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Le pire encore à venir, estime François Trahan

Charles Poulin|Publié le 28 septembre 2023

Le pire encore à venir, estime François Trahan

Les marchés boursiers réagissent historiquement en atteignant un creux 18 mois après le taux d’intérêt le plus élevé. (Photo: courtoisie / Catherine Moca)

Les économies américaines et canadiennes ont beau avoir ralenti en 2023, le pire n’est pas encore passé, soutient le stratège boursier et économiste François Trahan.

Invité par CFA Montréal à venir présenter son point de vue sur les perspectives économiques et boursières des mois à venir, celui qui a été admis au Temple de la renommée des investisseurs institutionnels en 2016 et qui est considéré comme une étoile à Wall Street, n’a pas mis de gants blancs et a dressé un portrait assez pessimiste de l’économie pour les deux prochaines années: le creux le plus bas devrait survenir en 2025.

En se basant sur les récentes données de l’économie américaine, il estime qu’un atterrissage en douceur est difficile à envisager.

«Ça prend deux ans avant que les changements au taux directeur aient un impact sur l’économie, martèle le prévisionniste québécois à plusieurs reprises pendant sa conférence. Lorsqu’on tente d’identifier le creux d’une récession, on trouve le point où les taux d’intérêt sont les plus élevés et on ajoute deux ans.»

Ce sommet, il est aujourd’hui, remarque-t-il. «En septembre 2025, l’économie sera vraiment dans le trouble», laisse-t-il tomber.

De même, les marchés boursiers réagissent historiquement en atteignant un creux 18 mois après le taux d’intérêt le plus élevé. François Trahan remarque que le taux obligataire fixe 30 ans était de 7,83% aux États-Unis, et le taux de renouvellement hypothécaire moyen était à 7,98%.

«On devrait ainsi atteindre le creux des marchés boursiers au plus tôt au printemps 2025», avance-t-il.

Indicateurs problématiques

Outre le fait que le ralentissement économique actuel est mondial, François Trahan note que plusieurs indicateurs sont problématiques chez nos voisins du Sud.

La croissance industrielle des Américains est à peu près neutre, et les dépenses des consommateurs sont en recul (-0,2%).

La situation du resserrement du crédit l’inquiète également.

«La Réserve fédérale américaine (Fed) vient de procéder à la hausse de taux la plus agressive depuis 1979, remarque le prévisionniste québécois. Et ce qui est un peu bizarre, c’est que les banques ont resserré les conditions de crédit en même temps que les hausses du taux directeur, alors que typiquement, ils amorcent ce processus à la fin des augmentations. C’est quelque chose que nous n’avons jamais vécu et qui va ajouter une autre pression économique.»

Portes de sortie bloquées

Habituellement, deux portes de sortie peuvent s’ouvrir lors d’une récession, rappelle-t-il. La première est une forte croissance de la part d’une grande économie ailleurs dans le monde (la réunification de l’Allemagne au début des années 90 ou la croissance des investissements en Chine dans les années 2000).

«On ne peut identifier présentement une économie assez large en croissance qui pourrait nous aider», souligne-t-il.

La deuxième est la politique fiscale des États. Le problème, c’est que les États-Unis ont leur plus fort niveau d’endettement depuis la Deuxième Guerre mondiale.

«Le problème des finances publiques aux États-Unis va limiter leur réponse à la crise, soumet François Trahan. Les Américains ne pourront dépenser sans conséquence.»

Il rappelle aussi qu’un des points de départ d’une récession demeure l’explosion du déficit après un ralentissement économique.

 

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Canada

François Trahan croit que les prochains mois seront «difficiles» pour l’économie canadienne. Le pays, qui exporte beaucoup, est fortement dépendant de ce qui se passe ailleurs dans le monde, et ses principaux partenaires d’affaires, les États-Unis, l’Europe, la Chine et le Japon, connaissent tous des problèmes présentement.

«Les économies qui dépendent des exportations sont plus sensibles aux récessions, affirme-t-il. Le fait que la situation est mondiale ajoute un risque énorme.»

 

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Reprise ou récession?

À ceux qui avancent que l’économie est plutôt en reprise, il répond que les États-Unis sont plutôt en situation de «bear market rally», une courte et forte augmentation des prix comprise à l’intérieur d’une période plus longue de déclin des bourses.

Il pointe plutôt vers le fait que depuis la Deuxième Guerre mondiale, lors des 13 dernières séries de hausses du taux directeur de la Fed, il y a eu autant de récessions. Pour la même période, lorsque l’inflation a dépassé 5% aux États-Unis, il y a eu une récession. Et lors des huit dernières inversions de la courbe de rendements obligataires, il y a eu… une récession.

«Je le répète: ça prend deux ans avant que les changements de taux n’affectent l’économie, prévient-il. Je ne vois pas comment on peut, dans ce cas, parler d’économie résiliente en ce moment parce que toutes les hausses n’ont pas encore eu leur effet.»

 

 

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