Walmart a tardé à s'adapter à la montée en puissance d'Amazon. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Dans son livre de 1997 intitulé «The Innovator’s Dilemma», le professeur de Harvard, Clayton Christensen, fait la distinction entre innovation successive et innovation de rupture.
L’innovation successive vise à améliorer les produits actuels. L’innovation de rupture cherche à réinventer les technologies et les modèles commerciaux. Les grandes entreprises sont généralement habiles pour améliorer leur position compétitive, mais échouent généralement lorsqu’il s’agit de se réinventer.
Le marché est actuellement rempli de sociétés qui ont du mal à faire face à l’innovation de rupture. Les deux exemples suivants peuvent aider à illustrer ce point.
Netflix a lancé son service de vidéo en continu en 2010. Au départ, les entreprises de médias bien établies ne la considéraient pas comme une menace. Des sociétés comme Disney ont concédé à Netflix leurs catalogues de nombreux films et émissions. Cela a permis à Netflix de se constituer une base d’abonnés, qui allait ensuite lui procurer l’argent nécessaire à la production de ses propres émissions. Neuf années plus tard, les opérateurs principaux ont enfin pris conscience du phénomène Netflix et de ses 150 millions d’abonnés. Avec le service de diffusion en continu de Disney qui sera finalement mis en ligne en novembre, les consommateurs décideront si la société arrive à temps ou trop tard.
La réponse de Walmart à Amazon est un autre exemple de déni face aux changements structurels. Ce qui a commencé comme un petit détaillant de livres en ligne en 1994, est maintenant «The Everything Store» avec des ventes équivalentes de 277 milliards de dollars. Pendant tout ce temps, Walmart n’a pratiquement rien fait en commerce électronique. Elle s’y est sérieusement mis il y a à peine quelques années avec l’acquisition de Jet.com en 2016, plaçant ainsi son fondateur Marc Lore à la tête de ses efforts en matière de commerce électronique.
Les entreprises établies tardent à s’adapter à l’innovation de rupture, car le changement signifie la cannibalisation de leurs activités actuelles. Dans le cas de Disney, il s’agit d’un bénéfice d’exploitation de 7,2 G$ au cours des 12 derniers mois provenant du câble et de la radiodiffusion. Il est difficile pour la société de perdre une partie de ces activités et d’engager des pertes pour mettre en place un service de visionnement en continu.
Dans le cas de Walmart, cela pourrait être encore plus difficile, car tout leur système opérationnel (achats, logistique, etc.) est optimisé pour acheminer les marchandises dans leurs magasins à grande surface. Une stratégie en ligne nécessitera une optimisation pour acheminer les marchandises jusqu’aux consommateurs, ce qui signifie un changement complet de tout ce pour quoi Walmart est reconnue. De plus, il y a la famille Walton, qui est collectivement le plus grand actionnaire de Walmart. Possédant 1,457 milliard d’actions, leur dividende annuel est d’environ 3,1G$. Il semble n’exister aucun chef de direction qui soit assez courageux pour leur dire: «Pouvons-nous arrêter votre dividende afin de renforcer nos capacités de commerce électronique?»
Lorsqu’il s’agit de s’adapter aux bouleversements, les entreprises établies suivent généralement le dicton «mieux vaut tard que jamais», alors qu’elles devraient plutôt essayer de ne jamais être en retard!
Patrick Thénière, CIM, Associé Barrage Capital