Les fonds qui misent sur les titres populaires ont nettement mieux fait que les fonds d'aubaines. (Source: Pension Partners)
Le bazooka monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), les bonnes données américaines et les concessions tarifaires ont chassé encore un peu plus les craintes de récession.
Résultat: la Bourse américaine enfile une troisième semaine de gain sans toutefois atteindre de nouvelles marques historiques.
Le rebond marqué des taux américains de 10 ans, de 1,56% à 1,90%, a toutefois retenu le plus d’attention.
La hausse est spectaculaire, mais ces taux repères ont retrouvé le niveau qu’ils avaient le 2 août, soit avant que la crise de nerfs du président américain et les nouveaux tarifs américains n’attisent le conflit commercial, note Douglas Porter, économiste de BMO Marchés des capitaux.
À Toronto, l’indice S&P/TSX a fracassé son record d’avril malgré le déclin de 3% du cours du pétrole et le repli de 1,3% du cours de l’or, pendant la semaine.
Par sa composition, l’indice torontois profite du retour des investisseurs aux secteurs plus cycliques et aux titres bon marché qui avaient jusqu’ici peu profité du mouvement haussier, explique Martin Roberge, de Canaccord Genuity.
Dans les dernières manches d’un cycle économique, il est fréquent de voir les gains boursiers soulever les secteurs retardataires tels que l’industrie, les producteurs de matières premières ou l’énergie.
Les fonds momentum mis en cause
Cette fois, la rotation des investisseurs prend une tournure inhabituelle.
Le plongeon des taux avait tant soulevé les industries prisées pour leurs dividendes élevés que des fournisseurs d’électricité et des fonds immobiliers s’étaient retrouvés dans les fonds «momentum» aux côtés des titres de technologies. Ces fonds populaires misent sur les gagnants en Bourse.
Or, la trêve inattendue dans le conflit commercial a incité les investisseurs à sortir du refuge des obligations et des titres les plus «défensifs», qui avaient profité de la baisse des taux, et se diriger vers d’autres secteurs.
Le mouvement que certains pros ont comparé à un «tremblement de terre» a vu les titres bancaires rebondir de presque 8% et l’indice des titres à faible capitalisation Russell 2000 de 5%, cette semaine. Cela se compare au gain d’un pour cent du S&P 500.
Il n’y a pas que la trêve commerciale et l’assouplissement monétaire de la Banque centrale européenne qui ont renversé la vapeur.
Les données économiques de la semaine ont aussi contribué à la remontée des taux.
L’inflation de base a atteint 2,4% en août excluant les aliments et l’énergie, le rythme annuel le plus élevé depuis juillet 2018.
La croissance annuelle des ventes au détail s’est élevée à 4,1% en août tandis que la confiance des consommateurs de l’Université du Michigan a augmenté de 89,8 à 92.
Le recul des demandes d’assurance-chômage et le plus grand nombre d’employés qui quittent leur poste pour un autre suggèrent aussi que le marché américain de l’emploi reste solide pour l’instant.
Un pivot bienvenu, s’il dure
Le stratège de Canaccord Genuity compare la hausse boursière à l’escalade d’une montagne par un randonneur qui prend des pauses pour boire.
« Le retour des investisseurs aux titres bon marché est une bouffée d’air frais qui pourrait prolonger le marché haussier »
Toutefois, un premier test pour la Bourse viendra dès que les grandes banques centrales auront fini d’annoncer leur assouplissement monétaire, entrevoit le stratège quantitatif. La Banque du Japon ferme la marche le 19 septembre.
Les taux pourraient fléchir à nouveau et faire douter les investisseurs de la reprise. L’économie mondiale est encore très fragile «si l’on se fie à la nouvelle détérioration des indicateurs avancés de l’OCDE cette semaine», dit-il.
Aussi, la reprise des négociations commerciales à Washington risque fort de bousculer les marchés en octobre, un mois déjà réputé pour sa grande volatilité.
Néanmoins, les secteurs retardataires n’ont pas besoin d’une forte reprise pour s’apprécier davantage, tellement ils sont sous-évalués, avance M. Roberge.
Les titres bon marché du S&P 500 sont 33 % moins chèrement évalués que les titres de croissance (Source: Canaccord Genuity)
Le multiple cours-bénéfices de l’indice valeur du S&P 500 (14,1 fois) est 33% inférieur à celui de l’indice croissance du S&P 500 (21 fois), un écart record.