ni les chiffres de l’inflation, ni ceux de l’emploi, qui pourraient avoir le plus fort impact sur la politique de la Fed, mais ces faillites bancaires.
Et, en regardant au-delà de la réunion de la semaine prochaine, la Fed ne pourra relever encore ses taux «que si les marchés financiers et le système bancaire montrent des signes de stabilisation», soulignent les analystes de Wells Fargo.
Une vague de retraits bancaires a provoqué la défaillance de trois banques américaines la semaine dernière, dont SVB, qui ne parvenait plus à faire face aux retraits massifs de ses clients, et a été fermée vendredi par les autorités américaines.
Ces dernières ont annoncé dimanche une série de mesures pour rassurer particuliers et entreprises sur la solidité du système bancaire américain et vont notamment garantir le retrait de l’intégralité des dépôts de SVB.