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La Fed se défend d’avoir capitulé devant Trump

AFP|Publié le 31 janvier 2019

La Fed a semblé fléchir devant les marchés alors que Wall Street avait perdu presque 10 % à la fin de l’année.

La Banque centrale américaine (Fed) se défend de toute capitulation devant les pressions de Wall Street et de Donald Trump alors qu’elle a nettement changé de ton et décidé de faire une pause dans le renchérissement du coût du crédit.

« Le Dow Jones a enfoncé les 25 000 points. Super nouvelle ! », a trompeté le président Donald Trump dans un tweet mercredi à la clôture de Wall Street après la décision de la Fed de faire preuve de « patience » sur les taux.

En annonçant ce net revirement par rapport au ton qui prévalait en décembre et qui prévoyait de « futures hausses », le président de la Fed Jerome Powell a fait bondir la bourse mercredi.

Le Dow Jones a en effet terminé à son plus haut depuis deux mois, après des mois de turbulences imputées entre autres aux craintes des investisseurs de voir la Fed renchérir le coût de l’argent alors que l’inflation reste faible.

Le patron de la Fed a aussi subi pendant toute la fin d’année les vives critiques du président américain, mécontent des quatre hausses de taux de 2018. Non seulement ces relèvements ont rendu les crédits immobiliers ou à la consommation plus onéreux mais ils ont alourdi la facture de l’immense dette fédérale américaine. 

Le président Trump a traité la Fed de « folle » et s’est même interrogé à haute voix sur la possibilité qu’il avait ou non de limoger celui qu’il a choisi il y a un an.

« Jamais de considérations politiques »

Interrogé en conférence de presse mercredi sur le fait de savoir si la Fed n’avait pas cédé aux exigences de Donald Trump, Jerome Powell s’est vigoureusement défendu : « la seule chose qui nous importe à la Fed est de faire notre travail pour le peuple américain (…). On ne prend jamais en compte les considérations politiques et on n’en discute pas non plus ».

L’ancien banquier a ajouté : « il nous arrive de faire des erreurs, mais nous n’allons pas commettre de fautes mettant en doute notre intégrité ou notre réputation ».

Reste que pour certains analystes, la Fed a semblé fléchir devant les marchés alors que Wall Street avait perdu presque 10 % à la fin de l’année.

« C’est difficile d’interpréter la décision du Comité monétaire autrement que comme la capitulation de la Fed par rapport à la volatilité des marchés », a assené Michael Gaspen de Barclays Research.

Il reproche au Comité monétaire (FOMC) de ne pas avoir laissé de place à la possibilité de voir l’économie américaine et l’inflation faire mieux que prévu, comme il l’envisageait encore, un peu plus d’un mois plus tôt.

Dans le communiqué officiel, la description de l’état de la première économie mondiale est encore optimiste, l’appréciation de la croissance qualifiée de « solide » au lieu de « forte ». Jerome Powell a lui-même assuré que l’économie était « sur la bonne voie ».

« Hyper-colombe »

Mais il a cité une flopée de « contre-courants » qui ont « affaibli les arguments pour des hausses de taux ».

Le ralentissement de la croissance en Chine et en Europe pourrait handicaper les exportations américaines, tandis qu’un second « shutdown » pourrait miner la confiance, a-t-il affirmé.

Sans compter la tension « considérable » sur les marchés financiers, les incertitudes des négociations commerciales avec la Chine, « ennemies des affaires » et même les ricochets d’un scénario de « Brexit dur ».

Résultat, les investisseurs pensent désormais quasi unanimement que le cycle de hausses est terminé pour l’année, selon CME Group.

Un petit changement de vocabulaire n’a pas échappé aux exégètes quand, dans son communiqué, le FOMC parle d’« ajustements » futurs des taux et non plus de « hausses ». Un ajustement peut aller dans les deux sens…

Quelques économistes, comme chez Oxford Economics ou Barclays Research, croient encore qu’un tour de vis sera nécessaire d’ici la fin de l’année pour contenir l’inflation.

Malgré le ton « hyper-colombe » de la Fed, « nous pensons qu’il y aura au plus une hausse des taux cette année, pas avant le 3e trimestre », affirme Kathy Bostjancic d’Oxford Economics.

« La Fed est dans une position difficile vis-à-vis du marché boursier », conclut David Wessel, expert auprès de la Brookings Institution.

« Ignorer les marchés serait insensé, mais créer l’impression que la Fed recule sur les hausses de taux pour éviter que le cours des actions tombe est aussi peu sage », affirme-t-il à l’AFP. « On va voir comme M. Powell va naviguer hors de ces eaux ».