Le premier groupe bancaire allemand Deutsche Bank a multiplié par plus de cinq sur un an son bénéfice net entre juillet et septembre, au plus haut «sur une décennie». (Photo: 123RF)
Paris — Les banques européennes ont profité au troisième trimestre de la hausse des taux d’intérêt des banques centrales, favorables à leurs marges, les acteurs français sortant leur épingle du jeu malgré le coût de la rémunération du Livret A.
«Le troisième trimestre est un très bon trimestre pour les banques européennes», résume à l’AFP Thibault Douard, gérant chez Tikehau Capital.
La raison principale? «La remontée progressive des taux a un effet positif sur les revenus» puisque les banques prêtent désormais plus cher.
La hausse des taux — de 2% par exemple pour la Banque centrale européenne (BCE) depuis juillet — est «un élément positif pour toute banque de détail dans la mesure où elle permet d’augmenter à terme la marge de crédit», abonde le président du directoire du groupe bancaire mutualiste BPCE Laurent Mignon, appelé à commenter mercredi les résultats de sa banque lors d’une conférence de presse.
Fort de ce contexte arrivant après de longues années de taux bas, le premier groupe bancaire allemand Deutsche Bank a multiplié par plus de cinq sur un an son bénéfice net entre juillet et septembre, au plus haut «sur une décennie».
Les bénéfices du britannique Barclays sont en augmentation de 10% sur un an, ceux de l’espagnol Banco Santander de 11%. La deuxième banque italienne UniCredit a relevé ses prévisions pour l’ensemble de l’année 2022.
En France, BNP Paribas tient toujours la corde avec 8 milliards d’euros engrangés entre janvier et septembre, devant les mutualistes Crédit Agricole (6,1 milliards d’euros) et BPCE (3,4 milliards d’euros). Société Générale, plombée par la cession de sa filiale russe Rosbank au printemps, est à la traîne, avec moins d’un milliard de bénéfice en neuf mois.
Spécialités françaises
L’évolution des taux ne se traduit pourtant pas «de façon aussi marquée» en France que dans d’autres marchés européens, «du fait des spécificités des modèles économiques des banques françaises», relève Nicolas Hardy, analyste chez Scope Ratings.
La hausse rapide des taux de l’épargne réglementée — le taux de rémunération du Livret A est par exemple passé de 0,5% en début d’année à 2% depuis le 1er août — génère pour les banques un surcoût qui s’applique immédiatement sur l’ensemble du stock.
C’est particulièrement le cas pour celles ayant une part de marché historiquement importante sur ces produits, comme les réseaux Caisse d’Épargne ou Crédit Agricole.
Les hausses des taux de crédit pratiqués par les banques sont en revanche plus lentes et ne s’appliquent qu’aux nouveaux prêts signés.
Il s’agit là encore d’une particularité du marché français: les crédits immobiliers sont très majoritairement accordés à taux fixes et limités à la hausse par le taux d’usure, un taux d’emprunt plafond.
La marge de la banque de détail s’en trouve logiquement «pincée», admet M. Mignon, mais uniquement pour une période «transitoire».
Crédits polonais et taxe espagnole
Les banques adaptent à l’occasion de leurs résultats trimestriels leur coût du risque, ces sommes provisionnées en cas de défaut d’un emprunteur.
Elles sont «en légère hausse par rapport au trimestre précédent», note M. Douard, «mais plutôt en préventif que pour de réels défauts constatés».
Un cas spécifique a retenu l’attention: la Pologne. Le gouvernement a en effet accordé en juin aux emprunteurs la possibilité de suspendre leurs remboursements pendant plusieurs mois afin de soulager leur budget face à l’inflation.
L’allemand Commerzbank a provisionné 477 millions d’euros au titre de ce manque à gagner, BNP Paribas 204 millions d’euros.
Les banques espagnoles se préparent de leur côté à voir leurs bénéfices entamés l’an prochain par un prélèvement de 4,8% sur les marges d’intérêt et les commissions appliquées sur leurs activités dans le pays.
Outre l’Espagne, d’autres pays ont dit réfléchir ces dernières semaines à la mise en place d’un impôt exceptionnel sur les banques, notamment la République tchèque et la Hongrie.
Les banques françaises, aux résultats record l’an dernier et en bon chemin pour renouveler l’exploit cette année, ne sont pour l’instant pas concernées.